Chapitre 42

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Ora

On arrive enfin à destination, Jake ne m'a pas lâchée une seule seconde et je l'en remercie infiniment. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui à mes côtés pour me soutenir et veiller sur moi dans les moments les plus sombres.

La planque de Matt est un grand manoir perdu au milieu de nul part ; il nous a dit qu'il l'avait acheté il y a des années dans le but de le rénover et d'en faire sa résidence principale. Il voulait quelque chose qui en impose mais avec tous les problèmes survenus au cours des deux dernières années, il a dû mettre ce projet entre parenthèses. Le point positif c'est que personne ne sait pour cet endroit. Nous y serons en sécurité le temps de reprendre des forces et de décider quoi faire.

Chacun s'installe dans une des chambres, heureusement pour nous il y a encore l'eau courante ici. Bon, en ce qui concerne l'électricité, Matt et Jake sont partis voir s'ils pouvaient remettre en route le groupe électrogène. On verra bien.

Je rêve d'une bonne douche alors à peine arrivée dans ma chambre, je me dirige vers la salle de bain. Je commence à me déshabiller mais c'est beaucoup plus compliqué que prévu. A chaque mouvement, je sens une douleur aiguë me traverser le bras. Je prends de grandes inspirations et je recommence mon périple. Je ne peux pas aller sous la douche habillée. Je suis sur le point d'abandonner quand j'aperçois la tête de Marie dans l'entre-bâillement de la porte.

— Je suis venu voir comment tu allais et je t'ai apporté ça. tes vêtements sont plein de sang et je me doutais bien que tu n'en avais pas d'autre. Me dit-elle en me montrant une petite pile de vêtements avec un jean, un tee-shirt et un pull.

— Merci.

Je lui souris faiblement et reste plantée là, à la regarder dans les yeux. J'ai besoin d'aide mais je n'ose pas le lui demander. C'est absurde, c'est ma sœur, je suis persuadée qu'elle m'aiderait si je le lui demandais mais je suis tellement épuisée par cette journée que mon cerveau refuse de se mettre en marche pour formuler ne serait-ce qu'une phrase complète. Heureusement pour moi, elle semble lire dans mes pensées et s'approche de moi :

— Laisse, je vais t'aider.

Elle saisit délicatement ma robe et descend la fermeture éclair le plus doucement possible en veillant à ne pas trop bouger le tissu pour ne pas me faire mal.

— Je suis contente que tu ailles bien, compte tenu des circonstances je veux dire.

— Moi aussi, et je suis heureuse de vous revoir, toi et les autres. Mais je m'en veux pour ce qui est arrivé à Grant. S'il n'était pas venu me libérer, il serait encore en vie aujourd'hui. Je sent les larmes perler sur mes joues mais je n'y fais pas attention. La seule chose qui occupe mon esprit à cet instant, c'est lui. Lui et la vie dont il a été privé par ma faute.

Les bras de Marie se referment autour de moi. Elle fait bien attention à ne pas appuyer sur mon bras invalide.

— Je t'interdis de penser ça tu m'entends. Tu n'y es pour rien. Le seul responsable c'est George. Cette ordure nous a tous manipulé. Il fait du mal à cette famille depuis bien trop longtemps. Alors, ne le laisse pas gagner en te torturant pour ces crimes à lui.

Je cesse de pleurer et reste quelques instants de plus dans ces bras. Elle finit ensuite de m'aider à me déshabiller puis elle s'en va, me laissant les vêtements qu'elle a apportés sur le rebord du lavabo.

Je reste un bon bout de temps sous la douche, a laissé l'eau chaude couler sur mon corps. Je vois le sang se mélanger à l'eau puis disparaître au loin dans les canalisations. Je suis sortie de mes pensées par la sensation de doux baisers dans ma nuque. Jake. Je me retourne vers lui et viens instinctivement me blottir contre lui. Ma tête posée sur sa poitrine, il m'enlace et nous restons sous l'eau sans parler. Le bruit de nos cœur battant à l'unisson me berce telle une douce berceuse.

On finit tout de même par sortir et nous habiller et Jake me passe la crème que Matt lui avait donné pour moi en arrivant. Quand je retourne dans ma chambre, je remarque un sac de sport posé au pied du lit. Je n'ai même pas besoin de demander, je sais que ce sont ces affaires. Je le vois me sourire puis il me tend la main et nous sortons retrouver les autres dans le salon.

Ils sont assis sur le canapé, devant la cheminée allumée. Je pars directement m'installer dans le dernier fauteuil de libre. Jake, lui, part en direction de la cuisine, quand il revient, il me tend un bol de pâtes bien chaude ainsi qu'une cannette de soda. Je l'en remercie et me jette directement dessus, j'ai tellement faim. Ce n'est qu'après avoir enfourné une énorme fourchette dans ma bouche que je remarque quelque chose : je suis la seule à manger. Pourquoi les autres ne mangent pas ? Ils n'ont pas faim ?

— Vous ne mangez pas ? Je demande la bouche pleine.

Je les vois échanger un regard mi-gêné, mi-étonné.

— Bah quoi ?

— Comment dire, . . . On voulait t'attendre mais tu ne descendais pas alors on a pensé que tu t'étais peut-être endormie. On ne voulait pas venir te réveiller alors on a mangé sans toi. Me répond Marie.

Là je n'y comprends rien, je ne suis pas resté sous la douche pendant trois heures non plus ! Jake semble remarquer mon incompréhension, il se penche vers moi et me chuchote :

— Tu as passé près d'une heure et demie sous la douche. C'est pour ça que je suis monté au départ : je voulais m'assurer que tu ailles bien.

Je manque de m'étouffer avec mon soda. Une heure et demie, sérieux ?!! Je n'avais vraiment pas vu le temps passé.

— Je suis désolé, je ne m'étais pas rendu compte.

— T'inquiète, ce n'est pas grave. Me murmure Jake en passant délicatement sa main dans mes cheveux.

Je continue de manger pendant que les autres observent les flammes danser dans la cheminée. Mon regard finit lui aussi par être irrémédiablement attirée par ces lueurs chaleureuses et hypnotisantes. Je fini tout de même par rompre le silence pesant qui régnait en maître dans le salon.

— Il va falloir prévenir ses parents . . . ils ont le droit de savoir.

Ils tournent tous leur tête vers moi et me dévisagent. Je n'ai nul besoin de préciser de qui il s'agit.

— On verra ça plus tard. On a des choses plus importantes à gérer pour l'instant. Me répond Matt.

Je bondis hors du fauteuil, comment ose-t-il dire une chose pareille. Grant est mort pour nous sauver, pour me sauver et même si la situation avec ses parents est un peu compliquée, ils méritent de savoir ce qui est arrivé à leur fils. Je suis fatiguée et incapable de me prendre la tête avec qui que ce soit ce soir alors je pars en direction de ma chambre sans ajouter quoi que ce soit de plus. Ma décision est prise de toute façon. Je ne peux pas aller les voir en personne, ce serait du suicide alors je les appellerais demain.

Une fois arrivé dans ma chambre, je m'installe dans mon lit, complètement épuisée. Mon regard se perd dans le ciel étoilé que j'admire par la fenêtre en face du lit. Je ne fais pas tout de suite attention à la porte qui s'ouvre. Ce n'est qu'une fois plongé dans les draps à mes côtés que je remarque la présence de Jake. Il me prend la main et entrelace nos doigts. Je viens instinctivement poser ma tête sur son épaule.

— Tu comptes faire quoi ? Questionne Jake.

— J'appellerais sa mère demain dans la matinée. Je sais que je ne peux pas y aller alors même si ce n'est pas l'idéal, je devrais les prévenir par téléphone.

Je sens une larme perler le long de ma joue et les doigts brûlants de Jake venir les effacer.

— Tu resteras avec moi ? Je lui demande dans un murmure en tournant la tête vers lui afin de me perdre dans ses yeux et d'y rencontrer cette force qui s'y cache et qui m'aide jour après jour.

— Jusqu'à mon dernier souffle.

On finit tous deux par sombrer dans un profond sommeil, emprisonnés dans les bras l'un de l'autre. C'est le seul endroit où je me sens un tant soit peu protégée et où je peux oublier toute cette souffrance qui gravite autour de nous.

Forever my lifelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant