Chapitre 16

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TW : consommation excessive d'alcool

Un soir, Potter est déjà dans la chambre quand je reviens de la petite cour intérieure.

Il a arrêté de pester dès que je ne suis plus dans son champ de vision. M'abandonner à longueur de journée dans le patio semble même être devenue sa nouvelle stratégie. Malgré moi, je continue de suivre le développement de son enquête. Difficile d'être impliqué dans un trafic de cette ampleur, aux enjeux aussi importants, sans vouloir suivre son avancée.

— Alors, cette piste à la Guilde des Voleurs ?

Potter mâchouille un biscuit non identifié qu'il a trouvé sur sa table de nuit et hoche la tête lentement, son carnet sur les genoux.

— C'était une bonne idée. Ils ont été plus causants que la Ligue des Marchands, on a une piste à explorer sur des Sorciers-Nomades qui pourraient être impliqués...

J'esquisse un sourire satisfait même si Potter, lui, ne m'accordera jamais un signe de reconnaissance.

Je dépose sur le petit bureau la pile de grimoires de contes et légendes orientales achetés à la bouquinerie alors que je n'y allais que pour faire du repérage, la boîte de pâtisseries aux saveurs nouvelles que je voulais goûter et la bouteille de liqueur qu'on m'a vendue dans l'après-midi.

Potter lève un sourcil perplexe.

— Où t'as trouvé ça ? Personne ne boit de l'alcool ici.

— Figure-toi qu'avec mon teint, tout le monde sait que je suis en voyage d'affaires, ce ne sont pas les propositions sous le manteau qui manquent...

Potter se saisit de la bouteille pour inspecter la forme du verre savamment soufflé, puis il grimace en observant l'immense scorpion conservé dans l'alcool.

— T'es sûr que c'est pas du poison ?

— Je l'ai évidemment testé avant de l'acheter, pour qui tu me prends !

Je lui reprends d'un geste et la débouche pour en renifler le contenu : l'alcool de prune ne sent pas très fort, mais c'est sans doute le mieux qu'on puisse trouver en termes de liqueur de fruits macérés par ici.

J'avise le soleil qui se couche derrière les persiennes de la fenêtre, et je me saisis de ma cape, la cale sur une épaule, dégote deux verres dans le placard à côté de l'évier.

— Tu veux partager ? Je ne te force pas, mais personnellement, j'en peux plus de leur café infect à longueur de journée...

Potter me dévisage, affalé sur son lit, une réplique au bord des lèvres. Sans attendre sa réponse, je sors de la chambre et descends la volée de marches qui mènent au jardin où j'ai pris mes habitudes.

Je m'installe dans une des chaises longues, un peu à l'écart, et pose les deux verres et la bouteille sur la petite table basse.

Potter finit par me rejoindre et se laisse tomber sans délicatesse sur la chaise à mes côtés. Qu'il préfère venir traîner dans le jardin plutôt que ressortir baiser Nigaud est une petite victoire personnelle.

Je secoue la tête pour chasser ces pensées qui ne riment à rien et me concentre plutôt pour verser le vin de prune dans nos verres.

C'est la première fois qu'on prend le temps de vraiment se poser ailleurs que dans une chambre étouffante à s'envoyer des piques.

Alors que le soleil impitoyable pose ses derniers rayons sur la ville, le jardin abrité se métamorphose discrètement, certaines plantes se referment et d'autres s'ouvrent enfin, le piaillement des oiseaux laisse place aux bruits nocturnes des insectes, discrets, qui reviennent butiner. L'air redevient frais et respirable. La liqueur de prune, elle, est douce sur la langue, sûrement traîtresse parce que délicieusement sucrée.

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