Chapitre 46

124 12 0
                                    

Jake

Mon père se tourne lentement vers moi. Son visage est marqué par la douleur. Mais comment peut-il être triste pour ce type ? Même si c'était son père, George était une ordure.

— Pourquoi, pourquoi t'as fait ça ? Me demande mon père d'une voix triste qui me fait tout de même un peu de peine.

— C'était lui ou nous papa, et tu le sais. Maintenant, tu as le choix : soit tu continues sur sa lancée et je devrais t'arrêter également pour le bien de notre famille. Soit tu arrives enfin à comprendre que ce mec était cinglé et que nous ne sommes pas tes ennemis. Dis-je d'une voix calme, ce qui m'étonna moi-même.

— Tu serais prêt à me tuer moi aussi ? M'interroge mon géniteur complètement incrédule.

— Quand j'étais enfant, tu m'as appris que le plus important c'était notre famille, les personnes qu'on aime, et que nous devions tout faire pour les protéger. Et si aujourd'hui pour protéger les personnes qui me sont chères je dois te tuer, je le ferai. A contre-cœur certes, mais je le ferai.

Il baisse son regard sur le corps sans vie devant lui et semble enfin prendre conscience de toute l'ampleur de la situation. Tout a dégénéré si vite et nous le savons tous. Ce qui importe maintenant c'est de prendre la bonne décision et j'espère réellement qu'il le fera.

Il se relève lentement et tend sa main vers moi. Je suis d'abord surpris par son geste puis soulagé. J'abaisse mon arme avant de la glisser de nouveau à l'arrière de mon pantalon.

— Je suis désolé fils. Tu as complètement raison et il est temps pour notre famille d'avancer. On ne doit plus répéter nos erreurs et continuer de vivre dans la haine.

Je lui serre la main dans un geste de réconciliation. Une part de moi voudrait le prendre dans mes bras, retrouver la sécurité qui y régnait quand j'étais enfant. Mais je dois tout de même rester sur mes gardes. Je ne peux plus lui faire confiance.

La voix de Julia résonne derrière la porte encore fermée à clef. Elle la martèle si fort et appelle mon George et Ted avec une voix teintée d'inquiétude. Mon père me contourne tandis que je reste figé, mon regard posé sur la grande porte en bois. Je me doute bien qu'elle ne va pas bien réagir à tout ça ; j'espère juste qu'elle ne fera rien de complètement stupide.

Mon père arrive au niveau de celle-ci et déverrouille lentement la porte. Quand il l'ouvre, la rousse déboule en furie dans le bureau et scrute la pièce avant de nous dévisager tour à tour. En remarquant l'absence de George, elle fait quelques pas de plus afin de se rapprocher du bureau. Son visage se décompose et son teint devient blafard, elle ressemble à un fantôme, au moment où elle aperçoit le corps sans vie de son grand-père, entouré d'une flaque de sang.

Elle se tourne vers nous, les larmes coulent sur son visage blanc. Elle n'arrive pas à sortir le moindre son de sa bouche, pourtant on voit bien qu'elle voudrait dire quelques choses. Notre père s'approche d'elle lentement et vient entourer ses bras protecteurs autour du corps de sa fille aînée. Elle s'y blottit puis fond complètement en larmes. Je n'avais jamais vu ma sœur comme ça, vulnérable, avec ses sentiments apparents. Elle passe son temps à se cacher derrière cette armure impassible qu'elle s'est formée au fil des années. Et la voir ainsi me fait vraiment bizarre mais m'attriste aussi. J'ai de la peine pour elle d'une certaine façon.

— P-pourquoi ? Réussit-elle à articuler entre deux sanglots, toujours accrochée à notre père.

— Viens t'asseoir, on va tout t'expliquer. Lui répond Ted en l'accompagnant jusque sur le petit fauteuil en face de la cheminée du bureau.

Tandis que moi, j'enlève la nappe blanche qui recouvrait le petit meuble où était entreposée la boîte à cigare de mon père et tout en tas d'objets qui servent seulement à montrer à quel point il est riche à ses associés. Puis, je viens déposer le tissu sur le corps de George.

Je suis resté auprès de mon père et de Julia durant une bonne partie de l'après-midi et de la soirée. J'ai tout de même envoyé un message à mon frère pour lui dire que j'allais bien et que j'avais réussi à régler une bonne partie du problème. Il semblait soulagé quand je l'ai eu au téléphone une heure plus tard. Il m'a aussi dit qu'Ora dormait toujours, elle devait être vraiment épuisée, et que si je rentrais assez vite, elle ne s'apercevrait même pas de mon absence.

Une fois ma sœur plus calme, mon père reprend son rôle de chef de famille. Il appelle un de ses amis flic pour qu'il l'aide à faire passer la mort de George pour un accident. Il prévoit de payer un médecin légiste pour falsifier l'autopsie. Puis il fera incinérer le corps pour qu'il n'y ait plus aucune trace de ce qui s'est passé ce soir. Il va aussi devoir payer gracieusement certains employés qui pourraient avoir entendu certaines choses. Ce que nous n'avions pas prévu c'est qu'une fois le corps emmené jusqu'au centre médico-légale, ma grand-mère partie en croisière il y a 3 semaines revienne à la maison.

Nous restons tous les trois figés à la fenêtre du bureau de Ted quand la limousine se gara dans l'allée. Nous échangeons ensuite un bref regard : l'un d'entre nous va devoir lui dire, mais personne n'en a réellement envie. Elle ne va pas comprendre, et nous le savons. Comment le pourrait-elle ? George ne lui disait jamais rien au sujet de ces choses-là. Il l'avait même envoyée en voyage quand tout ce remue méninges à commencer pour ne pas qu'elle puisse s'inquiéter.

---------- ☾ ----------- ☾ ----------- ☾ -----------

Il est près de minuit quand je descends au garage du manoir pour prendre ma moto restée ici et rentrer à la planque retrouver le reste de ma famille. La discussion avec Agnès n'a pas été simple du tout. Il y a eu beaucoup de larmes et de questions auxquelles nous n'avions pas forcément de réponses à lui apporter.

Quand je me gare avec ma moto devant la planque, Ora sort en trombe de la maison. Elle avance droit sur moi, la colère se lit sur son visage ainsi que de l'inquiétude. Je la connais assez pour deviner qu'elle est au courant de la raison de mon absence, et je suis persuadé que c'est grâce à cet abrutis de Matt qui n'aura pas su tenir sa langue.

Une fois à ma hauteur, je n'ai même pas le temps de prononcer le moindre mot que sa main s'abat violemment sur ma joue. Et ce n'est que lorsqu'elle est juste là, à quelques centimètres de moi que je remarque le rouge de ses yeux. Elle a pleuré.

— Sérieusement, t'en as d'autres des idées à la con comme ça, Jake ? Me hurle-t-elle dessus.

—Écoutes, je suis désolé. Mais j'ai fait ça pour toi, pour nous. Il fallait que toute cette guerre cesse pour que chacun puisse reprendre sa vie en main. Et si je ne t'ai rien dit c'est parce que je savais que tu aurais essayé de m'en empêcher.

— Bien sûr que j'aurais essayé, c'était une idée stupide et dangereuse. Tu aurais pu te faire tuer ! Rajoute Ora en élevant encore un peu plus la voix.

— Je sais, mais je sais aussi que je devais le faire, je devais agir.

— Je croyais qu'on ne se cachait plus rien toi et moi.

— Alors c'est ça, t'es en colère parce que je ne te l'avais pas dit. Mais c'est justement parce que je voulais te protéger que je ne t'ai pas tenue au courant. Je te connais et tu aurais voulu venir et il était hors de question que tu sois de nouveau en danger.

— Non, mon problème c'est que tu sois parti te mettre en danger. J'aurais pu te perdre aujourd'hui et nous n'aurions même pas pu nous dire au revoir. Je ne supporterais pas de te perdre. Et quand je me suis réveillée et que tu n'étais pas là, je t'ai cherché. Mais après que Matt m'ai dit ce que tu prévoyais de faire, j'ai passé le reste de la soirée complètement morte d'inquiétude à imaginer le pire.

Je me rends bien compte que sa colère est principalement dû au fait qu'elle ait eu peur pour moi. Je ne cherche pas plus longtemps, je sais qu'elle a besoin d'être rassurée. Je m'approche donc d'elle et la prends dans mes bras. Elle ne cherche même pas à en sortir. Je sens les battements affolés de son cœur contre ma poitrine ralentir. J'aime la sentir, là, à mes côtés, elle m'apaise et me rappelle que j'ai pris la bonne décision ce soir.

Au bout de quelques minutes, nous nous détachons l'un de l'autre puis nous retournons à l'intérieur. Nous ne rompons pas le contact pour autant car j'entrelace nos doigts.

— Je t'aime. Me dit-elle en arrivant au niveau de la porte d'entrée.

Je saisis son menton de mes doigts et l'embrasse passionnément, lui transmettant tout mon amour à son égard ainsi que tous mes espoirs.

— Je t'aime aussi princesse.

Forever my lifelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant