ÉPISODE 10

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20 : 00, park

— Yes on est seuls ! s'écrie Kaï, en courant vers des escaliers situés dans ce park.

Ce park, il est pas ouf. Enfin, y en a plusieurs dans les environs — j'les connais par cœur — et celui-ci est probablement le moins vaste.

Souriant, j'me laisse aller sur mon skate, l'air frais de la nuit mordant mon visage. En vrai, ça fait du bien. Une odeur d'humidité sort de la terre. Autour de nous, des arbres se dressent, leurs feuilles tombant à l'arrivée de l'hiver. J'vois que Kaï s'est installé sur une marche crasseuse de cet escalier. 

— Wesh il caille, je dis à voix basse.

Mon pote m'entend pas, il retire sa casquette et passe une main dans ses cheveux pour les disperser. Sans me jeter un regard, il sort une p'tite boîte métallique de la poche de sa veste. À l'intérieur, je distingue un briquet et de quoi se rouler des clopes.

Tandis qu'il s'occupait à en préparer une, moi j'décide de me réchauffer un peu. Devant nous, y a une aire — quoique pas très grande — pour faire du skate. Bon, bah. J'espère que j'vais pas tomber et me casser la gueule sous lez yeux de Kaï. Même si c'est probable. 

Avec mon pied, j'fais avancer ma planche à toute vitesse. Arrivé à la pente, les roues se heurtent à la surface et changent de direction instantanément. Wo, même si ça fait longtemps que j'ai pas utilisé cet engin, j'ai pas oublié toutes les techniques que j'ai apprises. Ok, je suis fier de moi.

Après avoir fait un ollie un peu maladroit, j'reviens vers Kaï qui s'allumait une clope. Une fumée grisaille l'air autour de lui. Ses jambes sont écartées et ses coudes écrasées contre ses cuisses. Je sais pas à quoi il pense là, mais wesh, drôle de sourire hein.

— J'ai l'impression que tous les skateurs sont des beaux gosses, genre.

Son observation me fait rire. Vas-y, mais lui... lui il a des pensées bizarres. Il tire sur sa clope, en me désignant la place à côté de lui pour que je m'y asseois. Des dessins colorés ainsi que des lettres sont tracés sur les marches de cet escalier. Je vais salir mon pantalon, mais la vérité osef. 

— Y a pas que les skateurs qui sont beaux gosses hein, je dis à mon tour, en calquant sa position.

La fumée pénètre dans mes narines. J'espère que j'vais pas sentir la clope, sinon un procès m'attendra à la maison. Ma mère, quoi. Elle va penser que j'fume en cachette, elle va même croire que c'est de l'herbe que je fume. Elle a un don pour dramatiser les p'tites choses.

— Ah ouais ? Genre moi, j'suis beau gosse ? répond Kaï.

— Ouais, ouais. T'es pas mal gros.

— Mais merci. Enfin, t'es pas le seul à le penser.

— Ah bon ?

— Toutes les meufs sont du même avis.

Ah mais ouais d'accord, ouais. Je pouffe de rire, en lui donnant une frappe sur l'épaule. La confiance en soi là ! Redescends, mon pote. Mais sinon, sans déconner ; à la fac, il reste entouré de nanas. Je sais pas s'il les connaît toutes, mais ouais, elles lui tournent autour. Mais quel crâneur ce gars.

— T'as une meuf ou pas ? je lui demande, en m'amusant à rouler le skate avec mes deux pieds.

— Nope. Toi ?

— Non plus. Ma dernière copine date hein. J'étais en seconde.

Ah, cette époque. La seconde, meilleure année d'ma vie. On faisait grave les fous. En classe, c'était toujours le feu avec mes potes. Les profs s'en foutaient en plus, ils étaient surtout désespérés de notre comportement de gamins. J'lui raconte tout ça, mes yeux fixant les immeubles au loin. Un frisson de froid parcourt mon dos.

ÉTIENNE, & kaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant