Chapitre 31

13 3 4
                                    

— J'avais peur de m'engager, souffla doucement Élia, toujours au creux des bras de Tristan. Je ne veux pas être comme Helena. J'ai toujours refusé toutes les avances qu'on me faisait parce que je ne voulais pas qu'on me voie comme elle. Je refusais qu'en me regardant dans un miroir, je constate que je lui ressemble. Je ne voulais me lier à personne. Je devais me débrouiller seule... Puis, tu es entré dans ma vie. Et tu as fait voler en éclats toutes mes certitudes.

— Je sais que tu n'as pas eu une vie familiale apaisée. Est-ce uniquement à cause de cela que tu es partie ?

— ... Je ne sais pas si j'aurai le courage de t'en parler. C'est trop... Douloureux.

Tristan posa alors ses douces lèvres sur le crâne d'Élia, lui signifiant tout le soutien dont il faisait preuve à son égard. Il désirait qu'elle lui parle de tout ce qu'elle avait vécu, les bonheurs comme les peines. De tout ce qui l'avait forgé, ce qui avait fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui. Mais il lui laisserait le temps de s'exprimer. Il serait patient. Et un jour, il cueillerait cette rose alors qu'elle sera enfin éclose. Son téléphone se mit soudain à vibrer au fond de sa poche, les tirant de leur tendre étreinte.

— Bonsoir Juline, que puis-je faire pour toi ?

— Bonsoir Tristan. Élia ne répond pas à son téléphone, je suis inquiète. Mickaël m'a parlé de ce qu'il s'est passé. Est-elle avec toi ?

— Oui, je te rassure, Élia va bien. Je te la passe ?

— Ce n'est pas la peine, si elle ne se sent pas trop mal tout va bien. Tu lui diras de ne pas s'inquiéter, je me charge de tout.

— Ça sera fait, merci d'avoir appelé. Bonne soirée à toi et à ma sœur.

— Bonne soirée. Reposez-vous.

***

Juline soupira en rangeant son téléphone dans son sac à main. Quelqu'un venait de s'en prendre à la femme de sa vie et elle n'avait pas été là pour la défendre. Il lui faudra se charger de cette affaire au plus vite. Que devait-elle faire pour qu'une telle situation ne se reproduise pas ? L'étoile de la nuit était la manager des Dìoghaltas, elle seule aurait le pouvoir de stopper leurs fans enragées. Devrait-elle publier une annonce sur les réseaux sociaux afin d'expliquer les peines encourues pour un acte criminel de la sorte ? Mais les extrémistes ne s'arrêteraient jamais là. Devrait-elle détruire le groupe ?

— Je sais que tu prendras la bonne décision, lui murmura Élisa.

Depuis combien de temps la blonde passait sa douce main sur la joue creusée de Juline ? La jeune femme était tellement perdue dans ses pensées qu'elle n'avait même pas remarqué la présence de l'enfant à ses côtés, et pourtant cette dernière sonnait comme l'été après l'hiver : chaleureux et salvateur.

— Je t'aime, Juline.

Le pouce de la blonde dévia de sa joue pour venir titiller ses lèvres pleines et rouges. Ses yeux ciel d'été se plongèrent dans les billes mordorées de Juline. On aurait dit un brasier : l'étendue bleue et infinie était en feu face au rayon incendiaire du coucher de soleil qui brillait au fond du regard de l'étoile de la nuit. C'était ainsi que l'on nommait la passion.

La jeune femme aux cheveux charbon aimait que les flammes de l'enfant viennent lui chatouiller les pieds. Elle se dégoûtait pour cela. Une enfant, bon dieu, Élisa n'avait que quinze ans.

Leurs visages se rapprochèrent. Leurs souffles s'amalgamèrent. Leurs nez se frôlèrent. Bientôt, les deux imbéciles allaient sauter par-dessus le garde-fou pour entamer une chute dans un vide éternel. Elles s'y briseraient les os. Élisa ferma ses yeux, le manteau étoilé de la nuit venait de recouvrir la fraîcheur du ciel bleu de l'été.

— Je couche avec Mickaël, souffla-t-elle brusquement à la blonde, les paupières closes et les sourcils froncés.

"Déteste-moi. Haïs-moi. Je t'en supplie. Fuis-moi. Nous ne pouvons nous aimer."  hurlait silencieusement Juline.

***

Maximus était accoudé au trône de son bureau, sa main posée contre son menton, contemplant son épouse, qu'il avait toujours connue mesurée et calme. Ce soir, une colère sombre et démente émanait d'elle.

— Agathe ?

— J'exige que mes enfants reviennent à la maison.

— Ils sont partis de leurs propres chefs.

— Ils nous ont quittés parce que tu ne sais pas comment leur prouver ton amour !

— Je ne fais que les préparer à la vie. Rien ni personne ne leur fera de cadeaux, et s'ils ne s'endurcissent pas, ils ne seront pas en mesure de l'affronter.

— C'est justement car le monde est hostile que nous aurions dû les préserver et leur offrir un cocon protecteur où se ressourcer.

Le dragon se recula dans son siège et fixa intensément son épouse. Tout ce qu'il avait fait, c'était pour eux. Sa femme qu'il aimait plus que sa propre vie. Ses enfants pour lesquels il aurait mordu et tué. Pourquoi s'énervait-elle, elle qui savait mieux que personne la raison de son austérité. A vrai dire, Maximus était également meurtri par la rage. Et la culpabilité. Il savait très bien qu'il n'était pas un bon père. Qu'il n'avait pas su leur offrir l'amour et la tendresse dont les enfants ont besoin pour s'épanouir. Pire que cela, pensant bien faire, il avait détruit sa famille. Mais comment recoller les mille morceaux d'une vitre qui s'était brisée face aux assauts incessants d'un burin impassible ?

— Je t'aime mon amour. Mais si tu ne répares pas tes erreurs, c'est moi qui partirai, acheva Agathe en quittant la pièce sans se retourner.

L'homme impuissant resta figé un instant en face de la porte froide et fermée de son bureau. Il passa sa main sur ses yeux baissés en soupirant.

— Mince Agathe, tu es bien trop proche de Helena.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant