La musique gronde dans mes oreilles. Si au début j'arrivais un peu à supporter ces vieux sons américains, maintenant c'est plus le cas. Ma tête tourbillonne, j'ai sommeil et je m'ennuie. La seule occupation que j'ai trouvée, c'est jeter des balles de ping-pong dans des gobelets en plastique vides. Ouais, je pense pas qu'il y ait plus débile comme jeu, plus lassant et plus con.
Pour ma défense, bah c'était pas mon idée à la base. C'est celle de Willi & Adel. Nous sommes assis tous les trois dans un coin, coupés du reste du monde, à tej des balles jaunes dans des gobelets. J'suis à la limite de la déprime, mais oklm les gars. Je tiens encore le coup.
C'est au tour d'Adel, là. Elle place la balle entre ses yeux, souffle dessus, la regarde avec une grimace cheloue, puis hop. Perdu. Bon. Après les nombreux verres qu'elle s'est enfilés, c'est normal qu'elle soit un peu pompette et pas très concentrée. Je la regarde se plaindre, puis rire, puis se plaindre.
Mon tour arrive. Je prends la balle, la jette d'un geste plus nonchalant qu'autre chose et c'est un miracle. Elle est entrée en plein dans le mille, sa race ! Willi a sifflé et Adel a applaudi, comme si j'venais de gagner le gros lot. Enfin, j'aurais voulu hein.
Je soupire. Mes jambes ramenées à mon torse, j'repense sans le vouloir à la conversation que j'ai eue t'à l'heure avec Kaï. C'est plutôt con, ouais. Kaï m'a dit des choses, il m'a dit que j'étais plus chill d'habitude, que je devais lâcher prise. Il semblait déçu d'moi. Mais de quoi il parle en fait ? Mon attitude avec lui a pas changé. C'est lui qui est chelou depuis quelques temps, lui le relou, lui qui...
Putain.
Peut-être que tout ça, c'est dans ma tête. Écoutez, j'suis pas une personne qui s'prend la tête. Mais pour une raison qui m'échappe et pour être franc avec moi-même, cette conversation m'a refroidi. Les questions de Kaï aussi. Son indiscrétion. Et vas-y t'as pécho une meuf et vas-y t'as chopé le 06 d'une meuf. Blabla. N'importe quoi ce gars.
Contrairement à lui, je fais pas que penser h24 à la baise et à comment j'vais soulever cette blonde ou séduire cette brunette. Puis merde. Je me sens bizarre, genre. C'était comme si une de ces balles de ping-pong était coincée au fond de ma gorge et qu'elle refusait de se dissoudre.
En pensant à lui, il apparaît justement devant mes yeux. Il danse avec une fille noire. Cette dernière est dotée d'une longue chevelure, un beau sourire et un corps fin. Pff, façon, Kaï drague que les meufs les plus fraîches. Excuse-nous monsieur. Là, sur cette piste de danse, il est dans son élément. Il bouge au rythme d'la chanson, bouge ses jambes, ses épaules. Ses mains se plaçent sur les hanches de sa nana.
— Étienne ! C'est ton tour vas-y !
Willi me passe la balle. Bon, on continue alors. On s'en bat les couilles de Kaï, pas vrai ? Il est libre. Ouais, très libre. Il peut faire ce qu'il veut.
Le temps défile — lentement, je dois le préciser. Mon portable sur ma cuisse, j'arrête pas de vérifier l'écran. Tout ce qui tombe sous mes yeux, c'était Tanjiro en wallpaper. Ouais, bon. C'est mieux que rien. Ça me rappelle que mon lit me manque, que les anime me manquent, que j'ai envie de rentrer.
Sans plus tarder, j'me lève, grimaçant à cause de mes muscles tendus. Willi ouvre une énième bière avec ses dents, en me toisant du regard. Des paillettes scintillent sur sa joue. Pendant une p'tite seconde, j'me demande d'où elles viennent, puis j'comprends très vite. Adel est endormie sur son épaule et ses cornes rouges remplies de paillettes touchent la peau du noiraud.
Ils sont plutôt mim's tous les deux — même s'ils sont que potes. C'est mignon les potes, aussi. Bon, osef. J'ai besoin de prendre l'air. Fait vraiment chaud par ici. Je me dirige vers la porte, manque de me ramasser à cause de plusieurs paires de chaussures jetées à l'entrée et puis... ah putain. De l'oxygène, enfin.
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ÉTIENNE, & kaï
RomanceSalut, je m'appelle Étienne. Je viens de faire mon entrée à la fac et faut dire que ce nouveau monde me fout la trouille. Je ne connais personne et les cours sont difficiles. Je n'ai pas de potes et le lycée me manque de ouf. Je voulais tout abando...