1 - Supplier Enzo Lombardi

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Avertissements:
- attention, contenu mature.
- cette histoire fait dialoguer des personnages de langues différentes. L'essentiel du texte est en français, quelques passages seront en langue étrangère, pas forcément traduit. Le but est de mettre à la place de l'héroïne, qui ne comprend pas forcément tout ce qui se passe autour d'elle. Les passages non-traduits ne sont pas essentiels au suivi de l'histoire, néanmoins, si vous êtes curieux vous pouvez traduire les passages avec Reverso.
Bonne lecture :)

La nuit avait été atroce et avait laissé des marques sur mon visage. Mes yeux étaient creusés, mon visage gonflé de fatigue et mes cheveux en bataille. Un coup d oeil à ton smartphone m'indiqua qu'il était 5h26... Tant pis, autant en profiter pour me préparer et réviser mes arguments avant mon terrible rendez-vous.
Je sautais dans la douche et pris une éponge épaisse et le gel douche à la vanille qu'on m'avait offert. Je me lavais soigneusement avant de m'occuper de mes longs cheveux blonds. Une fois sortie de la douche je vérifiais mes ongles peints en rose pâle, c'était une des rares fantaisies féminines auxquelles je m'adonnais, quoique j'avais toujours choisi des couleurs très neutres. Ils étaient parfaits. Je demelais ma tignasse et laissais sécher le tout à l'air libre. Un regard au miroir m'indiqua que j'avais déjà meilleure mine. L'avantage d'avoir vingt ans certainement... Enveloppée dans une serviette éponge hors d'usage, je rejoins la chambre et fouille les tiroirs de la commode à la recherche d'une tenue qui pourrait convenir à mon entretien, mais ma fâcheuse tendance à ne porter que des t-shirts amples, des jeans et des baskets me sauta au visage. Ils étaient bien suffisants pour mon travail de coursier mais pas pour cet entretien capital. C'était tout moi de ne pas avoir pensé à ça avant... et forcément, je ne disposais pas de blaser, de chemisier ou de petite robe qui m'aurait rendu présentable et qui aurait pu mettre un peu de chance de mon côté. Oh si... J'avais bien une robe, celle de mon bal de promo... Une meringue bleue turquoise offerte par ma tante, que j'avais déjà trouvé gênante à l'époque et qui serait encore pire aujourd'hui. L'âme en peine, c'est dans la chambre de mes parents que je priais pour trouver quelque chose de convenable. Personne ne s'y trouvais, ma mère nous ayant quitté il y a des années à la suite d'une maladie cardiaque foudroyante et mon père passait sa cinquième nuit en prison. On n'avait gardé que quelques vêtements à elle et je ne m'étais même jamais risqué à les essayer. Il y avait une robe de cocktail que j écartais aussitôt, avec sa robe de mariée enveloppée dans un sac de protection. Il restait deux robes... Elle n'avait pas été une grande coquette non plus. Une robe rouge style flamenco démodée depuis... probablement toujours et une robe blanche à petites fleurs. Je n'avais même pas souvenir l'avoir vue avec ce genre de vêtement. Je sortais la robe, et la contemplais l'oeil rond. Elle était certes jolie, avec son style champêtre mais était-ce approprié? Pensant aux t-shirts amples m'attendant dans la commode, je pris ma résolution. Ça serait la robe blanche. Une paire d'espadrilles compensées complètera le tout. Dix minutes plus tard, je contemplais une dernière fois mon reflet: la robe et les espadrilles étaient plutôt jolis, mes cheveux lâchés ondulaient dans mon dos, mon visage était bien trop pâle et je pinçais mes joues pour y amener un peu de couleur. Je n'étais pas adepte du maquillage, mais pour l'occasion, je brossais quand même mes cils avec un peu de mascara et soupirais face à mon reflet. Je me sentais déguisée. Est-ce que quelqu'un était assez bête pour espérer qu'une robe et un peu de mascara suffiraient à convaincre le démon de wallstreet d'abandonner les charges contre mon père ?
Je fermais les yeux et me remémorais ma première rencontre avec Enzo Lombardi. Je venais juste d'être embauchée par sa société, sur recommandation de mon père, qui travaillait au pôle comptabilité d'une des entreprises de Lombardi.
Je sortais du bureau où une gentille dame m'avait expliqué en quoi consisterait mon travail de coursier pour la période des vacances d'été: aller chercher et déposer des dossiers importants aux quatre coins du gratte-ciel ou encore du quartier, m'occuper du courrier et sa distribution, réceptionner des livraisons, faire des achats sur commande pour l'entreprise... Elle m'avait mise en garde car le patron avait renvoyé mon prédécesseur qu'il trouvait trop lent. A l'instant où je quittais la pièce, un calme brutal tomba comme une chappe de plomb sur l'étage. Toutes les têtes s'étaient tournees vers la porte de l assesseur qui venait de biper. La porte s'ouvrit sur un homme impressionnant dont émanait une sombre aura. C'est la première chose qui me choqua. Je l'observais à la dérobée alors qu il quittait la cabine et s'avançait dans un silence mortel, d'un pas sauvage au centre de la pièce, les jambes qu'on devinait musclées gainées dans un pantalon de costume à la coupe parfaite, son large torse enfermé dans une chemise et un veston noirs comme l'ébène sanglant des épaules robustes, sa tenue contribuait à cette aura effrayante mais ce qui terminait le tableau était son terrible visage. Deux yeux sauvages, noirs comme l'onyx profondément enfouis dans leurs orbites scannaient la foule immobilisée, tétanisant sur place les employés, sa bouche tordue dans un pli amer témoignait de l'état d'esprit implacable de l'homme et ce tableau qui aurait pu être très agréable était fendu d'une large cicatrice, partant de son front, traversant l'orbite de son oeil qui avait été miraculeusement épargné et courait sur sa bouche et terminait sa course dans le col entrouvert de sa chemise, voilà d'où venait sa terrible apparence. Il n'avait dit qu'une phrase, sur un ton mesuré mais tous avaient lâchés immédiatement leurs ordinateurs ou leurs cafés, s'étaient chargés de piles de dossiers et avaient accourus dans une salle de réunion vitrée, glapissant et transpirant d'angoisse. Je l'avais suivi des yeux bouche bée et la gentille dame m'avait accompagné jusqu' à un autre assensseur pour que je puisse quitter le bâtiment. Il m'avait fait une telle impression qu'en rentrant j'avais fait une recherche sur Google pour en connaître plus sur le PDG. J'avais appris comment il avait bâti sa fortune, quelles étaient les principales activités de l'entreprise et comment il avait écopé d'un visage pareil. Une photo le montrait jeune, pilotant un bateau sur une mer d'Europe, souriant, magnifique, le visage lisse, entourée de plusieurs mannequins, il était si beau alors... L'article expliquait que l'homme s'était trouvé aux mains de preneurs d'otages en Amérique du Sud où il s'était rendu pour le travail. Toute son équipe de sécurité avait été massacrée et lui avait été torturé pendant des jours avant de réussir à s'enfuir par ses propres moyens dans la forêt amazonienne, où il avait survécu plusieurs semaines avant d'être retrouvé par une équipe de recherche. Il était tellement mal en point, amaigri, défiguré, qu il avait fallu plusieurs heures pour l'identifier, sa fiancée avait pris la fuite face à cette apparence horrible et il avait eu besoin de plusieurs mois de rééducation pour récupérer un usage normal de ses membres et cicatriser la majorité de ses plaies.
J'étais restée sans voix face à cette histoire qui l'avait rendu monstrueux et qui lui avait décerné l'effroyable titre de "démon de wallstreet", tant à cause de son apparence qu'à cause de la façon implacable dont il élargissait son empire.

Le trajet en métro avait été trop court à mon gout, malgré les regards appuyés de plusieurs hommes qui m'avaient mis mal à l'aise, j'essayais de reculer autant que possible l'échéance où je serai seule dans son bureau face à lui. J'entrais dans le hall, Sony, un vigile âgé me reconnut et me salua en levant sa casquette et me laissa passer les contrôles de sécurité.
" - Alors Ella, tu es bien jolie ce matin, tu as rendez-vous avec un amoureux ?"
Je bafouillais en passant les contrôles et le remerciait une fois mon accréditation validée, j'empruntais un long couloir et rejoins l'assenseur qui s'ouvrit trop vite encore une fois.
Une fois dans la cabine je vérifiais une nouvelle fois mon apparence, grimaçais puis soudain, la pensée qu il contrôlait par vidéosurveillance tout le bâtiment, y compris les assensceurs me saisit et je fermais les yeux pour compter en silence les secondes qui me séparaient du monstre.
Le bip d'ouverture de porte acheva ma méditation et je me ressaisis en inspirant, pour me donner du courage. La secrétaire, une femme âgée et pincée m'accueillit avec froideur.
"- mademoiselle Rover je suppose" dit-elle avec dédain en appuyant sur mon patronyme, "monsieur Lombardi vous attend, mais il a peu de temps à vous consacrer, frappez pour vous annoncer et entrez directement, il vous fera savoir quand vous adresser à lui".
J'effectuais les derniers pas me séparant de la porte de bois massif comme si mes pieds étaient pris dans le ciment et debout, devant la porte, j'hésitais un instant avant de frapper, puis respectant l'étrange protocole, je pénétrais dans le bureau plongé dans la pénombre matinale, le fauteuil directorial me tournant le dos, où siégeait le si bien nommé démon de wallstreet.

Série: Le Contrat. Tome 1. Factices FiançaillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant