ÉPISODE 6

379 57 14
                                    

MARDI, 8 : 00, chez Étienne

Inès, ma petite sœur aux bouclettes rousses, s'amuse à trier les céréales selon leur couleur. Elle est à fond dans son processus, comme si sa vie en dépendait. Mon côté grand frère chiant a envie de les mélanger, mais bon, elle est mignonne, j'ose pas.

— Ma chérie, tu vas être en retard ! Mange vite, allez, s'exclame ma mère, Amanda.

— Tada ! Inès nous montre son chef d'œuvre réalisé sur la table de la cuisine.

Ma daronne la calcule pas, affairée devant le plan de travail. Je pense qu'elle prépare le goûter de cette gamine. Je sirote mon café fumant, prenant mon temps. Je commence à 9 : 00 aujourd'hui. Une main contre ma tempe, je glisse mon doigt sur l'écran de mon portable pour lire les derniers messages de Simon.

hier à 2 : 25

de simon 🤖 : frr g grv hate de revenir a reims ca me manque wshhhh

Pfft, miskine lui. Limite, il se tape une déprime à Lille. Aux dernières nouvelles, ses études lui plaisent plus, il est à deux doigts de tout envoyer balader. Bah écoute, j'ai espoir qu'il revienne à Reims. 

— Je vais préparer une pizza fait maison pour ce soir, affirme ma mère, alors je hoche précipitamment la tête.

— Okay, c'est cool. Bon, j'vais partir m'habiller avant d'arriver en retard.

C'est sapé d'un survêtement Adidas que je sors de chez moi. Je me dirige vers l'arrêt de bus qui se situe à quelques pâtés de maison. Du Népal dans les oreilles, je pense un peu à cette journée. En réalité, j'ai vraiment hâte que ces quelques jours avant le weekend se terminent, pour que Simon soit enfin là. 

9 : 00, dans les couloirs du bâtiment A

Devant les portes blanches qui longent le couloir, des étudiants font la queue. Certains bavardages fusent entre les différents groupes et le sujet principal : qui sera le prochain bureau des étudiants ?

C'est aujourd'hui qu'on doit voter et moi, je sais déjà à qui. A cette fille qui m'a abordé une fois dans les escaliers. Mélissa. Franchement, elle est grave sympa et même qu'elle m'a envoyé des cours de première année.

Bras croisés et ma carte étudiant entre les doigts, j'attends mon tour, derrière un mec aux cheveux bouclés. Quand vient mon tour, je coche le nom de Mélissa. Juste après, je glisse le bout de papier dans l'urne, avant de signer et tracer d'ici.

Dans l'amphithéâtre, le prof d'histoire des institutions a commencé son cours. Aucune remarque n'est adressée aux retardataires et c'est tant mieux. On a beau être plus d'une centaine d'étudiants en première année, certains professeurs resteront indéfiniment des trous d'cul. Ah vas-y, j'sais pas ce que ça peut leur faire, qu'on échoue nos études.

Ne sachant pas où me placer, bah je m'installe sur une chaise près d'une meuf au style gothique. Elle cala personne, engouffrée dans la noirceur de ses vêtements et gribouillant des choses sur son cahier.

Alors que je pianotais sur les touches de mon clavier, cette fille aux cheveux rouges et noirs m'appelle, ses doigts tapotant sur mon épaule.

— Y a un mec là, il veut t'parler j'crois, me dit-elle, d'un ton nonchalant.

Mais de qui elle parle en fait. Quel mec ? Son ongle coloré en violet m'indique la rangée devant, près de la fenêtre. Ah, ouais. Kaï. Il est là. Je lui souris, puis il me désigne son portable. En mode, pour que j'ouvre le mien. Exécutant sa demande, je m'aperçois des messages de lui sur instagram.

de KAÏ : yo
de KAÏ : midi on va au parking
de KAÏ : n'oublie pas

de MOI : ouais tkt

11 : 00, salle de T.D

Tous les yeux sont rivés vers les ordinateurs de marques différentes. Certains ont pas pris la peine d'allumer leur PC, ce dernier servant juste de décor pour paraître sérieux en classe. Les clic clic clic répétitifs me cassent les oreilles.

À ma droite, Kaï est adossé au mur blanc. Il est arrivé en retard de quelques minutes. Askip il avait zappé qu'on a un T.D à 11 : 00. Pas très vif ce mec.

— Madame, puis-je répondre à la question ?! s'exclame une fille assise devant, de grosses lunettes roses posées sur son p'tit nez.

Madame T.D – déso, mais j'ai oublié son blase – est ravie que quelqu'un participe. En même temps, cette nana est la seule ici qui a la main levée h24.

Madame, puis-je répondre à la question, tente de l'imiter Kaï d'une voix moqueuse. J'arrive pas à m'retenir de pouffer de rire là.

Il l'imite de nouveau, alors qu'elle expliquait des choses au prof. Cette dernière hoche la tête à plusieurs reprises, adhérant sur chaque parole. J'suis censé avoir un niveau pareil pour continuer ces études ou ? Ah, fait chier. Maintenant, je stresse.

— Ta gueule wesh, elle va t'entendre ! je dis à ce con, qui plisse des yeux, un sourire au coin des lèvres.

— Mm, j'm'en fiche.

Je bouge la souris de mon laptop, pour rallumer l'écran éteint. La prof nous demande de prendre des notes, puisque ce sont des notions qui viennent à l'examen. On verra.

— T'écris pas, genre ? je demande au garçon à mes côtés, qui foutait pas grand chose de sa vie.

— Bah, flemme pftt...

— Tu m'étonnes. Frère toujours t'as la flemme toi, vraiment.

À chaque fois que je lui pose une question, sa réponse c'est flemme.

— Ah ouais pas faux. Hier, j'ai dormi à 21 heures. pourtant, bah... voilà. J'suis grave fatigué h24, il m'avoue, se calant contre le mur derrière lui.

Alors là. Je ricane, tout en prenant quelques mots en note.

— Pourquoi tu rigoles comme ça mec ? il me demande.

— Bah, j'ai dormi à peine 4 heures hier... pourtant j'prends des notes téma, je lui indique l'écran de mon ordi, fier de moi.

— Bravo. Tu m'envoies tes notes ? Ou genre, même pas ?

— On verra bien.

Je le charrie mais en vrai, m'en fiche. 'Fin je lui enverrais sans problème ce document Word qui ne contient que des phrases soulignées en rouge. Je me concentre de nouveau sur le cours, mon doigt frottant ma lèvre gercée.

J'ai faim. Mon ventre me fait mal tellement j'ai la dalle, genre. En plus, j'ai oublié de prendre un goûter avec moi. Du coup, j'vais passer au market du coin pour prendre un sandwich réfrigéré. Vous voyez ceux qui n'ont aucun goût. Ouais, donc ça.

C'est alors que je sens le regard de Kaï sur moi, regard qui coupe court à mes pensées. Je tourne mes yeux vers lui. Par réflexe, il oriente rapidement ses yeux vers la prof. Euh... il veut un truc ou quoi.

Une main cognée contre son menton, il a l'air ailleurs, dans sa bulle.

— Hé, t'endors pas wesh, je lui dis, pour éviter qu'il se tape la honte comme ça. Genre, gênant si la prof s'en aperçoit.

— Ouais, réveille moi si j'm'endors frère, il m'affirme, en retenant ses bâillements.

— Mais... t'as dormi 10 heures, t'as encore sommeil ?

— C'est pas ma faute. J'aime dormir. Mon lit me manque de ouf là.

Je secoue la tête et me focalise sur ce chapitre concernant la constitution machin blabla. Kaï va m'servir à rien, lui et ses envies de dormir. Un sourire au coin des lèvres, je me rends compte que ce mec me mate. Genre, encore. Comme tout à l'heure. Un sourire aux lèvres, je le calcule pas vraiment.

Ma gueule est à tel point plus intéressante que le cours ? Faut croire que oui.

ÉTIENNE, & kaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant