Killing my husband 2 (Sano Manjiro)

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Ce texte est la partie 2 de Killing my husband, mais elle peut être lue séparément. Pour rappel, dans la partie 1, la narratrice tue son mari Ran pour sa quête d'ascension sociale et financière.

— Qu'est-ce que tu veux ? demanda Sano Manjiro, le chef du Bonten.

Je me glissai à pas léger à travers l'encadrement de la porte et atteignis son bureau. Je fis glisser une chaise pour m'asseoir, les bras croisés sur la surface plane. Mikey n'eut pas un seul regard pour mon décolleté plongeant, trop occupé par ses papiers qu'il lisait calmement. Je tentai bien de me rapprocher, de mettre ma poitrine plus en valeur, mais il n'en avait que faire. Ses cernes profonds témoignaient d'une fatigue autant physique que psychologique.

— Je m'ennuie, répondis-je tout simplement.

— Je ne suis pas là pour te divertir comme Ran, va-t-en.

Je fis la moue. Ce type était difficile à atteindre, mais il constituait un très bon défi.

— C'est mesquin de ta part de parler de mon défunt mari, fis-je remarquer en replaçant une mèche de cheveux.

— Tu n'as pourtant pas l'air attristée.

— Je le cache très bien, mais mon cœur en souffre constamment, le contredis-je d'un air dramatique. Je ne sais pas si je m'en remettrai un jour, il était tout ce que j'avais et tout ce que j'espérais.

Il n'avait pas l'air de me croire. Tant pis, ça viendra avec le temps. Ça faisait quelques semaines que je venais de temps en temps lui rendre visite, et jamais il ne m'avait encore adressée plus d'une phrase.

— Une machine à fric, c'est ça que tu espérais ?

— Non ! m'exclamai-je du tac au tac, de façon si convaincante que j'y croirais moi-même. Ce qu'il me donnait, c'est le vrai amour, comme il disait.

Et plus que de la thune, il était aussi un tremplin vers d'encore plus grandes aspirations.

Mikey ne daigna poser un regard sur mon chemiser noir, mon grimage de veuve. C'était blessant. Il n'était un homme sur Terre qui résistait à mes charmes étranges ; et pourtant, lui, regardait des fantômes qui dansaient dans le coin de la pièce sans jamais poser les yeux sur ma silhouette. Ses émotions, s'il en avait encore, étaient barricadées derrière un rempart aux allures de pupilles noires.

— Tu es sans cœur, tu n'essaies même pas de comprendre ma peine, me lamentai-je.

Et là, l'impensable se produit. Un micro rictus releva faiblement la commissure de ses lèvres. Oh, il savait. Il avait toujours su que je n'étais rien d'autre qu'un tissu de mensonges, que mon être tout entier était faux. Il ne me paraissait pas être capable d'autant de déductions en se basant seulement sur mon comportement, alors j'imaginais qu'il avait des sources plus que compétentes. Mais, bizarrement, tout ceci ne faisait que me faire jubiler davantage à l'idée de le voir faire tomber ses remparts.

Une demi seconde plus tard, son presque sourire s'effondra pour retrouver son éternel air impassible.

— Va-t-en, j'ai du travail.

— Pitié Manjiro, laisse-moi profiter de ta présence quelques minutes de plus, le suppliai-je. Je m'ennuie à mourir dans cette grande maison vide.

— Et ce serait mieux avec moi ?

— Je pense bien que oui. Tu dégages un je ne sais quoi d'apaisant, je me sens en sécurité.

Ironique de dire ça au plus grand criminel du Japon. Mais, dans une certaine mesure, cette phrase était vraie. Il ne cachait rien, jouait carte sur table, et ne ressentait pas grand-chose. Cela faisait de lui un humain des plus faciles à comprendre, pas besoin d'analyses superflues. Ce type avait été détruit par la vie, et il ne restait plus grand chose de lui. Je me reconnaissais en quelque sorte dans cette coquille vide.

THE KIDS AREN'T ALRIGHT | tkr osOù les histoires vivent. Découvrez maintenant