Chapitre 12

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Kevin

Je suis devant la porte de ma maison, une semaine après le drame. J'hésite un instant, insère la clef dans la serrure, la tourne et pousse la porte. Les souvenirs refont surface d'un coup, comme si je m'étais pris un coup de vent en pleine tête. Je monte directement dans le grenier prendre des cartons de note emménagement. Même si nous avons passé peu de temps dans cette maison, ça fait mal. Une fois arrivé dans ma chambre, je prends toutes mes affaires, ce qui me fait trois cartons entiers. Je continue et range maintenant mes affaires personnelles, et surtout les photos que je cache sous mon lit. Après ces quatre nouveaux cartons, je jette un œil rapide à ma chambre, il ne reste plus rien à part les meubles. Je ne pensais vraiment pas avoir autant d'affaires, les trois-quarts iront sûrement à des associations, je ne veux rien garder. En bas des marches, j'hésite un instant, mais, décide quand même de regarder le reste de la maison, on ne sait jamais. Je passe dans la cuisine, mais y ressors aussitôt, des paquets de gâteaux sous la main. Je quitte la salle à manger et le salon sans rien prendre d'intéressant. Pas la peine de faire la salle de bain. Enfin, la dernière pièce à fouiller, la chambre de mes parents. Je pousse la porte, et avance lentement, comme si quelque chose allait m'attraper. Une sensation étrange me submerge, comme un pincement à la poitrine. Finalement, je ressors assez vite avec seulement une photo d'eux comme souvenirs, ne pouvant pas rester plus longtemps dans ces lieux.
Suite à mes sept longs voyages entre ma maison et celle de Kylie avec les cartons sous les bras, qui font sûrement presque son poids, je m'affale dans mon lit et ne bouge plus. Quand soudain, on toque à ma porte. Pitié, tout le monde sauf elle.

- Je peux entrer ? C'est la mère de Kylie.

Mon manque de réponse la fit pousser la porte.

- Ça va, tu t'en ai sorti avec les cartons ?

- Oui.

- D'accord, tu viens manger ?

- Non.

- Comme tu veux. Si tu as faim, tu trouveras les restes dans le frigo.

Je sais que je suis peut-être un peu dur avec elle, mais pour l'instant, je préfère rester seul. À peine ai-je fini de culpabiliser, que les marches grincent à nouveaux. Génial, ça doit sûrement le père maintenant.

- Je peux entrer ? Tient, qu'est-ce que je disais, le père.

- Oui.

- Alors, tu ne veux pas manger ?

- Non.

- Tu sais, il va bien falloir que tu acceptes ce qui arrive, un jour. Nous t'avons recueilli pour ton bien. On veut juste t'aider, gamin.

- Je sais.

Il pousse un long soupir l'air désespéré, et repart avec sa famille. Sa vraie famille. Pas moi.
21 h 32, j'ai passé la journée dans la chambre, encore une fois. Je n'ai rien fait de la journée et pourtant, je suis épuisé. Après avoir fermé les yeux un moment, je me réveille en sursaut, sans même pouvoir respirer. Ma montre affiche trois heures du matin. C'était sûr que ça allait arriver, sans aucun étonnement, j'ai fait un cauchemar, ou plutôt refais un cauchemar. L'accident de mes parents, je l'imagine en boucle, je m'imagine à leur place et j'imagine les pires des atrocités. Dans la plus grande discrétion, je sors de mon lit et pars me rafraîchir un peu à la salle de bain. Alors que j'allais repartir, le visage trempé, j'entends des bruits de pas dans le couloir. Je me raidis et ne bouge plus, attendant patiemment que le bruit s'arrête. La porte devant moi s'ouvre lentement, tandis que mon cœur bat plus fort. Il y a quelqu'un dans la maison.

- Kevin ?

- Kylie ?

- Mais qu'est-ce que tu fais là, en pleine nuit.

- Je pourrais te poser la même question.

- J'ai entendu du bruit alors je suis venue voir.

- Bah oui, s'il y a un cambrioleur et que tu entends du bruit, tu vas le voir, logique.

- Bon arrête un peu, tu fais quoi ici ?

- En quoi ça te regarde ?

- Tu es chez moi, j'ai le droit de savoir.

- C'est hors de question, si je te le dis, tu vas te moquer de moi.

- Dis toujours.

- J'ai... J'ai fait un cauchemar.

Un sourire se forme sur ces lèvres, je rêve ou elle se met à rire, elle se fout clairement de ma gueule. Je l'avais bien dit qu'elle allait se moquer de moi.

- Arrête de rire.

- Non, je ne ris pas.

- Et tu fais quoi là ?

- Je souris.

- Et pourquoi ça ?

- C'est mignon.

- Mignon ?

- Bah oui, pas beaucoup de garçons l'auraient assumé, tu sais.

Je fais mine de bouder, elle sourit et repart comme si de rien n'était. Mais qu'est-ce qu'il vient de se passer. Et puis pourquoi je lui ai dit ? J'ai bien besoin d'une vraie nuit de sommeil. Je me jette dans mon lit et continu ma nuit paisiblement.

***

On est dimanche, il me reste un jour avant de reprendre les cours. 11 h 37 et je m'ennuie déjà, ça promet. Je descends les escaliers et trouve tout le monde à table, en train de manger.

- Vous mangez déjà ?

- Kevin, tu es là. S'en joue sa mère. Oui, après nous, partons, tu viens manger avec nous ?

- Quoi ? Mais on va où ?

- Mon mari et moi allons faire quelques courses un peu plus loin de la ville. Mais tu peux rester ici avec Kylie, si tu veux.

Elle se retourne et me regarde un moment, attendant ma réaction, puis retourne à son assiette. Je m'assois à côté et me mets à manger pour la première fois, depuis maintenant une semaine. Tout le monde me regarde comme si j'étais un extraterrestre, mais personne n'ouvre la bouche, et tant mieux. Après le repas, ses parents partent et nous nous retrouvons seuls. Ne sachant pas quoi faire, je monte les escaliers pour retourner à ma chambre. Quand tout d'un coup, elle se racle la gorge et commence à parler :

- Tu veux sortir ?

- Où ça ?

- Je ne sais pas, peu importe, juste se balader.

- Ok.

Nous sommes dans la rue et il n'y a personne. Un énorme silence surplombe la ville, c'est dimanche quoi. Elle marche en regardant le sol comme si c'était la 6e merveille du monde, je fais de même. Je ne sais même pas où l'on va quand soudain j'aperçois le pont. Ses jambes l'y ont emmenées automatiquement ou peut-être bien les miennes. Je m'arrête net et Kylie me rentre dedans.

- Pourquoi tu reviens toujours sur ce pont, si c'est un aussi mauvais souvenir.

- Je n'en sais rien... C'est, comme s'il était là avec moi. J'ai besoin de me souvenir de lui. Je ne peux pas l'oublier.

- Je sais que ça doit être dur, mais il faut que tu fasses ton deuil.

- Jamais ! Tu ne peux pas comprendre de toute façon, tu n'as perdu personne. Et puis qu'est-ce que ça peut bien te faire au juste ?

- Oui, je n'ai perdu personne. Mais je suis philophobe et haptophobe, moi aussi, j'ai mes problèmes et je sais ce que ça fait de ressentir ce genre de choses. Et j'essaye juste de t'aider !

- Pourquoi tu es comme ça ?

- De quoi ? Mes phobies ?

- Oui.

- C'est compliqué... Le passé, les relations, de mauvaises expériences. Rien d'important.

- Si tu le dis.

Nous partons de cet endroit et continuons de marcher avant de rentrer à la maison quelque temps plus tard. La soirée est passée assez vite finalement. Je saute le repas du soir et pars me coucher. Demain, je retourne en cours, ça promet.

Derrière Les Étoiles, L'obscuritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant