CHAPITRE 4

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RIVER

Bon, ce n'est pas si mal. Je dois avouer que cet endroit n'est pas aussi terrible que je l'avais imaginé. Je croyais prendre un aller simple pour l'enfer mais je n'ai encore vu aucune douve pleine de lave ni aucun diable aux oreilles pointus. J'ai eu le plaisir de rencontrer quelques diablotins en manteau long, chaussures de cuir et chemise mais rien de bien inquiétant.

Les élèves ici sont très différents de ceux que j'ai pu côtoyer dans mon ancien lycée. Ils n'ont aucun point en commun si ce n'est leur âge. Les gens à Windorf font partie d'une classe totalement opposée à la mienne et c'est un élément flagrant dans cette école. Ils portent tous des vêtements hors de prix et des montres en or. Ils parlent tous d'une voix assurée et d'un ton parfois très hautain. On voit très vite qu'ils sont sûrs d'eux, qu'ils savent ce qu'ils valent et qu'ils n'ont peur de rien. On les a sûrement élevé pour qu'ils deviennent ce genre de personne.

Depuis mon arrivée, je n'ai fait que les observer. Je n'ai pas eu envie d'aller vers eux, de tenter une approche ni même le courage de le faire. C'est beaucoup trop tôt à mes yeux. Je viens à peine d'arriver à Windorf. J'ai découvert ma chambre et rempli mes placards il y a seulement vingt-quatre heures. Ma mère et Rachel m'ont déjà appelé deux fois chacune. Je n'ai pas l'impression d'avoir eu le temps de faire le tour des lieux. Il a fallu que j'aille chercher des draps, des serviettes et tout le nécessaire offert par l'internat. Tout est allé très vite.

Ma première nuit ici a été très étrange. Je n'ai pas eu à supporter un colocataire puisque l'on m'a attribué une chambre seule mais je n'ai pas eu de mal à imaginer les soixante ou soixante-dix autres élèves qui dormaient à côté et au dessus de moi. C'est une sensation vraiment bizarre quand on est habitués depuis toujours à vivre seul avec ses parents. Je ne m'attendais pas à ce que la vie en communauté ait une influence sur mon sommeil. J'ai sûrement besoin de temps pour m'habituer à cette nouvelle situation.

Pour l'instant, j'ai survécu à mon arrivée, ma première nuit et mon premier petit-déjeuner dans la salle commune. Deux autres boursiers sont venus s'asseoir à ma table mais nous n'avons pas beaucoup discuté. Je crois qu'eux aussi ont besoin d'un moment pour se faire à tout ça. C'est un tout autre monde ici. Ce n'est pas évident pour tout le monde d'évoluer dans un environnement pareil. Je n'ai jamais connu la haute société et je ne suis pas le seul. Je dois prendre le temps de m'y faire une place.

Pour l'instant, je n'ai rien trouvé de mieux à faire que d'aller me balader dans le parc. Les cours ne commenceront que dans trois jours. Tous les élèves prennent encore le temps de profiter de leur temps libre avant que l'année scolaire ne débute. J'ai décidé pour ma part d'aller faire une promenade autour du manoir. Le terrain est immense. J'ai peur de m'y perdre si je n'essaie pas de repérer les lieux au préalable.

J'ai déjà longé le lac en direction du bâtiment d'études et aussi d'un autre dont je ne connais pas encore l'utilité. J'ai fait demi-tour pour passer devant le gymnase et la piscine. Je me suis baladé dans le parc en empruntant les sentiers aménagés. J'ai pris le temps de profiter du paysage. Je dois encore me faire à l'idée que cet endroit est ma deuxième maison, qu'il sera le décor de ma nouvelle vie ici.

Sur le chemin du retour, je croise quelques élèves qui ne se gênent pas pour m'inspecter de la tête aux pieds. Certains s'attardent sur mes vieilles baskets dont le tissu blanc n'est plus si blanc que ça tandis que d'autres ricanent bêtement en se demandant sûrement ce qu'un gars comme moi fait ici. Je sais que j'ai rien à voir avec eux, que nous ne faisons pas partie du même monde. Je m'attendais à ce type de réaction.

Heureusement, je ne suis pas le seul boursier ici. Je pourrais partager ce fardeau avec d'autres. Je n'aurai pas à assumer cette situation tout seul. Avec le temps, je pourrais peut-être compter sur eux pour supporter les autres élèves de cette école qui ne vont probablement pas nous faire de cadeau. Les bourges de Windorf ne font que se moquer de nous jusqu'à présent. J'ai le sentiment que ça ne sera pas facile de les dompter. Il vaut mieux peut-être ne pas en faire cas et les ignorer. J'ai choisi cette stratégie pour l'instant.

The Pretty BoyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant