2. L'Expérience

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La salle blanche. La vitre. Les deux enfants de neuf ans, l'un face à l'autre, s'apprêtant à entendre le fouet claquer, à sentir le besoin sadique de Janson jaillir en cris forts, lancés comme des couteaux, éclatant aussi le verre devant lui : « Ce n'est pas suffisant ! pas agressif ! Nous n'avançons pas ! » Et aucun des scientifiques l'enserrant n'osaient répondre, écrasant frénétiquement la pointe de leur plume sur le papier imbibé d'encre, évitant soigneusement d'obstruer ses foudres. Thomas jeta un oeil par-dessus Newt, et constata avec une lassitude si sincère qu'elle en devenait brave : « Il est furieux. Quelque chose ne va pas.

- Je n'arrive pas à provoquer ton don. répondit le garçon blond. C'est ce qu'il le rend aussi furieux.

- Et pourquoi pensent-ils que tu aiderais à ça ? renchérit froidement Thomas. Je suis inutile, ils doivent simplement se faire à cette vérité.

- Ne dis pas ça, Tommy... s'ils pensent qu'il y a une chance, c'est qu'il y en a une.

- C'est stupide... murmura-t-il pour lui-même. »

Un sourire évidait soudain les joues grises du grand homme en blouse. Ses longs doigts étranglèrent lentement le microphone, et les gerçures de ses lèvres se cavèrent un peu plus encore : « Les enfants, les enfants... ce n'est toujours pas suffisant. Alors nous passons à autre chose. Thomas, je veux que tu suscites une réaction forte chez Newt. Je veux que le test fonctionne, et qu'il fonctionne bien. M'entends-tu ?

- Comment pourrais-je donc le faire ? bredouilla confusément le garçon.

- Eh bien, réfléchis. A ses faiblesses, à ses défauts... vous deux êtes plutôt proches, n'est-ce pas ? Et si ton bien-être l'affectait plus qu'il n'y paraît ? »

La porte s'ouvrit. Des hommes entrèrent, posant au sol un marquage jaune, à cinq mètres exacts de Newt. Ils venaient pour Thomas. Deux pour bloquer ses épaules, un autre pour stériliser et guider le petit cutter serré dans son gant.

« Maintenant, reprit Janson, Newt, je te défends de franchir cette ligne. Quant à toi, Thomas, lorsque je t'ordonnerai d'avancer et de le toucher, tu le feras. Pas d'hésitation, pas de protestations, pas de rebellions. D'aucun de vous deux. Vous échouez, vous récolterez votre négligence dans les jours à venir. Je sais d'avance que ce ne sera pas facile. Mais nous ne sommes pas ici parce que nous avons choisi la facilité. »

Il fléchit son menton en réponse aux trois hommes attendant pour son approbation, et l'expérience suivit son cours. Celui de derrière saisit Thomas par le bras, échangea un dernier regard avec Janson, puis descendit le bout de la lame à quelques centimètres plus bas de son poignet. Thomas geignit, gigotant entre les mains des deux autres hommes qui le maintenaient en place.

« Non... murmura Newt d'abord avec absence, la tête lentement secouée par les prémisses de l'horreur. Non, non, non, vous ne pouvez pas faire ça...

- Prêt à parier ? ricocha Janson. »

Le scientifique enfonça la plaie, comme s'il s'agît de pieux de clôtures. Cette fois, Thomas hurla de douleur, ses jambes frappant l'air tandis que les deux autres hommes le retenaient, les larmes grossissant instantanément dans ses beaux yeux d'or. Newt brûla presque aussitôt, et ce tout entier, le visage et la voix méconnaissables, les iris et les globes oculaires injectés de rouge et de braises effrayantes, s'égosillant avec une amplitude inhumaine : « NON ! »
Le sol et les murs blancs se mirent à remuer. Il y eut une nuée de poussière noire, un nuage gigantesque pareil à un tonnerre. Un tsunami fait de feu se forma tout autour de Newt. Une crevasse commençait à cisailler le carrelage. Les tasses et les livres s'écroulaient des bureaux de l'autre côté de la vitre, près de laquelle les médecins se dissipaient dans une angoisse inavouable.
La jubilation de Janson périssait déjà sur ses rides. Il s'écrasa sur son microphone, qu'il tint contre son torse comme une bouée de secours, et s'époumona à son tour : « Touche le, Thomas ! Touche le ! » Les deux paires de bras le lâchèrent, Thomas sautant presque en même temps la ligne jaune. Il franchit les quelques mètres et serra Newt, le corps insensible à la chaleur suffocante des flammes, insensible à leurs morsures. Et Newt s'effondra dans son étreinte, à peine conscient, ses cheveux blonds collés à son front par la sueur, ses paupières papillonnant rarement, sa tête tombant à la renverse par manque de force.

Pouvoirs - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant