Pouvoirs - Newtmas

8. WICKED

Le vent s'essoufflait poussivement aux parages des layons de la futaie. Le soleil, présidant haut dans les firmaments, rissolait les mûres violâtres près des pépinières et des jardins. Les nimbus de la brune dernière s'étaient liquéfiés. L'après-midi était maintenant chaud. 

Le sang bruni des viscères des porcs éventrés le matin même ternissait les joues de Thomas en petits giclements, le garçon se livrant à brillanter la tuyauterie des douches, partiellement agenouillé sur la surface fraîche du carrelage, épandant parfois un regard absent au seuil de la porte en bois acheminant aux blés, c'est-à-dire, à quelques pas de l'infirmerie. Chuck, polissant et brossant un balais aux poils drus, avec lequel il avait décapé le vestibule, s'accota sur les vasques en face de lui, haussant un sourire sur son visage bulbeux.

« Tu le verras bientôt, ton amoureux. consola-t-il alors qu'il devinait ses songes. Il est simplement très occupé, avec cette histoire de fille. Alby n'est pas là ; c'est à lui de le remplacer sur tous les fronts.

- J'ai déjà appris les habitudes de Newt... il ne me laisse pas loin de lui plus de trois heures. soupira Thomas, empoignant à nouveau son gant pour lustrer un robinet. Je ne l'ai pas aperçu depuis hier. Il doit certainement m'en vouloir... je ne suis pas un porte bonheur, à vrai dire.

- Il se protège. défendit l'enfant. Il pense que tu t'intéresses à la fille.

- Je ne la connais même pas. contredit-il, relâchant un instant sa tâche. Ce serait absurde.

- Thomas, cette fille a hurlé ton prénom.

- Je suis d'accord, mais... ce n'est pas comme si c'était de ma faute.

- Tu ne comprends rien. Lis plutôt mes pensées, tu m'éviteras des explications inutiles. suggéra-t-il en un léger rire. 

- Je l'aurais fait si j'étais en mesure de manier ce don. C'est comme s'il m'échappait, comprends-tu ? Il part, puis il revient... sans jamais demander son reste.

- Tu finiras par parvenir à le solliciter.

- Je l'espère, j'aurais bien voulu lire celles de Newt... avoua-t-il en murmurant. Cela aurait été plus simple. 

- Ton attachement envers lui... est remarquable. Je ne suis pas encore sûr pourquoi. 

- Je sens qu'il est rattaché à ce que j'étais avant, c'est à peu près tout... »

La porte s'ouvrit soudain. Les garçons se tournèrent avec surprise, montant des yeux confus dans ceux du Medjack qui s'était brusqué aux douches.  

« Tu es là, le Bleu ! s'exclama-t-il. Je t'ai cherché chez Winston, et tu n'y étais pas !

- Eh bien, j'ai supporté les organes le premier jour, puis le second... je me suis rapidement rendu compte que cela ne durerait pas. se justifia Thomas. Chuck m'a alors pris sous son aile pour l'essai de sa propre tâche. 

- Que se passe-t-il, Clint ? interrogea Chuck, percevant la nervosité du jeune homme. Y a-t-il un problème ? 

- Newt demande à voir le Bleu. Tout de suite. répondit-il aussitôt. Tu poursuivras ton essai plus tard, c'est urgent. »

La clarté pâle et diffuse de l'infirmerie fusionnait à la nébulosité immobile du silence. Thomas marchait lentement au centre du couloir, inspectant à la dérobée les chambres condensées et les couchettes vides, quelques fois dissipé par les fredonnements vagues du carillon au-dessus du toit, chavirant tièdement aux musettes des brises.

Newt s'était retiré à l'arrière de la cabane, la masse inerte de la jeune femme reposant emphatiquement sur le matelas drapé à ses côtés. Elle paraissait dormir.