- Acte III -

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Caitlyn : 

Cette nuit-là fut merveilleuse et hors du temps. À cheval sur son corps un peu tendu, j'ai lentement dénoué tous les nœuds qui la maintenaient captive, reclue dans sa propre peur. Obéissant à un instinct dont j'ignorais l'existence chez moi, j'ai franchis les dernières barrières qui nous séparaient. Je me suis offert à elle, entièrement, sans mesures ni réserves. Je me suis livrée comme jamais je ne l'avais fait auparavant, dévoilant mon âme au travers de mes gestes amples et réguliers. J'ai voulu mettre du baume sur son cœur abîmé, et effacer les images qui la hantent. Sur ses traits, un mélange de reconnaissance et de soulagement avait finalement remplacé le reste, comme si elle goûtait pour la première fois à un plaisir sans contrepartie. 

Au moment où elle a rouvert les yeux, c'est un autre regard qu'elle a posé sur moi. Après de longues et délicieuses minutes, j'ai su que le déclic s'était finalement opéré chez elle. Alors, elle a fait preuve d'une passion plus grande encore, plus profonde, plus intense que n'importe qui n'aurait pu en démontrer. Elle m'a prise avec chaleur et dévouement, d'une exaltation non feinte et pourtant d'une douceur incomparable. Plusieurs fois elle a marqué un temps de pause ne serait-ce que pour s'assurer que tout allait bien, ou bien juste pour me regarder. C'était à son tour de me faire découvrir les plaisirs du corps. Allongée sous elle, son souffle court caressait mon oreille alors qu'elle était penchée sur moi, me donnant accès à chaque centimètre de peau qu'elle avait finit par presque entièrement dénuder. Pas une seule fois elle n'a manqué de délicatesse malgré son caractère brut, jamais elle ne s'est précipitée malgré son engouement, ni ne m'a brusquée d'une quelconque manière. 

J'avais la technique dont elle manquait, elle avait la force que je n'avais pas. Et pourtant, une symbiose parfaite est née entre nous comme si nous étions finalement faites pour embrasser l'autre dans toute sa plénitude. Je lui ai moi-même donné la réciproque avec ferveur, espérant que cela suffise à exprimer tout ce que je ressens pour elle. Vi.. Une union sauvage mais belle, une flamme montante créée par une alchimie parfaite, un feu qui ne s'éteindra jamais. Dans un élan de désir, je l'avais renversée de nouveau et lui avais montré comment aller plus loin, comment faire pour que les sensations physiques reflètent ce qu'elle essayait de me donner. Mais je ne me doutais pas qu'elle n'aurait nullement besoin de moi pour ça. Spontanément, elle avait repris le dessus, confiante, et avait fait exactement ce qu'il fallait pour attiser la braise qui menaçait déjà de me consumer. 

Dans la fièvre des ultimes instants, un gémissement, un seul, avait jailli de ma gorge. Non pas un cri ni un éclat de voix, juste un soupire de jouissance dans lequel se mêlait gratitude, amour et passion. Je n'ai pas manqué de lui faire connaître ce moment en retour. 

Plus  tard, enlacée contre elle, la chaleur s'atténuant peu à peu, j'avais compris ce que l'on ressent lorsqu'on tient à quelqu'un plus qu'à quiconque. J'avais replacé une de ses mèches rebelles tandis qu'un sourire de contentement fendait son visage. Je la voyais désormais sous un autre jour, comme s'il ne restait d'elle que les côtés les plus tendres. Voulant toujours son corps contre moi, j'avais posé ma main dans le creux de sa hanche et m'était rapprochée. Elle avait appuyé sa tête contre la mienne, caressant ma joue avec douceur. Les premiers mots furent alors échangés, eux qui n'avaient jusque là aucune utilité pour se faire comprendre. 

- Merci..

- Je t'aime..

 Nul besoin de savoir qui les avaient prononcé, l'une comme l'autre auraient pu être à l'origine de chacun d'eux. 

Elle s'était endormi avant moi tandis que j'avais somnolé jusqu'à l'aube. Couchée sur le ventre, sa respiration paisible soulevait lentement son dos et le faisait redescendre. Je l'ai observé sans réserve, profitant du calme et de la sérénité qui nous entourait. Jamais je ne serais plus heureuse de l'avoir connu. 

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Vi : 

Je mets plusieurs secondes à me rappeler où je me trouve avant que les images de la veille me reviennent en mémoire. Le même bien-être m'envahit et je laisse mes muscles se détendre à nouveau. Tout est si calme, ici. Pas de cris, ni d'explosions. On dirait une autre dimension dans laquelle rien de tout ça n'a jamais existé. C'est comme un rêve que j'ai du mal à réaliser, toute cette richesse, cette bienveillance. Moi qui croyais que les gens "d'en haut" étaient froids et superficiels, j'ai rencontré la seule personne qui va à l'encontre de ces préjugés. Ce qu'il s'est passé entre nous, j'ai encore beaucoup de mal à m'en rendre compte. Je me suis retrouvée prise dans une tornade d'émotions qui m'a fait perdre pied, je ne savais plus où j'étais jusqu'à ce que mon esprit se déconnecte enfin. Là, c'était comme si je venais de retrouver la vue, mon chemin, et tout ce que j'avais toujours inconsciemment recherché. Je n'ai alors plus vu qu'elle, et son nom encore maintenant s'impose dans mon esprit par-dessus tous le reste. Caitlyn, la Pacifieuse, celle qui m'a libéré une seconde fois. 

Elle a comblé un grand vide en moi et m'a apporté un réconfort dont j'ai sous-estimé l'étendu. Avec elle, je revis. Elle m'a entraîné et je l'ai suivi, j'ai écouté l'instinct qui grondait en moi et à qui j'ai totalement laissé les commandes. Je ne me serais pas cru capable d'un tel exploit, et je ne la remercierais jamais assez de m'avoir ouvert à tant de possibilités. J'ai envie de sourire rien qu'en la voyant, j'ai envie de passer le restant de mes jours auprès d'elle et de...

Des coups de feu retentissent soudain. Ils sont loin, mais leur écho me parvient quand même, perçant la bulle de silence dans laquelle nous étions enveloppées. Un goût amer me revient en bouche. Au moins, j'avais pu tout oublier l'espace de quelques heures, mais la Basse-Ville est en guerre, et Silco veut ma peau. Ses hommes ne tarderont pas à me retrouver. Je regarde Caitlyn, elle dort toujours. Je la mets en danger en restant ici, tôt ou tard "l'en-dessous" finira par remonter et sèmera le chaos dans cette ville. Je ne peux pas me permettre que cela se produise. 

Je me lève et m'habille en silence. Avant de partir, je m'approche d'elle. J'aurai aimé l'embrasser mais je ne veux pas la réveiller, alors je me contente d'effleurer sa joue de l'arrière de ma main, un geste devenu récurrent entre nous. J'en profite pour graver son visage dans mon esprit, ses traits fins et délicats, ses cheveux bruns aux reflets si atypiques, ses lèvres au goût unique..

Je quitte la chambre par la fenêtre non sans lui jeter un dernier regard, regrettant de ne pas être autre chose qu'une fille des bas-fonds. Puis, le visage à nouveau dans l'ombre d'une capuche, je me glisse hors du domaine et m'enfonce dans les rues, laissant derrière moi la seule personne qui n'ai jamais autant compté. 

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Caitlyn : 

La lumière est vive. Elle inonde et réchauffe la pièce de sa clarté matinale. Je crois d'abord manquer de quelque chose, avant de me rendre compte que c'est belle et bien le cas. La place à côté de moi est vide. Vide. Elle est partie. Je ne sais pas me décider entre les différentes émotions contradictoires qui me traversent. 

Je me redresse, cherchant l'explication rationnelle et tâchant de ne pas me laisser submerger par d'autres sentiments. Je sais que la situation est encore critique. Ailleurs, des gens continuent de se battre, certains sont sûrement encore à sa recherche, et ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne mettent la main sur elle. Le soleil brille haut, elle doit déjà être loin. Je l'espère en tout cas. 

Elle a sans doute fait le meilleur choix qui s'imposait, je le sais, je la comprends, et je ne lui en veux pas. Mais malgré ça, quelque chose gonfle ma poitrine et une larme finit par rouler sur ma joue. 

What could've been...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant