VIII

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Pdv : Isaiah

Mon père refusait de me parler et la déception présente dans son regard avait été décuplé depuis qu'il savait ; si Thomas apprenait la situation, je serais congédié sans plus de cérémonie et ma réputation serait détruite à jamais ; la peur de revoir Finn après que notre relation ai été perdue par ma faute me rongeait et je savais que tout serait différent entre nous à l'avenir. Allongé sur mon lit, les yeux rivés au plafond, je dressais sans peine la liste de tout ce que j'avais brisé, ne prenant pas suffisamment de précautions avant d'inviter mon amant chez moi, sachant pertinemment que mon père rentrerai dans la soirée.

Il me suffisait de fermer les yeux pour revivre la scène et pour que, devant mes paupières closes, se joue ce que j'aurais préféré oublier. Je revoyais Finn, allongé en dessous de moi, les yeux fermés sous le plaisir, ressentais encore la douceur de sa peau contre la mienne et la sensation de mes lèvres glissant sur son torse mais étais incapable de cesser d'entendre à nouveau le bruit, d'ordinaire familier mais à présent si destructeur, de la porte de ma chambre s'ouvrant tout d'un coup. Je ressentais encore la douleur des coups infligés par mon père en gage de punition pour la décision que j'avais, selon lui, prise d'aimer les hommes et d'être une menace à sa réputation.

Je soupirai longuement, aillant toujours des difficultés à réaliser l'inexorabilité de la situation dans laquelle je me trouvais. Je savais que mon père ne resterai pas sans rien faire et m'interdirai certainement de revoir Finn à l'avenir, ce à quoi je n'aurais d'autre choix que d'obéir. Mais à quel prix ? La pensée de ne plus être autorisé à l'aimer entrainait en moi un mal-être des plus féroces et une envie presque irrésistible de me laisser aller à pleurer, envie que je ne cessais pourtant de réprimer. Je savais que, si je laissais les larmes couler, je serais amené à réaliser pleinement la réalité et préférais me berner d'illusions et d'espoirs, rêvant encore à un avenir aux côtés de celui que j'aimais.

La nuit était déjà avancée et seule la lumière de la lune éclairait ma chambre mais je ne parvenais à dormir. Immobile, je pensais à lui, celui qui illuminait ma vie et lui donnait un sens. Durant des années j'avais été perdu, travaillant pour Thomas comme mon père le faisait depuis des années et tentant du mieux que je le pouvais de trouver ma place dans la société de brutes au contact de laquelle je n'avais d'autre choix que de vivre. Chaque jour, j'exécutais des ordres sans chercher à en connaitre le sens ou l'utilité, sachant que mon avenir se résumerai à cela et à fonder une famille avec une femme que je n'aurais évidemment pas choisis.

Et c'est alors que j'étais au plus bas, mentalement déstabilisé aussi bien par les hommes qui m'entouraient que par mes perspectives inexistantes d'espoir pour le futur, que j'avais compris. Il avait toujours été là, celui dont j'avais besoin pour m'en sortir, celui qui avait à lui seul la possibilité de redonner du sens à tout ce que je connaissais. Et, alors que mon amitié puis mon amour pour Finn grandissait, je me surpris à le voir comme un rayon de soleil qui, sans crier gare, s'immisça dans ma vie pour la rendre plus belle, plus lumineuse.

Un sourire s'était installé sur mon visage et je ne parvenais à présent plus à m'en détacher. Pris de courage et bien que l'heure fusse loin d'être appropriée, je me levai dans l'intention de le rejoindre. Sans faire le moindre bruit, je passais une tenue convenable et sortis de ma chambre, traversant le salon sur la pointe des pieds afin de rejoindre la porte d'entrée et d'enfin retrouver une liberté de mouvement.

- Où penses-tu aller comme ça ? Résonna une voix dans mon dos, brisant le silence qui régnait dans la pièce.

Je lâchais mes chaussures que j'avais entrepris de porter pour empêcher mes pas de résonner et elles s'échouèrent au sol dans un fracas tandis que je me retournais aussi lentement qu'il me l'était possible pour faire face à mon père. Assis sur le canapé et masqué par l'ombre de la nuit, il me fixait, un verre d'alcool dans la main et une cigarette encore fumante entre les doigts.

FisaiahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant