Chapitre 26

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Tristan observa d'un œil amer l'échange joyeux qu'avaient Élia et Mickaël tout en vidant leurs verres plus vite que l'ombre de Lucky Luke. Serait-il lui-même capable de la combler, et de la faire rire autant que son ami ? Soudain, le chanteur posa sa main sur l'épaule dénudée de sa belle. Une poigne glacée venait d'enterrer le cœur de l'écrivain. Il ne voulait pas qu'il la touche ! Qu'il enlève ses sales pattes de sa douce et belle Élia ! Le jeune homme voulait les rejoindre et l'arracher des bras de son rival. Mais elle semblait si radieuse à ses côtés. Un soleil en appelait un autre. Et Tristan était l'eau sombre et froide des abysses que jamais, aucun rayon, aussi lumineux et brillant fut-il, ne pourrait atteindre.

— Yo mon pote ! Une bière pour t'enlever cet air crispé ? lui demande Steve, en lui donnant une tape amicale dans le dos.

— Je ne bois pas.

— Ah oui, c'est vrai ! En tout cas, laisse-moi te dire que la jalousie ne te va pas au teint !

— Je ne suis pas jaloux.

— Vraiment ? Pourquoi tu les regardes comme si tu voulais enterrer Mickaël, après l'avoir dépecé en entier à vif pour laisser aux vautours l'honneur de déguster sa chair fraîche ?

— J'avais oublié que tu pouvais être aussi dégoûtant, Steve.

— Ouais, ouais ! En tout cas, si je peux te donner un conseil d'ami – parce que je connais Élia depuis longtemps – ne lui montre pas que tu es jaloux, ça va la faire fuir. Elle pense que ce n'est pas de l'amour, mais de la possession. Et Élia n'est pas ton objet. Pour lui prouver que tu l'aimes, montre-lui que tu lui fais entièrement confiance, et qu'elle peut avoir foi en toi.

— Merci.

— Oh ! Et un autre conseil encore ! Je devrais peut-être ouvrir une chaîne de conseils que j'appellerai "les chroniques de Steve le bassiste", t'en penses quoi ? ajouta-t-il en plaisantant. Bref ! Je disais donc : ta chérie a un déhanché à faire valdinguer les culottes des nonnes de quartier. J'avoue que moi-même, si j'étais pas fiancé à Malaïka...

Steve lança un regard taquin à son ami et fut très heureux de constater l'effet que sa petite blague avait sur lui. Tristan quant à lui, n'avait pas du tout envie de rire. Il se contenta toutefois de froncer les sourcils.

— Alors mon pote, tu veux voir ta dulcinée se trémousser sur la piste ? Il y a une musique qui marche à tous les coups ! Tu connais "Do You Love Me" de The Contours ? Regarde, sa réaction va être épique ! D'autant plus qu'elle vient de faire un raid avec Micka.

— Un raid ?

— Littéralement, une épreuve sportive d'endurance sur une longue distance.

Tristan regarda Steve se diriger, hilare, vers le DJ pour lui soumettre l'idée. Le bassiste se retourna vers lui pour lui faire un clin d'œil significatif. Les premières notes venaient à peine de s'envoler vers les cieux que déjà, Élia était debout sur ses deux pieds, à jouer divinement des épaules et du bassin tout en s'avançant vers l'écrivain. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait que déjà, elle le tirait sur la piste de danse en se tortillant contre lui.

— C'est ma musique ! Fais un effort Tristan, ne soit pas si raide ! J'ai l'impression de danser avec un piquet à tomates !

— Je n'ai jamais dansé sur ce type de musique.

— Ne t'inquiète pas pour les pas, ce n'est pas si compliqué. Laisse-moi te montrer !

Élia se colla encore plus contre lui en se dandinant bien plus gracieusement que tout un tas de pigeons. Son bassin se frotta en rythme contre celui de Tristan, en une danse romantique et lascive, à la limite de l'érotisme. Épaules contre épaules, la brunette vint alors caresser doucement ses bras. Les observer ainsi se mouvoir avait quelque chose de sensuel : ils se dévoilaient sans se toucher, se chauffaient sans en finir. Peau contre peau, seuls au milieu de la piste de danse improvisée dans le salon de Juline, Tristan avait la furieuse envie de l'embrasser. Il abaissa alors son visage vers celui de sa belle. Quelques-unes de ses mèches d'ébène lui chatouillaient le visage.

— Tu essayes de me dévergonder devant nos amis, Tristan ? le taquina-t-elle, un sourire mutin collé aux lèvres.

— J'ai envie de déguster tes lèvres séance tenante. Je désire que ta bouche brûle sous mes assauts de passion et que ta langue supplie la mienne de ne jamais arrêter leur danse charnelle. Je veux tes baisers, tes soupirs.

Tristan posa son pouce sur la lèvre inférieure de la brunette qui lui donna un rapide coup de langue pour le provoquer. Elle détailla le regard océan de l'écrivain, une note amusée au fond de ses beaux yeux noisette. Et tout d'un coup, elle s'empara des deux mains de son amant pour les reposer sur sa taille.

— Ça se danse comme ça mon cher, affirma-t-elle en créant une tension frustrante entre eux.

***

Juline, qui poussait le siège d'Élisa, apparut soudainement dans le dos de Steve.

— Ils vont bien ensemble, affirma ce dernier sans se retourner.

La jeune femme serra plus fort les poignées dans ses mains. Elle savait que pour Élia, c'était Tristan. Elle s'était fait une raison. Mais de les voir ainsi lui brisa le cœur. Un éléphant venait-il de le lui piétiner ? Une douce pression sur son avant-bras lui fit baisser les yeux. Dans ce simple geste, Élisa souhaitait lui communiquer son soutien. Il n'y avait au fond de ses pupilles ciel d'été aucune trace de pitié. Juste de l'empathie et ce petit quelque chose de particulier qui y brillait. Cela venait de créer une petite et infime étincelle dans le brasier éteint du cœur de la manager. Il faudrait cependant bien plus que cela pour que le feu s'allume et illumine le sourire de Juline.

— Tu n'es pas obligée de te forcer à rester ici juste parce que mon frère te fait confiance pour prendre soin de moi. Je suis grande. Je peux me débrouiller.

— Mais oui ! Tu peux rester avec moi pour comploter ma petite Élisa ! En plus, Malaïka devrait bientôt revenir avec des pâtisseries.

— Comploter ? Ai-je bien entendu ? J'adore les complots ! Quel est le plan ?

— Et si nous demandions au DJ de passer quelques slows ? J'aime l'entente entre nos deux petits protégés !

Le bassiste passa son bras autour des épaules de l'enfant en lui exposant tout un tas de projets cupidonesques plus farfelus les uns que les autres.

— J'ai entendu dire que pour mettre en couple deux personnes il fallait utiliser une technique connue dans le monde du management. Il s'agit d'enfermer deux concurrents dans une pièce jusqu'à ce qu'ils trouvent un compromis ! Imagine ma petite, si on organise ça avec nos deux petits poussins ! Halala, ils vont nous faire plein de petits bébés trop choupi !

— J'ai déjà essayé.

— Noooooon ?!! Alors ??!

— Je ne suis pas convaincue de l'efficacité de ce procédé. Toute la journée Tristan et Élia étaient coincés chez elle. J'ai l'impression qu'ils se sont rapprochés, mais je ne crois pas qu'ils sortent officiellement ensemble.

— Bon, il faut dire aussi que nos petits canetons sont particulièrement lents. Oh ! Je sais ! Lorsque Tristan est sous la douche, on devrait lui subtiliser avec charisme et délicatesse ses vêtements ! Élia sera donc obligée de...

— Vous avez l'air de bien vous entendre. Je vous laisse, les coupa Juline en se retournant vivement, mais élégamment dans un balancé capillaire charbon édifié huitième merveille du monde.

Passer sa soirée à s'émerveiller devant les bavouilles guimauves des couples ne l'intéressait pas. De plus, ne plus être le centre d'affection de la blonde l'irritait, sans vraiment qu'elle ne comprenne pourquoi. Juline quitta la pièce sans ajouter le moindre mot.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant