12 ans plus tard

Chapitre 4

Léna se gratte la tête nerveusement et s'éloigne un peu de moi.

— Euh, ouais, il faut qu'on dorme si on ne veut pas être fatigué pour le ski de demain.
— Depuis quand tu fais du ski ?
— C'est pour ça que j'avais un ton peu enthousiaste, j'en fais pas et j'ai franchement pas envie de me ridiculiser devant 50 personnes...
— Tu crois que c'est pour quoi que j'ai décidé de garder mes enfants demain !
— Oh la chance ! Je peux pas être bénévole pour les garder comme ça, j'aurai une bonne excuse pour n'être pas venue !
— Mouais non, c'est plus drôle d'entendre tout le monde parler de tes chutes mémorables
— Tu es une horrible personne Léna Dumont !
— Non sérieusement, ça ne te dérange pas de les garder avec moi demain ? Parce que tu risques de t'ennuyer.
— Il y a aucune chance que je m'ennuie. À cet âge-là, ça bouge tout le temps non ? Je veux pas m'imposer hein, mais ça me ferait très plaisir de les connaître.
— D'accord alors !
— Yesss ! Bon bonne nuit.

Je me glisse sous les draps, Léna éteint les lampes. Je passe plusieurs minutes dos à Léna, mais me rend compte que je n'aime pas particulièrement ma position. Une fois que je me suis retourné ça va mieux, mais je ne peux m'empêcher de bouger tellement j'ai froid.

— Bon sang Alice, tu vas arrêter de bouger !
— Pardon, c'est juste que j'ai froid...
— Je te l'avais dit ! Tu as pas d'autre pyjama plus chaud ?
— Nan, j'ai pas pensé qu'il ferait aussi froid.
— Je peux te prêter quelque chose.
— Manquerait plus que tu me payes pour m'héberger !
— Alors tu comptes remédier comment à cette situation ?
— J'ai pas encore trouvé la solution.

Je bouge quelques minutes sans réussir à me réchauffer. Finalement, c'est Léna qui, parce qu'elle en a marre, glisse un bras derrière mon dos et me rapproche d'elle. Ma tête vient se poser dans son cou tandis que mes deux bras se posent sur son torse.

— Qu'est-ce que tu fais ?
— La chaleur humaine ça réchauffe.
— Oh euh... merci !

Je ne la vois pas, mais je suis prête à parier qu'elle sourit. Mes poings viennent se resserrer autour de son T-shirt pendant qu'une douce chaleur m'envahit. Elle a raison, je n'ai plus froid.

— Alice ?
— Mmmm ?
— Pourquoi tu n'as jamais voulu qu'on discute après...
— Tu veux vraiment qu'on parle de ça ?
— On va bien devoir en parler. Ça fait 12 ans Alice, j'aimerai au moins comprendre pourquoi tu as jeté notre amitié aux ordures.
— Je n'ai pas le courage d'avoir cette discussion maintenant Léna...
— Oh.
— Mais je te promets qu'on pourra en discuter ce week-end.
— Ok. Bonne nuit.
— Bonne nuit.

Léna caresse doucement mon dos et je m'endors paisiblement.
Le lendemain, je me réveille reposée et très détendue. J'attrape mon téléphone pour envoyer un message à Nicole.

Mon message : Heyy ! J'avais raison, c'était assez nul hier. J'ai pas de chambre d'hôtel, je tombe sur mon ex...

Elle me répond du tac au tac.

Son message : Tu t'es débrouillé comment pour dormir du coup ?
Mon message : Léna a bien voulu m'héberger.
Son message : Léna?
Mon message : Oui, mon ancienne meilleure amie si on peut dire ça
Son message : Oh ça a dû être sympa de vous revoir ! Je vais chez mes parents, je te laisse, mais on se reparle bientôt !
Mon message : Bisous, j'taime

Je respire à pleins poumons en reposant mon téléphone et sens une odeur de brûlé extrêmement forte. Ni une ni deux, je m'extirpe du lit et cours jusqu'à la cuisine. Léna est de dos, habillée et s'active avec les poêles.

— Bon sang Léna qu'est ce que tu fous ??
— Des pancakes enfin, c'était censé en être...

Je m'approche et regarde par-dessus son épaule. La casserole est carbonisée et son pancake est lamentablement échoué dans son évier. Je n'arrive pas à m'en empêcher et je pouffe. Léna se retourne pour me réprimander, mais quand son regard croise le mien elle se ravisse. Je la vois me détailler et je me rappelle n'être qu'en chemise de nuit avec les cheveux ébouriffés.

— Maman, maman, tu nous fais des pancakes ? Demande une petite tête brune en entrant dans la cuisine.
— C'était ce que j'étais en train de faire avant de tout faire cramer...
— C'est qui la dame ? Demande le petit garçon.
— Léo, Emy, je vous présente Alice, une amie. Alice, mes deux enfants.
— Bonjour ! dit Emy en dévoilant son sourire aux dents manquantes. Pourquoi tu es en chemise ?
— Oh euh, disons que j'allais m'habiller quand j'ai senti l'odeur de brûlé. D'ailleurs, Léna par pitié ne fait plus un seul pancake. Je vais m'habiller et je vais les faire.
— J'avais oublié que tu étais un fin gourmet ricane la concernée.
— Absolument pas, mais je m'en suis toujours mieux sortie que toi !

Elle me fusille du regard, tandis que je m'éclipse de la cuisine, triomphante. Ni une ni deux, j'enfile un jean et un T-shirt à manche courte vert sapin. Je m'attache les cheveux et reviens à la cuisine. Léna me tend une tasse fumante que je prend dans mes mains en fronçant les sourcils.

— Café noir non ?
—Tu t'en souviens ? Demandais-je perturbée
— Bien sûr que je m'en souviens, tu ne pouvais rien faire si tu n'avais pas ta tasse de café !
— Emy, Léo, ça vous dit que je vous apprenne à faire des pancakes, enfin si votre maman est d'accord !

Léna lève ses mains comme pour signifier qu'elle n'a rien à y redire.

— Oh oui ! s'enthousiasme Léo
— Alors c'est parti ! Léna, sors de cette cuisine, tu vas tous nous déconcentrer. Promis on t'en apporte !
— J'espère bien oui !

Elle hésite un instant. Je lui adresse un regard appuyé pour lui signifier que je ferai bien attention à ses enfants et elle s'en va.