ÉPISODE 3

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VENDREDI, 6 : 45, chez Étienne

C'est difficilement que j'ai ouvert mes yeux ce matin. Et c'est tout aussi difficilement que j'ai traversé le couloir, baguenaudant jusqu'à la cuisine où ma mère a préparé un petit-déjeuner à ma sœur. Des céréales, ses préférés, et elle a coupé une pomme verte.

— Bonjour mon grand, ça va ? Tu as cours là ? me demande ma daronne, un peu trop énergétique de si bon matin. Je sais pas comment elle fait, moi j'suis là au bout de ma vie à essayer de garder mes yeux ouverts. J'y parviens même pas.

— Mouais... j'crois.

Je crois que j'ai cours. Je suis pas sûr, faut que je vérifie mon emploi. Mais si l'alarme sur mon portable m'a réveillé à 6 : 45, alors bon. J'ai sûrement cours à 8 : 00. Je chiale intérieurement.

M'installant avec paresse en face d'Inès (ma sœur), mon dos se courbe et une main se plaque contre ma joue encore chaude. Je dormirais bien encore un peu là. Une minute serait suffisante. La nuit dernière, j'ai regardé deux films l'un à la suite de l'autre, avant d'me taper des parties de play à minuit passé. Ça m'apprendra à jouer au malin.

— Allez ma chérie, tu vas être en retard, dit ma mère à Inès. Cette dernière n'a pas encore terminé son bol de Nesquik, distraite à mélanger les grains de chocolat avec le lait.

Je la vois flou. Elle pioche un quartier de pomme et le croque sous ses dents, sans grande envie. Comment elle arrive à se réveiller à 5 : 30 tous les jours wesh. Moi, j'peux pas. Pourtant, c'est ce que faisais au lycée, c'est-à-dire l'année dernière.

— Au revoir m'man... dit ma petite sœur, avant de courir jusqu'à l'entrée, son sac violet sur son dos frêle.

Ma sœur, elle est en cinquième. Rousse, joues rosées et un regard vert clair, j'la trouve vraiment mignonne quoi. Genre. Je l'aime beaucoup, elle est drôle et j'arrive pas à m'habituer à l'idée qu'elle grandisse. Non dans ma tête elle a encore six ans. J'suis grave confus.

— Tu veux un café Étienne ? Tu as l'air fatigué hein... tu dors mal ? C'est le stress ?

Je secoue doucement la tête.

— Mm ouais... tu peux m'faire un café steuplé ?

Elle prépare son café, du coup, elle m'en fait un par la même occasion. Pendant ce temps, je traîne sur mon portable. Les notifications, je les lis pas, parce que flemme. Sauf celui de Simon, mon pote du lycée, avec qui j'discutais hier. Il m'a dit qu'il serait de retour à Reims la semaine pro pour voir ses darons. Il étudie à Lille, ce con m'a abandonné.

Ouais j'ai hâte, parce que franchement, la vie du lycée me manque, on se marrait trop. Mes autres potes sont tous partis, y a que moi j'suis toujours là solo. Voilà que je regrette maintenant, de pas avoir foutu le camp moi aussi. J'aurais dû écouter mon daron qui m'a conseillé de continuer mes études à Rennes. Putain j'voulais grave pas, mais là j'me dis que j'aurais dû, j'sais pas pourquoi.

— Merci, dis-je à ma mère, alors qu'elle posait un mug encore fumant sur la table.

Chaque minute, je regarde l'heure sur mon portable. Faut que j'bouge mon cul pour pas finir à la bourre.

Vas-y, 1, 2, 3, je compte dans ma tête, puis je me lève pour repartir dans ma chambre, avec mon café encore chaud.

Devant l'armoire, j'reste immobile, à fixer les fringues. Que porter ? Bah je fais archi simple en fait. Je chope un t-shirt blanc et une veste noire, ainsi qu'un pantalon quelconque. T'façon, ça sert à r de se faire beau. Je m'en fiche.

En me tournant, mes yeux tombent sur mon lit aux draps défaits. Mon ordi est posé sur la commode, encore allumé ; j'avais pas assez d'énergie pour l'éteindre hier soir. Putain, mon lit. Il m'appelle, pour revenir dormir. Mes yeux deviennent brûlants, alors je regarde l'heure. 7 : 04. Si je dors 15 minutes, j'risquerais pas d'arriver en retard. Ouais, vas-y, je vais dormir un peu. Un petit peu et c'est fini.

ÉTIENNE, & kaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant