Chapitre 15

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L'oreille tendue vers l'extérieur, j'écoutais avec attention les bruits de la nuit. Il devait être aux alentours de 4h du matin, il n'y avait pas un bruit dans le camping. Seul le chant des oiseaux comblait ce silence.
Je n'arrivais pas à dormir.
Non, mon matelas n'était pas inconfortable, au contraire.
Mon oreiller était plutôt douillet.
Il ne faisait pas encore trop chaud dans la tente, non.
Rien de tout ça.
Mon esprit divaguait sans relâche depuis l'événement d'hier, ne me laissant aucun répit.
J'avais terriblement sommeil mais impossible de dormir.
Une question particulière tourbillonnait dans ma tête, s'imposant à moi de manière inévitable. Qu'allait-il se passer maintenant ?
Je n'étais jamais tombée amoureuse de quelqu'un donc je n'avais jamais eu de petit ami, au plus grand bonheur de mon père. Je n'étais même pas amoureuse d'Eden. Il me plaisait c'est tout.
Bon d'accord, il me plaisait carrément ! Je l'aimais bien. Mais de là à parler d'amour !
Il ne fallait pas exagérer, ni précipiter les choses.
Je l'avais seulement embrassé sur la joue, ce n'est pas extraordinaire ! Si ?
Cela représente quoi pour un garçon, un simple baiser ?
Pas grand chose, je pense.
Donc on était quoi tous les deux ? Un couple ? Des amis ? Plus ou moins ?
Il fallait m'aider ! J'étais plus perdue qu'un naufragé en plein Océan Pacifique. Allais-je trouver mon île à moi ? Ou allais-je me noyer ?
Il fallait que je sorte. Que je prenne l'air. Tout, mais pas rester enfermée ici, à cogiter encore et encore.

J'enfilai mon sweat-shirt noir préféré, sur lequel était inscrit : "Ne vous approchez pas de moi, je mords". Dès que je l'avais vu, j'ai su qu'il serait à moi.
J'ouvris ensuite le plus discrètement possible la fermeture de la tente, pour ne pas réveiller mes adorables colocataires, puis sortis rapidement.
L'air frais du matin vint me fouetter dans une légère brise. Agréable. Très agréable.
Je soufflai doucement, les yeux fermés. C'était tout ce qui me fallait.
Lorsque je les ouvris, c'est un ciel rose qui vint s'imposer à moi, comme un soupçon de bonheur dans un ciel nuageux.
Merci dame nature !
Qu'allais-je faire maintenant ? Personne n'était levé, j'étais seule. Comme avant, comme toujours.
Un petit cri ne provenant certainement pas d'un humain me ramena à la réalité. En balayant le champs du regard, je vis un petit âne gris enfermé dans une clairière. Il semblait en surpoids mais ses grandes oreilles poilues le rendaient vraiment adorable.
J'avançai jusqu'à lui, lentement, pour ne pas l'effrayer.
Remarquant ma présence, celui-ci leva la tête vers moi et plongea son regard dans le mien. Il avait deux grands yeux marrons brillants qui semblaient contenir un semblant d'intelligence.
Il m'étudia quelques instants, comme pour vérifier que je ne représentais pas un danger, puis se remit à brouter.
Je claquai des doigts pour obtenir son attention mais il ne semblait pas m'entendre. Ou plutôt, il ne voulait pas m'entendre. Il était trop obnubilé par l'herbe verte sous ses sabots pour daigner s'avancer vers moi.
Comme le monde devait être facile pour ces bêtes là. Aucun soucis. Aucun problème.
Je l'enviais. Moi, je n'avais aucun moyen d'échapper à ce qui se passait autour de moi.
Le futur était inévitable. Je devais affronter la réalité.

- "Hey..."

Je me retournai puis découvris Eden, les mains dans les poches de son short et les yeux encore rougis par la fatigue.
Apparemment, je n'étais pas la seule à avoir eu un sommeil agité.
Le stress monta en moi aussi rapidement qu'une mèche prend feu.
Que devais-je faire ? L'embrasser ? Le serrer dans mes bras ? Lui dire tout simplement bonjour ?
Avant que je ne fasse mon choix, Eden vint se placer à côté de moi et s'appuya sur la barrière. Il regardait le gros animal manger avec autant d'attention que je le faisais juste avant.

- "Tu as bien dormi ?" Me demanda-t-il, sans détourner le regard, après quelques secondes de silence.

- "Hummm... Oui... Bof..." Lui répondis-je rapidement. "Et toi ?"

- "Non."

Il se retourna vers moi et entreprit l'observation rigoureuse de mon visage, comme pour décrypter mes sentiments.

- "Ah... Ah bon..." Bafouillai-je.

J'étais terriblement gênée et ça s'entendait parfaitement dans le ton de ma voix. Il l'avait forcément remarqué. Comment l'interprète-t-il ?
Moi qui pensais qu'après un baiser, tout se passait comme dans les films avec une musique douce en arrière plan et du bonheur dégoulinant.
Non. Rien de tout ça.

- "Écoute Sara..." Commença-t-il d'une voix hésitante.

À l'entente du ton qu'il avait pris, je ne sais pas pourquoi, mais la peur prit possession de mon corps. Il devait regretter, c'est sûr. Il voulait me dire que ce qui s'était passé hier n'aurait jamais dû se passer. Qu'il voulait tout arrêter ici.
Ces pensées me procuraient une tristesse immense mais en même temps du soulagement.

- "Attends. Je sais ce que tu vas dire." Commençai-je, d'une voix tremblotante. "Ce baiser hier... C'était une erreur. Tu as dû t'en rendre compte. Tu dois regretter. Je savais que ça finirait comme ça. Je ne suis jamais sortie avec personne avant. Je ne sais pas comment ça marche. Toi tu dois avoir de l'expérience. Tu dois me trouver ringarde. Je comprends parfaitement tu sais. Enfaite, on devrait oublier. Tu devrais retourner voir ma sœur, elle, elle saura comment..."

Eden me coupa en me prenant dans ses bras.

- "Chuuut. Calme toi. Je ne regrette absolument pas. Détrompe-toi." Me chuchota-t-il en me caressant le dos. "Je ne savais pas que tu n'avais jamais eu de petit ami. C'est plutôt inhabituel pour une jolie fille. Ne t'inquiète pas. Tu n'es ni ringarde, ni moins bien que ta sœur. Tu es toi. Et moi c'est toi que j'aime bien. Et personne d'autre."

Ses mots me faisaient frémir. Ses mains dans mon dos, malgré leur contact indirect avec ma peau, laissaient sur leur passage des brûlures agréables.
Une larme brûlante coula le long de ma joue et finit sa descente sur l'épaule du brun.
Je me retirai de ses bras et reniflai, de manière pas féminine du tout.
Ses grandes mains vinrent encercler mon visage, et ainsi sécher mes joues, puis il posa ses lèvres sur mon front.

- "Merci. Tu es juste adorable. Je ne te mérite pas." Lui dis-je en fermant les yeux.

- "Au contraire. C'est moi qui suis beaucoup trop chanceux." Me repondit-il en reculant.

- "N'importe quoi."

- "Bon d'accord. C'est toi qui as trop de chance de m'avoir. Je suis tellement parfait." Me dit-il d'une voix grave, avec un clin d'œil.

Je me retournai vers lui et lui envoyai une légère tape sur l'épaule.

- "Bah quoi ? C'est vrai non !" Rigola-t-il.

- "Certainement pas." Répondis-je en le frappant à nouveau.

- "Arrête de me taper sale peste." Me dit-il en me prenant en sac à patate sur son dos.

Et c'est dans un fou rire que commença cette nouvelle journée.

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