Chapitre 20

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Les yeux océan de Tristan se posèrent sur le visage endormi d'Élia, qui serrait sa petite sœur dans ses bras frêles. Elle semblait apaisée. L'écrivain se surprit à vouloir se blottir, lui aussi, contre son petit corps chaud. Ses lèvres ressemblaient à un bouton de rose, qu'on mourrait d'envie de dévorer avidement. Sa bouche appelait la sienne dans une supplique sensuelle. Mais il se força à détourner son attention sur la feuille vierge devant lui. Élia l'inspirait.

Dans son cerveau, il y avait comme une digue qui retenait ses flots de pensées. Et lorsqu'on prononçait le mot magique, elle éclatait d'un coup sec et l'écrivain avait la furieuse envie d'écrire. De réfléchir à ses textes. De trouver de nouvelles idées. Cela n'était pas très pratique lorsqu'il fallait se concentrer sur une autre tâche. La brunette était devenue, en si peu de temps, son mot magique. La bourrelle de ses digues.

La plume ne faisant plus qu'un avec le papier, Tristan laissa son esprit embrumé d'amour écrire des mots imprononçables, qu'il rêvait de graver de ses mains, sur la délicate peau dorée de sa bien-aimée.

"J'aurais aimé l'embrasser, elle qui gisait nue sur un lit doré.

L'odeur du soleil se mélangeait à la sienne. Ses lèvres rouges, qui riaient sous mes caresses, semblaient aussi délicieuses qu'une pluie de coquelicots, l'été. Ses boucles brunes se fondaient dans le blé, narguant mes mains, qui désiraient tant les effleurer. Son regard fripon jouait avec mes envies. Je rêvais de la prendre, voluptueusement, dans cet écrin de dorure.

Ne pouvant me contenir, je me jetais sur ses lèvres ardentes et je l'embrassais. Tel une caresse de velours, comme on embrasse la plus fragile des douces merveilles. Au rythme chantant d'une rivière qui s'écoule lentement, elle me murmurait des nuées de plaintes soufflées, désireuse de ma bouche baladeuse. Des papillons virevoltaient dans le ciel de nos yeux enfiévrés, me montrant le chemin sulfureux du plaisir avec ma partenaire d'amour.

Nos respirations haletantes tel des nuages moutons, je l'aimais."

***

Le soleil se leva sur le petit appartement qui abritait les trois amis, réveillant au passage la petite et rusée Élisa. Élia était totalement recouverte par la couverture, cette marmotte ! Quant à Tristan, il somnolait sur sa chaise. Nul doute que cet abruti venait de passer la nuit à écrire ! La blonde s'aida de ses bras pour se hisser dans son fauteuil et ainsi, se rapprocher de son frère le plus discrètement possible. Ses yeux bleus se posèrent sur une feuille écornée. Elle en lut curieusement quelques mots.

Le bougre ! Il avait passé la nuit à rêver de faire l'amour avec Élia et jamais il n'oserait le lui avouer ! Encore moins prendre les devants de manière active ! Élisa s'en fit alors une affaire d'État : maman oiseaux devait pousser ses oisillons hors du nid une bonne fois pour toutes !

***

Lorsqu'Élia ouvrit les yeux, la première chose qu'elle remarqua, c'était l'absence d'Élisa à ses côtés.

— Élisa ? Élisa, si c'est une blague, ce n'est pas drôle du tout !

La brunette venait de se lever si brusquement qu'un horrible vertige la traversa. Elle dut se laisser choir au sol, dans un fracas peu élégant, pour ne pas s'écrouler totalement. Son amie avait disparu !

— Mmm... Élia ? fit une voix masculine enrouée de sommeil. Que se passe-t-il ?

Remarquant que sa belle était avachie au sol, tenant désespérément le lit d'une main infortunée comme un noyé s'accroche à une bouée de sauvetage, il se précipita sur elle et posa sa paume d'albâtre sur son front. Elle n'avait pas de fièvre.

Un Océan au Fond des Yeux - Amours, Amours !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant