Je me massai les tempes, une migraine pointant le bout de son nez. Hier soir, ça avait fortement gueulé à l'appartement. Owen m'avait hurlé dessus après le départ d'Ach', et s'il ne m'avait pas mis dehors, c'était pour une raison obscure. Je ne remerciai pas la serveuse qui me déposa mon Earl Grey sur la table, tout comme je n'écoutai pas Doug marmonner qu'il aurait préféré être servi par son collègue masculin. Hétéro s'il voulait mon avis.
— Mon père veut me voir au ministère dans trois jours.
— C'est bien, non ?
— Pas sûr.
Je lui jetai un coup d'œil, dégustant son café noir alors que nous étions au New Aurora.
— Pourquoi ?
Il poussa avec son pied contre le pied de la table pour se balancer sur sa chaise. Chose dangereuse que je ne faisais plus depuis le lycée. C'était parfait pour s'ouvrir le crane contre le sol.
— Il m'a appelé hier et il m'a sorti son « discours ».
Je penchai la tête, l'incitant à m'en dire plus. Mais Doug aimait attirer l'attention et se faire désirer. Je soupirai, passant de nouveau une main sur mon front douloureux.
— Quel discours ? Je ne suis pas devin.
— Mais si, tu sais, dit-il en faisant claquer les pieds de sa chaise contre le carrelage. Le discours qu'il me sort à chaque fois, quand il dit « et tu arrêtes tes conneries », « tu as passé l'âge pour faire ta crise d'ado », ou encore le charmant « tu ne réussiras rien si tu persistes à passer par la porte de derrière ».
Charmant en effet. Le message au moins était clair. Dans un sens, si nos problèmes étaient différents, je dirais qu'ils avaient au moins la même intensité. Lui parce qu'il voulait être dans la politique alors que notre cher Reine était encore parmi nous et, quoi qu'on en dise, un homme gay représentant les citoyens n'était pas en tête de liste, et moi parce que j'aimais deux hommes en même temps. Deux hommes qui avaient été mes enseignants et qui avaient plus de dix ans de plus que moi. Un détail à mes yeux. Un argument pour d'autres.
— Tu lui as dit quoi ?
— Que passer par la porte de derrière c'était toujours mieux que de passer sous le bureau.
Je faillis m'étouffer avec mon thé, et Doug explosa de rire alors que j'en avais mis partout. Nous attirâmes l'attention de presque tout le salon, autant par son rire de pingouin que moi qui essuyai mon menton avec mes mains pleines de thé. La serveuse arriva à mon secours en me proposant des serviettes en papier, et Doug se calma progressivement.
— Tu lui as vraiment dit ça ?
— Tu me poses la question ?
En effet, je n'aurais pas dû. C'était son style, et je ne voulais imaginer ce que son père avait pu dire par la suite. Je terminai d'essuyer la table quand Doug changea de sujet, l'air bien plus sérieux :
— Tu devrais t'excuser.
— Pardon ?
— Auprès de tes hommes. Je pense qu'Ach' a raison. Et puis, ce n'est pas qu'Owen. Même si tu as gardé le contact avec Ach' pendant ton master, il ne t'a pas vu. Je sais que je dois foutre un peu la merde, et j'en suis vraiment désolé. Mais tu as fragilisé leur confiance en partant. C'est quelque chose de très difficile à gagner et de si facile à perdre.
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Miracles In December (Le Droit de Nous Aimer)
RomansaÉtudiant en droit, dans la prestigieuse université d'Oxford, en Angleterre, Soan a tout de l'étudiant modèle et épanouis, à une exception : il a un faible pour son professeur de code pénal, le beau Owen Earl. Soan hésite, tâte le terrain, jusqu'à ob...