Chapitre 9

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Au bout de quatre jours interminables à travers les contrées slaves puis les Carpates, le vieux train arrive péniblement jusqu'à Istanbul. Potter s'empresse de boire une gorgée de sa potion de camouflage et m'ordonne de le suivre. Il pose un regard noir sur moi comme s'il s'attendait à ce que je riposte, mais j'ai juste envie de me dégourdir les jambes et de respirer un autre air que celui de notre minuscule compartiment. Sur le quai de la gare, les sorciers s'étirent, soupirent, récupèrent leurs bagages, rassemblent leur marmaille.

J'ajuste ma valise et mon coffret de potionniste en bandoulière, puis m'efforce de ne pas perdre Potter sous ses traits de nouveau méconnaissables. Dans la gare, immense et somptueuse, de grandes arches aux allures orientales séparent les différentes salles. Sur les murs, de grandes mosaïques montrent des décors finement travaillés parmi lesquels des personnages s'animent lentement, ignorant les allées et venues des voyageurs.

Des marchands sorciers interpellent le chaland pour vendre des mets locaux à déguster sur le pouce. Au coin d'un quai, une volière piaille, devant laquelle un type vante les qualités de ses oiseaux pour envoyer des messages rapides dès l'arrivée des voyageurs. Des boutiques de souvenirs se suivent, entre capharnaüms et attrape-touristes. Potter se joint à une file de sorciers devant une échoppe où de nombreuses lanternes magiques sont suspendues. J'étudie avec minutie les lampes délicatement forgées, curieux de comprendre comment la flamme semble brûler éternellement. Potter me fait signe de rester concentré et de le suivre. Au fond de la boutique, chaque sorcier traverse le mur de pierre à intervalles réguliers, et nous finissons par faire de même.

De l'autre côté, la gare moldue est sensiblement la même avec ces grandes arches sculptées et ses ornements orientaux. Dès que nous franchissons les grandes portes, les embruns marins me fouettent le visage tandis que le soleil encore doux me réchauffe le visage. Une étendue d'eau devant nous semble s'étirer à l'infini et puis, quand Potter nous fait contourner le bâtiment, je découvre que la gare, comme toute la ville, est construite au bord d'un large fleuve et que les différents quartiers de la capitale s'étendent sur des collines à perte de vue.

Des petits chariots ambulants sur l'esplanade s'élève une agréable odeur non identifiée qui me chatouille les narines. Potter me fusille du regard quand je ralentis, et je m'excuse d'un geste auprès des marchands ambulants qui tentent de nous alpaguer.

Potter ne prend pas le temps de contempler les bâtiments que nous longeons, pourtant majestueux. Il s'enfonce dans les ruelles, joue des coudes, slalome entre les promeneurs. Nous traversons un large pont qui rejoint un autre quartier de la ville. Le fleuve encercle la ville, au loin, les maisons colorées se mêlent aux mosquées et aux églises qui s'élèvent et se découpent dans le ciel bleu, infini. Le soleil m'aveugle un peu, le bruit de la circulation est assourdissant, les différentes odeurs m'assaillent. Sur ce pont, un frisson me parcourt, la ville bourdonne, vibrante. Soudain, je me sens vivant. Je respire une bouffée d'air marin en contemplant cette ville nouvelle. L'inconnu est excitant, le sentiment est grisant. J'ai soudain l'impression d'avoir vingt ans à nouveau et que tout est possible.

Bientôt, nous arrivons devant une vieille arche en pierres qui annonce l'entrée du Grand Bazar. Si, jusque-là, je trouvais la ville chaotique, je me rends compte que ce n'était encore rien. Le grand marché couvert qui s'étend devant nous est animé, vivant, magnétique ! Ça pulse comme un cœur au milieu de la ville, ça vit, ça gronde, ça bouge, je ne sais pas où donner de la tête...

Potter, lui, poursuit sur sa lancée, tête baissée. Il esquive les touristes et les chalands qui s'agglutinent devant les stands d'épices et d'étoffes et ignore le spectacle fascinant avec application.

Il finit par ralentir un instant pour étudier une carte qu'il a dégoté à la gare. Le marché couvert s'avère labyrinthique mais au bout d'une allée un peu moins fréquentée, un rideau discret, suivi d'un sort tapoté sur les briques du mur et l'entrée révèle le Grand Bazar Sorcier.

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