XIV

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P.d.v : Isaiah

Les ombres défilaient sur le mur du couloir face à ma cellule. Un gardien, ses clés tintant ; une veuve, ses pleurs résonnant ; un prisonnier, ses chaines claquant. Je laissai s'échapper un long soupir, appuyant avec ennui ma tête sur les briques derrière moi. Depuis mon enfermement seulement quelques jours auparavant, le temps semblait refuser de s'écouler et chaque minute me paraissait interminable. Le moment le plus intéressant de mes journées était devenu la venue du gardien qui m'apportait ma nourriture à heure régulière. Il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre. Attendre indéfiniment, attendre sans but ; attendre en vain. J'étais partagé entre l'envie d'enfoncer la porte d'un coup d'épaule pour enfin ressentir autre chose que cet ennui qui me consumait et celle de mourir pour que tout soit finit. Tout aurait tant été simplifié si ma vie avait pris fin à cet instant précis. Plus d'interminables interrogatoires, plus de peur de ne jamais retrouver la liberté, plus d'homosexualité.

Je ne pouvais plus rester dans cette cellule, à attendre que le temps s'écoule tout en sachant que le jour suivant serait exactement identique, que rien ne viendrait me tirer de la morosité de cette vie que j'avais été condamné à vivre. Si je voulais résister à la folie qui me guettait il fallait que je sorte, que je vois à nouveau ce monde que j'avais pourtant détesté mais qui à présent me manquait plus que jamais. J'avais besoin de ressentir le vent, la pluie et la chaleur sur ma peau ; de fouler un autre sol que les pierres froides de la prison ; de voir la nature, la ville et même d'autres êtres humains qui ne seraient pas là uniquement pour me menacer.

La fatigue accumulée à force de nuits sans repos et d'heures de sport excessives eu finalement raison de moi et je sombrai dans un sommeil sans rêve, oubliant, le temps de quelques heures, les sombres pensées qui engorgeaient mon esprit.

Une légère caresse le long de mes tempes me força à ouvrir les yeux, me ramenant à la réalité. Je me redressai brusquement, constatant que la présence d'un individu à mes côtés était loin d'être normale et me figeai lorsque mon visage se retrouvait à quelques centimètres seulement du sien. Mon regard était confronté à des yeux emplis d'une douceur peu commune dans laquelle se distinguait la marque d'une joie puissante.

- Finn ! Murmurai-je avec une surprise et un bonheur non dissimulé.

Dans cet instant figé hors du temps, je posai à mon tour ma main contre sa joue, la caressant tendrement d'un léger mouvement du pouce. Je sentis ses doigts se poser sur ma jambe tandis qu'il approchait ses lèvres des miennes et m'offrait un baiser qui, à lui seul, exprimait mieux que tout mot ce que nous ressentions.

Je croyais rêver à nouveau. Mais quelque chose dans la façon dont nos corps se retrouvaient semblait me crier que tout n'était que réalité. Quittant ses lèvres, je glissai ma main dans ses cheveux, cherchant à retrouver toutes les sensations que je croyais avoir perdu à jamais.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

Il haussa les épaules d'un air espiègle :

- Disons que j'ai un certain talent pour fausser compagnie à Tommy après toutes ces années d'entrainement...

- Tu as réussi à échapper à la surveillance de Thomas ?! Comment c'est possible, il a constamment des yeux et des oreilles partout ?!

Il laissa s'échapper un petit rire de satisfaction :

- Je suis exceptionnel que veux-tu !

Je ris à mon tour et, m'appuyant contre le mur, l'attirais contre moi pour lui voler un rapide nouveau baiser. Un léger sourire, témoin de l'alégresse que nous pouvions ressentir, flottait sur les lèvres de celui que j'avais l'honneur d'appeler mon amant. D'un geste lent, je replaçai les mèches rebelles qui envahissaient son front, profitant de chaque instant, de chaque émotion, de chaque sentiment. Je cherchai à m'imprégner de chacune des sensations qui me traversaient, comme si elles risquaient de disparaître, de se volatiliser la seconde suivante ; comme si cet homme que j'aimais et chérissais tant risquait à nouveau de filer entre mes doigts. Je l'avais déjà perdu une fois ; je refusais de le voir m'échapper à nouveau.

FisaiahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant