Chapitre 51

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Lorsque Maximus pénétra dans ses appartements, Agathe était assise devant sa coiffeuse en marbre blanc ciselé de notes rosées, passant négligemment sa brosse d'argent entre ses fines mèches d'or, dont quelques-une viraient vers le gris. Le dragon se rapprocha de son épouse avec la volonté de poser ses lèvres sur son front, mais celle-ci détourna la tête. Il recula d'un pas. Elle leva les yeux et lui lança un regard bleu pénétrant à travers le miroir.

— Ta petite escapade secrète s'est-elle bien déroulée ? Nos enfants ont-ils eu un nouvel accident par ta négligence ?

— Tu l'as donc su.

— Bien sûr que je l'ai appris, je suis ton épouse. Je te prie de daigner répondre à ma question.

— Notre sortie a été des plus salvatrices. Si tu n'étais pas aussi têtue et anxieuse, tu en aurais également bénéficié.

— Je ne suis pas têtue, Maximus. Je protège notre famille. Là où toi, tu excelles à la mettre en danger.

L'homme secoua vivement la tête, geste accompagné d'un soupir lassé et lança d'un ton tranchant :

— C'était un accident, Agathe. Un accident. Personne n'est coupable. Si ce n'est le manque de chance. Ce soir, je dormirais dans une chambre d'ami. Profite bien de ta solitude, Agathe.

— C'est cela, va rejoindre Louisa. Elle, qui a détruit notre mariage. A moins que cela ne soit ce maudit bureau qui m'ait volé mon époux.

— Je t'aime Agathe, mais j'ignore si notre union pourra résister à tes humeurs. Et tu le sais aussi bien que moi.

Après cette dernière réplique sanglante, Maximus sortit de la pièce dans un claquement de porte en adéquation avec la situation : terrible. Il haïssait ce contexte au moins autant qu'il abhorrait menacer ainsi la femme qu'il aimait. Mais que pouvait-il faire pour la sauver d'une prison qu'elle avait elle-même érigée ?

***

Le couple se promenait main dans la main dans les jardins du manoir alors que le soleil venait à peine de se lever, les illuminant de ses reflets d'or sur la neige brillante qui recouvrait le sol. Élia lâcha un bâillement ce qui arracha un rire à Tristan.

— Tu avais raison ; nous aurions dû nous endormir plus tôt.

— Rien ne nous empêche de retourner nous reposer. Je suis moi-même un peu fatigué.

— Si ! Cette magnifique journée va vite s'envoler si on n'en profite pas : on dormira dans une autre vie !

— Comme tu le désires.

— Mais si tu veux aller te coucher, vas-y. Je n'ai pas besoin de toi pour me balader.

— Tu n'as pas besoin de moi ?

— Mais non, Tristan, tu sais bien ce que je veux dire. J'ai pas besoin de toi dans le sens où ta santé est plus importante qu'une simple balade. Alors si tu en ressens le besoin...

— Ma présence ne t'est pas indispensable...

— Mon amour, l'interpella-t-elle en posant ses mains froides sur ses joues pâles rosies par le vent, ne laisse pas tes sombres pensées t'aspirer.

— Ma présence ne t'est pas indispensable, mais celle de Mickaël oui...

— Mais que vas-tu t'imaginer, Tristan !

— Celle de mon père également... Tu le trouves beau.

— Mais réveille-toi, Tristan ! cria la jeune femme en pinçant les joues de son amant. Je le trouve charmant certes, mais c'est toi, mon amoureux.

— Tu m'aimes mais tu te rapproches de lui. Et tu vas m'abandonner pour son argent.

— Tristan, redescends sur terre maintenant ! Ce que tu dis me blesse !

— Ce que je dis te blesse ? Mais tes actes me blessent bien plus encore. Je meurs de jalousie à chaque fois que je te vois lui sourire.

— Il est mon ami.

— Au final, tu es comme ta mère.

Mais lorsque ses yeux océan croisèrent ceux noisette de la jeune femme, il sortit de sa torpeur. Il était trop tard. Ses mots, guidés par le poison de la jalousie, avaient dépassé ses pensées.

— Élia, l'appela-t-il affolé. Ce n'est pas ce que je voulais dire, je suis désolé.

Son regard noisette était empli de larmes, l'écrivain venait de lui blesser le cœur. Elle secoua la tête de droite à gauche et commença à rebrousser chemin. Il lui attrapa le bras.

— Élia, ma douce, je t'en prie...

— Lâche-moi Tristan !

Impuissant, il regarda la femme qui aimait plus que tout s'en aller en courant. Non, elle ne devait pas courir dans la neige... Le jeune homme leva son bras, vainement. La culpabilité broya son cœur d'un coup sec. Il n'y avait plus de jalousie. Juste des remords. De sombres regrets qui lui firent mettre le genou à terre. Mais quel idiot il était ! Un beau crétin aveugle ! Elle lui avait pourtant dit que la jalousie détruirait leur amour. Mais il n'avait pas su garder les pieds sur terre. Et il avait perdu son soleil, peut-être pour toujours. Soudain, il faisait nuit autour de lui et le froid glacial de l'hiver vint le frapper de plein fouet.

***

— Les garçons, je ne voulais pas vous en parler avant pour ne pas vous faire une fausse joie si cet accord ne se faisait pas, mais écoutez bien, Juline marqua une pause et regarda chacun de ses amis impatients avec un œil fripon peu habituel. J'ai eu un entretien avec Hector Zayn.

— Le PDG de Studio 23 ? demanda Steve qui faillit en lâcher sa précieuse basse.

— Il vous signe pour un album et une tournée nationale. Vous commencerez après les fêtes de fin d'année.

— Vrai ?! s'écria le chanteur d'une voix suraiguë. Les gars, je n'ai qu'un mot...

— CHAMPAGNE !

L'étoile de la nuit dégaina une pleine bouteille du meilleur nectar de son sac hors de prix et la brandit fièrement tandis que Mickaël sortit des flûtes d'un petit meuble qui traînait près de la coiffeuse.

— Ma Jujuuuuu ! Tu es vraiment la meilleure !

L'on ouvrit la bouteille dans un bruit caractéristique et déjà, le liquide doré coulait comme une rivière dans les récipients et sur le sol, accompagné par des cris de joie et des accolades affectueuses. La porte grinça dans le dos des amis enivrés de bonheur et d'alcool.

Mickaël avait l'impression de vivre la scène au ralenti. Il avait entendu la porte. Puis des pas traînants. S'était retourné. Et son cœur s'était éclaté contre le sol, avec le champagne. Là. Devant lui. Un soleil. Son soleil. Fané par la pluie qui dansait au beau milieu de ses jolis yeux noisette. Elle se tenait contre le mur. Comme si ses jambes ne la soutenaient plus. Comme si elle ignorait par quel miracle elle était arrivée ici, ni comment elle allait bien pouvoir faire partir le mauvais temps. Le chanteur lâcha sa flûte qui se brisa dans un bruit de verre, rejoignant le champagne et son cœur meurtri qui dormaient sur le carrelage. Il se précipita vers elle et la serra de toutes ses forces dans ses bras chauds. Élia se laissa faire, trop fatiguée pour pouvoir retenir un sanglot désespéré. Il n'y avait pas de mot pour la réconforter. Il le savait.

La brunette, dans un dernier effort, inspira grandement le parfum aux odeurs de cuir mélangé à celle de son meilleur ami et força un sourire sur ses jolies lèvres. Élia tenta une note d'humour pour jouer à la grande, mais s'enfonça davantage dans l'étreinte réconfortante de Mickaël.

— Vous devriez changer de vigile. Je crois qu'il a eu pitié de mes larmes de crocodile alors il m'a laissé passer.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant