5. Le Bleu

333 28 13
                                        

L'alarme frappait les murs du Bloc. Les garçons abandonnaient pelles, haches, couteaux et paniers, solennellement réunis autour de la Boîte, pressant entre eux des cris d'excitation et des mouvements raides. Newt, traînant sa jambe, fendait le bataillon et ouvrait seul les grilles. Un adolescent, plus carré, quoique d'une tête de moins, anticipa ses actions et sauta à pieds joints dans la cage. Il eut un rire cynique en découvrant l'arrivant, prenant sévèrement ses épaules en ordonnant : « Jour un, le Bleu. Lève-toi et rayonne. » Des dizaine de paires de mains extirpèrent le Bleu hors du piège, envahissant tout son corps en le jetant au sol, sur la terre ferme, asséchée par les beaux jours. Des centaines d'yeux l'épiaient, les grandes figures le surplombaient, riaient si crûment que leurs agitations faisaient tintinnabuler ses tympans. 

Le jeune homme bondit, renversant ses pions en prenant fuite dans l'immense prairie. Il vola par-dessus les hautes herbes, son front pâle perlait déjà de sueurs froides, sa respiration sortait brûlante, désagréable comme la braise contre le corps, geignant sourdement de terreur. Derrière sa frénésie les voix éclataient en symbiose : « On a un coureur ! » Et Thomas chancela, les chevilles enroulées par les bras des longues plantes à la façon d'un cobra venimeux, tombant à plat ventre contre la surface chaude et dans la poussière environnante des blés. Rien ne surclassa son horreur quand il se redressa prudemment sur ses coudes. Ni la cage, ni les mains, ni les yeux. Tout autour d'eux des murs babyloniens se forcissaient comme la plus surprenante des cathédrales. Ils dominaient les garçons mais aussi les cieux, perçant avec leurs façades froides et grises le dos bleu et délicat. Ils étaient piégés. 

« Calme, le Bleu. dit soudainement une voix près de lui, et une main s'appuya sur sa clavicule gauche. Tu es en sécurité, pour le moment.

- Où suis-je ? bredouilla le garçon en se tournant vers l'adolescent fort et noir, découvrant avec surprise sa propre voix. Quel est cet endroit ? Qui nous a enfermé là ?

- Du calme, du calme... Réservons les questions pour plus tard, le veux-tu ? marqua-t-il. Viens par là, nous allons éviter de te perdre dès le premier jour. »

Le plus âgé le hissa sur ses épaules architecturales, et le Bleu aboya de frustration alors qu'il était jeté dans une seconde cellule, creusée en fossé et érigée en mâts de bambou aux pieds des gigantesques murs. Le noir sommait placidement le détenu au devant des barreaux, son regard, petit et sage, gravissant et descendant sur son visage blême, constellé des quelques grains de céréales hérités durant sa chute. 

« Que me voulez-vous ? s'exalta-t-il, le ton encore plus impératif, serré par la crainte. Pourquoi ce piège existe ? Quels sont ces murs ? Et comment m'as-tu porté si facilement ?

- Tu refiles presque la migraine, le Bleu... soupira-t-il simplement. Nous avons tous un don, ici. Le mien est la force. Il est particulièrement utile pour maîtriser les brebis affolées comme toi. 

- Un... Un don ? doubla-t-il, fronçant les sourcils, les coins de la bouche plissés. 

- Des sortes de pouvoirs, si tu préfères. Commençons doucement, le Bleu. Comment t'appelles-tu ? »

Le brun foula un moment le sol de ses grands yeux, tapotant nerveusement sa jambe, bégayant de peur en prenant conscience : « Je... Je ne me souviens de rien...

- Et c'est normal. Moi, c'est Alby. Je suis le chef, ici. Tu m'obéis au doigt et à l'œil. Je te souhaite la bienvenue au Bloc, le petit.

- Le... Bloc ? Sommes-nous en prison ?

- Personne n'a jamais su ce que nous y faisons, ni de quoi il s'agit véritablement. Pourquoi, quand, comment, par qui... C'est simplement ainsi. Tu devras aussi vivre avec.

Pouvoirs - NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant