- Acte III : Caitlyn -

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Elle est là, tout près, face à moi. Il ne me reste qu'un pas avant de pouvoir la toucher, l'étreindre. Je tends le bras et elle fait de même, nos doigts se rejoignent, puis tous le reste et le même scénario que la veille se reproduit quand soudain.. tout devient noir et disparait. 

Je me réveille en sursaut après cette vision irréelle. J'ai toujours l'impression de sentir son corps contre le mien, la sensation que mes lèvres effleurent encore les siennes. Mais quand j'ouvre les yeux, c'est un vide que je trouve devant moi et la seule chose qui me caresse est le léger courant d'air venant de la fenêtre entrouverte. Son odeur encore présente sur l'oreiller s'estompe peu à peu, unique marque restante de son passage à l'instar des plis sur les draps. 

J'ai passé la journée dans cet état de réflexion contemplatif, à voir tourner les questions sans réponse jusqu'à tomber dans une demi-somnolence passive. J'ai finis pas m'endormir et rêver d'elle, ne récoltant après cela que la conviction qu'il me faut la rejoindre. Chassant le voile qui menace de brouiller ma vue, je me lève, prise d'une soudaine détermination. J'ai perdu du temps à me demander ce que je devais faire, et également à savoir si cela lui apportera vraiment l'aide dont elle a besoin. Je ne suis qu'une Pacifieuse, j'ai peu d'expérience et je ne suis pas originaire des bas-fonds. Me rendre là-bas seule et sans soutien, avec les hommes de Silco qui rôdent, c'est un pari risqué et dangereux. Mais l'amour a ses raisons que la logique n'expliquera jamais, et faire preuve de rationalité dans un moment pareil est contre-productif. Je ressens le besoin d'agir, et non plus de rester les bras croisés à attendre la suite. 

Délaissant mon uniforme réglementaire pour une tenue plus sombres et épurée qui se veut furtive, je retire tout ce qui faisait de moi un pion de la Cité Haute. Mon écusson d'escouade restera ici. De toute façon, avec tout ce qu'il s'est passé, je ne pense pas être à nouveau en mesure de m'en servir. Ma place n'est plus parmi les rangs que j'ai autrefois convoité, mais auprès de celle qui fait battre mon cœur alors même qu'elle n'est plus là. 

Une fois prête, je jette un dernier coup d'œil à la pièce avant de la quitter par le même chemin qu'avait dû emprunter mon amante la nuit passée. Je me faufile hors des somptueux jardins que j'ai toujours connu, et laisse les ombres du crépuscule m'engloutir. 

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J'avance dans la rue principale le cœur battant. J'ai emprunté un chemin dérobé pour me rendre jusqu'ici et dois tâcher de ne pas me faire remarquer. Une Pacifieuse ne serait sans doute pas très bien accueillie, encore moins en ce moment. Les bas-fonds sont un endroit sombre et délabré où la lumière filtre à peine même de jour. Les Voies sont remplies de zones d'ombre et d'individus à éviter. Je me rappelle de la première fois où j'y ai mis les pieds, du flot de personnes qui me frôlaient ou me dévisageaient avec mépris. Heureusement, j'étais avec Vi et elle savait où aller. Je me sentais relativement en sécurité avec elle malgré le fait d'être traitée comme on traiterai les gens d'ici s'ils venaient chez moi. Désormais seule, et même si le poids de mon arme dans mon dos me rassure, je ne pourrais pas me défendre à découvert sans me faire repérer. 

Une certaine tension est palpable dans l'air, il plane comme une atmosphère lourde et pesante amplifiée par l'absence de bruit aux alentours. Je marche vite et tête baissée, veillant à ne croiser aucun regard. Les seuls visages que j'aperçois rapidement entre deux coups d'œil sont blafards, parcourus de veines bleues et ravagés par cette drogue devenue omniprésente. Importée par Silco, le Shimmer dévaste la Basse-Ville de l'intérieur, rendant la population addict et dépendante. Les habitants ne sont plus que des loques aux yeux injectés de sang, complètement hagards et ahuris, ne se rendant même pas compte de la guerre qui menace d'exploser à tout moment. Je ne suis pas d'ici et pourtant je ressens toute la peine qui frappe ce lieu. Sans avoir jamais été aussi riche que "l'au-dessus", il a sûrement été autrefois prospère. Aujourd'hui, il n'en reste que la misère et les ruines et je constate à quel point cette cité à besoin de guérir. Cet entre-deux étrange, il n'y a qu'une seule autre personne à le connaître et à savoir ce qu'il implique. 

J'essaie de penser comme elle et en déduit qu'elle a dû se rendre directement dans le repaire de l'ennemi. Je sais où il se trouve, et tout ce que j'espère, c'est qu'elle m'ai attendu. Elle et moi, nous sommes deux âmes incomplètes qui doivent se réunir pour exister. Si ma moitié s'en va, je pars avec elle, si elle rencontre  la moindre difficulté, celle-ci devient la mienne et je l'affronterais aussi. 

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Je ne pensais pas la retrouver si facilement. J'ai suivis les éclats de voix et les bruits de bataille au loin, comprenant qu'un affrontement avait déjà commencé. Et en effet, je tombe rapidement sur l'armée des bas-fonds qui mène un véritable raid contre les hommes de Silco. Ces derniers sont reconnaissables aux vapeurs mauves qui émanent d'eux. Ils ont l'air moins nombreux, mais beaucoup plus puissants et les attaquants ne font pas le poids malgré leur supériorité numérique. Des corps sont projetés dans tous les sens dans le brouhaha formé par les lames qui s'entrechoquent et les hurlements. Je reste à couvert, dissimulée derrière un mur à l'abri des combats, tâchant de jauger l'ampleur du carnage qui se joue devant moi.

Quelqu'un se fait alors brutalement plaquer au mur une dizaine de mètres plus loin et mon cœur manque un coup. C'est elle, luttant contre une femme au bras bionique alimenté du liquide mauve, qui la maintient par la gorge. Ses pieds ne touchent pas le sol et elle a du mal à respirer, plusieurs filets de sang coulent de ses lèvres sur son menton et ses bras tremblent sous l'effort qu'elle fait pour repousser son adversaire. Mais elle a beau se débattre, l'emprise est trop forte. En quelques seconde, j'ai braqué mon arme et appuyé sur la détente. La détonation résonne et touche la cible à l'épaule, je n'attends pas pour faire feu à nouveau, faisant enfin reculer le monstre. 

Vi se réceptionne et j'accours vers elle alors qu'elle reprend son souffle dans une quinte de toux. L'ennemi a reculé pour se mettre à couvert dans un grognement de douleur, ce qui nous laisse juste le temps de faire de même. J'attrape mon amante par les épaules pour l'aider à se remettre debout, captant au passage son regard de reconnaissance. Soulagée de la retrouver, cette joie s'estompe quelque peu quand je sens sous mes mains la tiédeur du sang à travers son haut. Ses poings nus sont également dans un sale état. En levant la tête, j'avise les deux gants Hextech dont elle se sert habituellement qui gisent non loin. Mais entre eux et nous, il y a cette femme au bras mécanique et à l'air bestial. 

Je la vois alors prendre une fiole de Shimmer, en arracher le bouchon avec les dents et avaler son contenu d'une traite. Impuissantes, nous la regardons retrouver toute son énergie et plus encore, tandis que Vi se remet debout avec difficulté. Tenant à peine sur ses jambes, elle s'avance malgré tout et je crois comprendre ce qu'elle veut tenter. En faisant diversion, l'une de nous pourras attirer l'attention de l'ennemi tandis que l'autre pourra récupérer les poings Hextech, dont la technologie est capable de rivaliser avec celle des sbires de Silco. 

Dans un élan tacite, Vi s'élance et je fais de même dans la direction opposée, gardant un œil sur l'opposante qui devra choisir son adversaire. Mais soudain, alors qu'elle fait mine de se jeter sur Vi et que je braque mon canon vers elle, la femme fait volte-face et bondit à une vitesse inconsidérable sur moi. 

Tout se passe trop vite et je n'ai pas le temps de comprendre, juste celui d'apercevoir un sourire narquois fendre son visage avant qu'une douleur intense explose dans mon crâne. Je vois trouble et ne sens la chute que lorsque je touche le sol. Il est froid et poussiéreux sous ma joue. Sonnée, j'entends quelqu'un crier mon nom, qui me parvient comme un écho très, très lointain. J'essaie de me relever, mais un poids inconnu me cloue au sol et un voile noir tombe soudain devant mes yeux. 

What could've been...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant