Chapitre 15

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— Non Tristan, ce n'est pas comme ça qu'il faut manipuler le blanc en neige. Regarde !

Le jeune homme sentit alors le corps chaud d'Élia se coller dans son dos. Sa poitrine se soulevait en rythme, l'effleurant au passage, et allumant un brasier presque animal en lui. Elle posa ses mains frêles sur ses épaules et les fit se promener sensuellement sur ses bras fins afin de rejoindre les siennes sur la maryse. Tristan s'imagina qu'elle devait se mettre sur la pointe des pieds afin de poser son menton au creux de son épaule. Une douce chaleur l'envahit. Sa respiration se saccada. Une pluie de frissons martela sa peau pâle lorsqu'elle murmura à son oreille, son souffle tiède chatouillant cette partie si sensible.

— Il faut travailler le blanc en neige avec toute la délicatesse qui lui sied. Un peu comme si tu caressais un nuage.

— Comme si je posais mes mains sur ta peau, souffla-t-il avec langueur.

Soudain, le corps d'Élia s'arracha du sien pour le frustrer diaboliquement. Elle haussa un sourcil, un air moqueur collé au visage. La brunette prenait un malin plaisir à entretenir le feu passionnel qui brûlait entre eux.

— Bien Monsieur le commis, j'espère que vous avez retenu la leçon, je vous regarde !

— Aurai-je droit à une punition si cela n'est pas le cas ?

— Non ! Une punition n'est pas censée être agréable et celle que j'ai en tête vous rendrait bien trop heureux.

Tristan souffla du nez en peignant un petit sourire sur ses jolies lèvres. Il n'était pas habitué à jouer de cette manière – et cela lui plaisait – mais il n'osait pas s'investir dans la partie. L'écrivain ne se sentait pas à la hauteur de sa douce. Et s'il répondait mal ? Le charme en serait brisé ! Le jeune homme se sentit soudain timide. Lui qui avait toujours été dans la retenue et le calme avait du mal à lâcher prise. Et la lumineuse et flamboyante Élia l'avait poussé – grâce à la seule force de son cœur aimant – de l'autre côté d'un mur, dont il ignorait tout.

— C'est bien, tu apprends vite !

— Merci.

Élia lui offrit un petit sourire sincère et tourna la tête sur la gauche, afin de vérifier qu'Élisa dormait paisiblement avec un air presque maternel collé au visage.

— Je me rends compte que je ne t'ai jamais remercié pour tout ce que tu as fait, et que tu fais encore, pour ma sœur.

— Tu n'as pas besoin de le faire. Je venais d'être embauchée par Madame Louisa quand elle a eu son accident. Et une chose en entraînant une autre, nous nous sommes croisées et sommes devenues complices. J'ai simplement été au bon endroit, au bon moment.

— Que veux-tu dire par là ? demanda Tristan, soudainement soucieux.

— Que je suis absolument ravie et comblée d'être son amie, et d'avoir été là pour elle quand tes parents l'enfermaient dans une bulle pour la protéger. Bien sûr, je ne les blâme pas. J'ignore comment je réagirais si mon enfant avait un accident d'une telle ampleur. Peut-être que j'agirai de la même manière. Même si couper du monde une jeune fille n'est pas l'idée du siècle !

— Tu désires des enfants, plus tard ?

— Je ne sais pas. Et maintenant, le moment le plus crucial de la recette !

La brunette marqua un temps de suspense, afin de capter toute la curiosité de Tristan sur elle. Son attention, elle l'avait ! Ses beaux yeux noisette le captivaient, l'envoûtaient. D'un geste vif, Élia s'empara de la maryse des mains de Tristan en un effleurement de peaux fugace, mais pourtant tellement délicieux. La jeune femme prit alors un air si sérieux, que Tristan se demanda s'il n'assistait pas à une convention consciencieuse sur la découverte d'un énième sarcophage égyptien.

— Lécher la cuillère ! s'écria-t-elle soudainement, avant de poser sa douce langue sur l'objet plein de crème.

Douce langue que Tristan avait eu la chance de caresser avidement de la sienne, comme si sa vie en dépendait. À deux reprises. Cela ne lui suffisait pas : son amour pour Élia était comme un trou noir qui avait constamment besoin d'être nourri par son affection. L'écrivain était insatiable de sa belle. Il respirait pour elle. Il vibrait pour elle. Il brûlait pour elle. Et lorsque la brunette poussa un gémissement de contentement à peine audible alors que la saveur du dessert se fondait dans sa bouche, Tristan déglutit péniblement. Il faisait soudainement très chaud dans cette cuisine, pourtant, le four n'était pas allumé. Le four non, mais la passion, elle... Le jeune homme rêvait de posséder cette bouche provocatrice une nouvelle fois. Non. Une seule fois ne suffirait pas. Des millions de fois. Au moins autant qu'il y avait de nuages dans le ciel et de gouttes d'eau dans les nuages !

— C'est vraiment très bon... soupira-t-elle, les paupières mi-closes face à cet intense plaisir.

Le cœur de Tristan battait si vite dans sa poitrine qu'il lui semblait qu'il n'en n'avait plus ! Cela était-il seulement possible ?

— Tu as de la crème, là... murmura-t-il à lui-même.

Et sans vraiment comprendre pourquoi, son pouce se dirigea vers les lèvres de la jeune femme. Il essuya la coulure blanchâtre au coin de sa bouche, et l'apporta contre sa propre langue.

— Divin, assura-t-il en gratifiant son amie d'un regard brûlant.

Un feu semblait se consumer au creux du ventre d'Élia. Elle rêvait de l'embrasser encore, de refaire le monde entre ses bras. Et ses yeux océan brûlaient d'une telle passion charnelle, qu'elle était sûre qu'il avait envie d'elle, au moins autant qu'elle de lui. La brunette leva alors sa petite main pour la poser délicatement sur la joue virile de Tristan. Son pouce se baladait négligemment sur celle-ci et à la commissure de ses lèvres. Ils ne pouvaient se lâcher des yeux, leurs œillades suggestives traduisant leur farouche désir.

— Tristan, je vais t'embrasser.

— Pas besoin de demander.

Ce n'était pas une demande. Une mise en garde peut-être. Ou une évidence. Qui savait ? Le doux visage hâlé de la brunette se rapprocha lentement de l'objet de ses convoitises. Elle resta là, un instant. Leurs souffles se cherchant, s'emmêlant comme les fils d'une paire d'écouteurs après un séjour au fond d'un sac. Il n'y avait aucun bruit dans la cuisine. Seuls leurs cœurs palpitants brisaient le silence. Quelques millimètres les séparaient. Quelques énormes millimètres qui étaient déjà de trop. Élia se remémora l'espace d'un instant le goût de la bouche de Tristan. Était-elle ivre de lui ? Ou bien complètement dépendante, comme on adhère à la plus puissante des drogues. Vite ! Elle devait combler sa soif de lui ! Ce besoin était si présent, qu'il lui semblait que sa vie en découlait. C'était une question de mort ou d'amour !

Soudain, le hurlement strident de la sonnette les arracha douloureusement à leur moment hors du temps. Il se recula d'elle. Elle qui se mourrait de la fin de cet interlude merveilleux. Quelques larmes perlèrent au coin de ses délicates paupières. Élia les retint en espérant que personne ne les verrait.

— Tu attends quelqu'un ? demanda l'écrivain, la voix déformée par la passion.

— Non.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant