Chapitre 3

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Juline regardait Tristan et Élia échanger à propos de littérature près de la bibliothèque. Il était évident qu'elle ne le laissait pas de marbre. Qui pouvait d'ailleurs rester insensible à son charme ? Si une telle personne existait en ce monde, la jeune femme aux cheveux charbon demandait à la connaître afin d'apprendre comment faire.

— Ce n'est pas simple d'aimer un oiseau libre comme Élia, n'est-ce pas ? avait murmuré Mickaël qui venait de la rejoindre.

L'hôte de la soirée baissa les yeux.

— Ce n'est pas la peine de me mentir, je sais très bien que tu l'aimes, ajouta-t-il.

— C'est vrai. Élia et moi, c'est une très longue histoire...

Le sujet de l'admiration commune se dirigea soudain vers eux.

— Mickaël, Juline, de quoi parlez-vous ?

— Oh, Élia ! sursauta l'étoile de la nuit. Je lui racontais justement notre rencontre.

— Je m'en souviens comme si c'était hier ! Nous devions avoir trois ou quatre ans et tu étais venue passer quelques jours chez ma grand-mère, car tes parents devaient partir en voyage. Et depuis nous ne nous sommes plus quittées !

Oh Juline... Pensa Mickaël. Tu l'aimes depuis tout ce temps ? Sans jamais te plaindre ? En souffrant toujours d'étouffer tes sentiments au fond de ton coeur. Je t'admire.

— Il est déjà si tard ! s'écria Élia en regardant sa montre. Je vais devoir y aller, c'était un plaisir de vous revoir les amis ! Et une joie de te rencontrer Tristan.

Ses yeux noisette regardèrent le pâle visage de l'écrivain une infime seconde puis elle fit volte-face dans un déhanché capillaire splendide et quitta le salon sans se retourner.

***

Le lendemain, en passant la grille du manoir où Élia travaillait, Madame Louisa l'interrompit dans sa marche rapide.

— Jeune fille, Monsieur vous demande dans son bureau. Laissez-moi vous y conduire.

Dans son bureau ? Avait-elle fait quelque chose de mal ? Ou alors il n'avait plus besoin de ses services et... Non, elle ne voulait pas envisager cette situation. La gouvernante générale frappa trois coups à une porte qui avait l'air tout à fait normale : l'allure adéquate d'une porte, ni trop grande, ni trop petite. Et pourtant, Élia ne pouvait s'empêcher de frissonner de terreur. Monsieur était un homme impressionnant et intimidant. Il avait un regard bleu, le même que celui d'Élisa, mais bien plus effrayant. Son élégance et sa richesse n'avaient d'égal que sa rigidité. Louisa s'engouffra dans la pièce pour annoncer la présence de la jeune femme et revint quelques secondes plus tard.

— Monsieur est prêt à vous recevoir, après vous jeune fille, je vous prie.

Le poing contre le coeur dans le vain espoir de calmer ses palpitations, la brunette pénétra dans l'antre du dragon le plus dangereux du pays.

— Bonjour Monsieur.

— Bonjour Mademoiselle... L'homme posa ses yeux sur une fiche de notes avant de relever la tête. Élia. Comment allez-vous ?

— Bien, je vous remercie.

"Comment allez-vous ?"  Vraiment ? Ne se doutait-il pas que sa présence était assommante ? N'importe quel lion sauvage se serait cru lapereau face au regard sévère de Monsieur. Et puis pourquoi l'avait-il convoquée ? La jeune femme avait de plus en plus de mal à garder son calme apparent.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant