Chapitre 14

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Combien d'heures avaient filé depuis qu'Élia s'était écroulée, lasse et mélancolique, sur son lit encore défait ? L'appel strident de la sonnette retentissante la sortit de sa torpeur tragique. Qui que l'incongru invité soit, la jeune femme ne voulait voir personne. Elle ne fit pas mine de bouger, même quand le cri de l'objet de torture auditive s'exclama de nouveau.

— Non ! hurla-t-elle, rageuse et désespérée, en se couvrant les oreilles avec l'oreiller.

Lui obéissant, la sonnette se stoppa dans sa lancée. Avant de recommencer avec plus d'énergie encore, dans un ultime effort avant de s'éteindre pour toujours. En soupirant, Élia s'extirpa du lit et marcha bancalement vers la porte. Ses jambes étaient faibles, sa tête bouillante, comme si sa soudaine maladie lui était revenue. Mais nul médecin, aussi compétent soit-il ne pouvait soigner les plaies de l'amour qui déchiraient et laminaient le cœur de celui qui était assez faible pour tomber entre ses griffes ténébreuses. Le hurlement strident de la sonnette d'entrée résonna une nouvelle fois dans son crâne meurtri sous les multiples douleurs qui l'assaillaient. La main de la brunette retomba lourdement sur la poignée avant de la pousser vers le bas, comme si elle avait le bras en plomb.

— Je ne reçois pas de visite aujourd'hui. Si c'est vous Madame Hector, je vous prie de...

Ses pupilles noisette se posèrent sur les visiteurs. Élia crut voir trouble et rêver l'espace d'un instant. Allait-elle mal au point de délirer ?

— ... Repasser plus tard... murmura-t-elle, les yeux écarquillés.

Les muscles de la jeune femme semblaient tétanisés. Sa respiration se fit brusque et haletante. Tout son être tremblait comme une feuille, un après-midi d'automne. L'invité coupa le silence de sa douce voix.

— Ton offre, tient-elle toujours ? Puis-je utiliser ton écritoire ?

***

Tristan contempla sa bien-aimée se masser les tempes. Il n'avait pas pu partir. Il se demandait ce qui, le matin même, lui était passé par la tête pour croire qu'il pouvait vivre sans elle. Le saphir de ses yeux océan admira le visage fin de la jeune femme. Ses cheveux marron étaient désordonnés, ses yeux semblaient bouffis, et ses joues étaient rouges. Mais elle était aussi belle que le soleil après la pluie. Élia semblait souffrir. Sa maladie, était-elle revenue ? Face à l'étonnant silence de la brunette, et sa difficulté à reprendre son souffle, Tristan posa une main amicale sur son bras.

— Tu as l'air mal en point, Élia. Va t'allonger. Je rappelle le médecin.

La brunette retira brusquement le bras de son ami avant de frotter ses yeux.

— Élia... murmura-t-il.

— Tu n'es pas en Amérique...

— Je suis ici, avec toi.

— Tu n'es pas en Amérique...

Un timide sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme devant l'air hébété de son amie.

— Tu n'es pas en Amérique !

Face à cette évidence, Élia lâcha un cri qui libéra une nouvelle fois ses larmes de leur frêle prison. Une vague de soulagement indescriptible la prit lorsqu'elle s'effondra dans les bras réconfortants de l'écrivain. La jeune femme inspira fortement, le nez collé à sa poitrine finement musclée, comme pour se prouver qu'elle ne rêvait pas. Il avait l'odeur apaisante de l'air frais après l'orage.

— Tristan, je t'en prie, dis-moi que je ne suis pas folle ! Que tu es bien là ! Que je ne délire pas ! Je t'en supplie... Dis-le-moi...

Il passa une main rassurante dans son dos et se pencha pour lui chuchoter à l'oreille, son souffle chaud faisant naître une pluie de frissons sur la nuque sensuelle de la jeune femme.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant