Rivage (Shiba Hakkai)

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Hakkai n'a jamais été très doué avec les filles. Sa grande sœur Yuzuha ne manquait jamais de le lui faire remarquer. Il appliquait en général la technique du « si je ne bouge pas, il ne va rien arriver de mal, pas vrai ? ». C'est peut-être pour cela qu'il observait la demoiselle qui faisait trempette dans le lac sans décocher un mot, caché dans la pénombre des arbres. Peut-être prendrez-vous le garçon pour une personne vicieuse, étrange... Mais qui n'arrêterait pas son chemin devant la jeune fille qui se baignait toute habillée ?

Le lac imitait le ciel et le ciel recouvrait le lac. Ses cotons blancs filaient à toute vitesse, ridés par quelques vaguelettes que le vent lui soufflait. Tout autour, des arbres se penchaient sur ce gigantesque miroir, comme Narcisse devant son alter ego de lumière. On n'entendait rien d'autre que les murmures mélodieux de la forêt, le vent qui faisait frissonner les feuilles, l'oiseau fonçant sur un poisson argenté.

Un panneau en pierre gravée venait se refléter sur la surface miroitante. Hakkai n'était qu'un idiot, alors il ne l'avait pas lue.

Elle paraissait comme une créature mythologique, une fée de la nature. Immobile, sereine, elle ne faisait que sonder l'horizon, ses vêtements emportés par le faible courant. Sa chemise diaphane lui collait à la peau comme un second épiderme, dont les plis ondulés rappelaient les reliefs des statues de marbre. Le vent caressait doucement sa chevelure comme la main géante d'une mère. Si ce n'était pas pour sa poitrine qu'on devinait se soulever régulièrement, Hakkai la prendrait pour une Perséphone de pierre blanche.

Un feu ardent brûlait au fond du cœur du garçon, une flamme qui mourrait d'envie d'apercevoir ne serait-ce qu'un bout de son visage.

— Les arbres ont des yeux, maintenant ?

Il sursauta.

Sans qu'il ne s'en rende compte, la fille s'était retournée, faisant pivoter le haut de son corps. Ses mains traînaient toujours à la surface du lac, l'eau léchait le bout de ses doigts. Une longue traînée d'ondes s'échappait de son contour. Elle avait l'air d'une apparition divine.

À sa grande surprise, elle n'avait ni yeux carmins, ni oreilles d'elf, ni dents pointues. Non, ce n'était qu'une humaine au faciès banal, et pourtant la douceur de ses traits lui inspirait tant de grâce et de mélancolie. Sa physionomie n'avait rien d'outrancier, mais elle se suffisait à elle-même.

— Es-tu muet ou confus ? ajouta-t-elle.

Le corps de Hakkai bougea tout seul, comme ensorcelé par ses paroles. Il avança d'un pas, dévoilant son long corps habillé de vêtements bien plus ordinaires que son habituel uniforme de gang. Là, il se tenait maladroitement debout parmi les fougères et les frondaisons. Mais même maintenant qu'il fut à découvert, le jeune homme n'osa écarter sa mâchoire.

Une fille, une vraie fille lui parlait. Elle lui avait posé deux questions auxquelles il n'avait pas la réponse. Enfin, si, Hakkai n'était pas muet. Du moins, à sa connaissance. Peut-être était-il victime du syndrome de Stendhal et avait-il perdu ses capacités linguistiques. Cette créature lui avait volé sa voix comme la sorcière des mers qui déroba celle de la petite sirène.

La magie disparut lorsque la fille se mit à se mouvoir. Elle avançait sans aucune grâce, traînant lourdement ses jambes dans l'eau qui créait un boucan pas possible. Le son métallique des vagues qu'elle poussait l'accompagnait jusqu'au rivage. Elle ne portait pas de bas, juste une très longue chemise.

— Je vais me vexer si tu ne réponds pas.

Le délinquant se mit à paniquer. Il avait oublié comment on parlait à un individu de type féminin.

THE KIDS AREN'T ALRIGHT | tkr osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant