Chapitre 8

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Kevin

Le lendemain, je me lève, alors que le réveil n'a même pas encore sonné. Il affiche 6 h 32, ça va, c'est bientôt l'heure de se lever. Je me prépare donc, prends quelque chose à grignoter et sors. Vu qu'il n'est que sept heures, le bus ne risque pas de passer maintenant, alors je décide de me balader un petit peu afin de prendre l'air. Environ une demi-heure plus tard, je me retrouve sur un pont. Il est très vieux et biscornu, les planches de bois sont rongées par je ne sais quoi et il manque même quelques parties, il me rappelle celui de New York. C'était notre préféré avec mon meilleur ami. Je reste là un long moment, à contempler l'eau qui s'écoule le long de la ville. Alors que je commençais à m'assoupir, je l'aperçois, ses beaux cheveux bruns emportés par le vent, essayant d'escalader le pont avec son petit corps pour venir me rejoindre. Je décide donc de la saluer de la main, de toute façon, c'est trop tard pour fuir. Elle me répond gaiement et se dirige maladroitement vers moi. Et mince, pourquoi j'ai fait ça.

- Salut, qu'est-ce que tu fais là à cette heure-ci ? Demande-t-elle.

- Je pourrais te retourner la question ?

- J'avais envie de prendre l'air, et toi ?

- Pareil.

- Ah ok, tu... Tu viens souvent ici ?

- Non, je passais là par hasard. Tu sais, je viens d'emménager, je ne connais pas beaucoup le coin, et toi, tu viens souvent à cet endroit ?

- De temps en temps, oui. C'est joli n'est-ce pas ?

- Oui, très. Affirmai-je l'air pensif. Ce coin me rappelle de beaux souvenirs à New York.

- Raconte-moi, cela doit être passionnant, j'en suis sûre.

- C'est personnel.

- Oh, ok. Désolée, je ne voulais pas m'incruster dans ta vie. Je crois que je vais y aller, on se voit en cours.

Kylie ne dit plus rien et repart directement, elle avait l'air déçue. En même temps, c'est privé, elle n'a pas à savoir. Et puis qu'est-ce qu'il lui prend tout d'un coup à sympathiser avec moi.

Une voiture klaxonne, je me réveille en sursaut. Aussi prévisible que cela puisse être, je me suis endormi après le départ de Kylie. J'attrape mon téléphone en vitesse et remarque qu'il est presque l'heure d'aller en cours. Après avoir couru de toutes mes forces, j'arrive pile à l'heure. Je me positionne au fond de la classe, une des seules places qui reste, à côté de miss chieuse. Elle me regarde avec de gros yeux, je ne sais pas si c'est de l'étonnement ou de la surprise voir même les deux, mais je n'en fais rien. A-vrai-dire, moi-même, je ne sais pas pourquoi je me suis mis là. Quand le prof eu fini l'appel et commencer son cours, Kylie me donne un coup et me tend un papier. Sur celui-ci, est écrit "alors, d'où vient cette nostalgie, raconte-moi ?". Je lui ai dit que c'était personnel, pourquoi insiste-t-elle autant, et qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? On n'est pas censés ne pas s'apprécies au juste ? Je réponds donc quelque chose qui n'a rien à voir avec ce qu'elle a demandé "Elle n'est pas là ta pote ?" Et le lui rend. Quelques secondes, plus tard, la boulette de papier me revient" Non, elle ne se sentait pas ce matin, elle est rentrée chez elle. Mais ça ne répond pas à ma question". Ce n'est pas possible quelle fouineuse celle-là. Je la fixe avec un regard noir, mais elle n'en fait rien et me sourit en retour, bon. Finalement, je lui réponds que si elle tient vraiment à le savoir, on devra se rejoindre au pont après les cours. Si elle a décidé de faire ami-ami avec moi, elle va vite le regretter. Elle accepte sans hésiter avant de reporter toute son attention sur le cours.

À la fin de la journée, j'hésite un instant à lui poser un lapin, mais me dirige vers le pont. À peine ai-je eu le temps de me poser que je la vois arriver et s'asseoir à côté de moi.

- Alors ?

- Tu ne perds pas de temps toi.

- Non, j'obtiens toujours ce que je veux.

- Bah bien sûr, une chieuse pourrie gâtée. J'en ai de la chance.

- Tu dis n'importe quoi.

Elle détourne le regard et ne dit plus rien, je crois même un moment la voir bouder. Pour essayer de détendre l'atmosphère, je décide de la taquiner un peu. Un sourire timide se dessine sur son visage, je continue. Comme on le dit si bien soit proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis.

- Mais arrête, dit-elle en rigolant.

- Quand tu auras fini de bouder.

- Je ne boude pas.

- Prouve-le.

Sans que je n'aie le temps de réagir, elle me pousse violemment dans l'eau et éclate de rire. Si c'est comme ça, on va jouer, c'est la guerre. Avant qu'elle ne me voie arriver, je m'agrippe à ses pieds et la tire sur moi. Kylie tombe avec moi, elle m'éclabousse et nous jouons comme ça un petit moment, comme des petits enfants. Cela fait une éternité que je n'avais pas rigolé, que je ne m'étais pas senti aussi bien, libre. Je la contemple prendre le soleil, les yeux fermés et mes yeux sont attirés par ses lèvres. À ce moment même elle rouvre les yeux et me retrouve en train de la regarder.

- Tu as froid ? Tes lèvres sont violettes.

- Oui, un peu.

Je sors de l'eau et l'aide à son tour à se hisser. La voyant trembloter, je dépose ma veste sur ses épaules. Elle laisse soudain tomber sa tête sur mon épaule. Tout mon corps se crispe, je ne bouge plus, je suis pétrifié. Qu'est-ce que je suis censé faire ? Finalement, contre toute attente, je prends une grande inspiration et commence :

- Mon meilleur ami.

- De quoi ?

- Tu m'as demandé de te raconter mon souvenir, c'est mon meilleur ami.

Elle ne dit rien, alors je continue :

- À New York, il y avait un pont semblable à celui-ci, c'était notre préféré. On y allait dès qu'on le pouvait, un peu comme un jardin secret, tu vois ?

- Il vit toujours là-bas ?

- Il est décédé il y a un an. C'est... C'est sur ce pont qu'on a dispersé ses cendres.

- Oh, je suis terriblement désolée.

- T'inquiètes, tu ne pouvais pas savoir. Il est tard, on devrait rentrer.

Kylie relève la tête vers moi, une larme solitaire dévale ma joue pour atterrir sur ma bouche. Je tourne brusquement ma tête en ferment les yeux pour qu'aucune autre larme ne sorte. Je déteste être faible, et encore plus devant les autres. De sa main, elle tourne mon menton, m'obligeant à la regarder et l'essuie d'un geste bref avant de me regarder dans les yeux avec la plus grande des compassions. Je la regarde à mon tour et me perds dans son regard. Nos visages se rapprochent sans même que je ne le remarque, quand son téléphone se met à sonner.

- Désolée, c'est ma mère, je dois répondre.

Merde, mais qu'est-ce que tu fous mec. Oh, reprends-toi, ne te jette pas sur la première fille qui te donne un peu d'attention. Ça va mal finir et tu le sais très bien. Ce n'est pas une amie, c'est un danger, un énorme danger. Putain de dépendance affective.

- Ma mère veut que je rentre, elle a besoin de moi à la maison.

- OK, on se voit demain en cours ?

- Oui, à demain.

Je la laisse partir devant, sans la quitter des yeux. Cela va être compliqué, je le sens.

Une fois rentré chez moi, je me jette sur mon lit, mon après-midi m'a coupé toute faim pendant au moins un mois, j'en suis sûre. Je prends mon téléphone quand soudain, je sens quelque chose me piquer sous mon oreiller. Je le soulève et trouve notre photo, mon meilleur ami et moi deux jours avant sa mort, pour son anniversaire, sur le pont. J'attrape mes écouteurs et mets la musique à fond, notre musique avant de m'endormir le cœur lourd.

Derrière Les Étoiles, L'obscuritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant