L'envers du décor

Chapitre 1: Nicolas Charles de Massy

Je l'ai regardé danser toute la soirée. Au début, je me suis demandé où était celui avec qui elle était venue puis, après avoir posé mes yeux sur les candidats potentiels, je me suis fait la réflexion qu'elle était trop bien pour être avec l'un de ceux-là. J'ai terminé ma bière, abandonné la bouteille sur la table basse du salon et je l'ais rejoins. Étant un danseur assez moyen, je me suis rabattu sur la théorie que l'alcool m'assurait le contraire. Elle s'est détournée du danseur qui l'accompagnait alors — Adrian, qui de toute façon venait d'apercevoir son copain — et elle m'a souri. Ce qui m'a frappé chez elle, mis appart sa façon lascive de se déhancher près de moi sans réellement me toucher, c'était ses yeux. De grands yeux gris comme le métal. La couleur était déjà rare de par sa pureté — ce n'était pas gris avec une teinte bleutée ou verte —, mais le eye-liner accentuait cet effet inquiétant que provoquaient ses prunelles. J'ai cru la gêner à force de la dévisager de la sorte. Elle ne s'est toutefois pas sauvée et m'a fait suivre son rythme.

La musique était bien trop forte pour que nous nous entendions parler — les Malcolm étaient des as des soirées comme celle-ci et la musique de William Johnson le DJ y régnaient en maîtresse — alors au bout d'un moment à lui crier comment je m'appelais, je l'ai entraînée à l'un des étages supérieurs.

Ses joues avaient rosi sous l'effort d'avoir monté deux étages rapidement en évitant une foule de gens agglutinés ici et là.

— Niall... Enchanté, ai-je articulé malgré ma bouche sèche.

Elle a toussé en me serrant la main avant de prendre une grande inspiration.

— Allyfay... Mais tu peux m'appeler Ally ou Fay... Mais pas les deux ensemble.

J'ai froncé les sourcils et avant même que je puisse lui demander le pourquoi de la chose, elle m'expliquait qu'elle trouvait plus joli de décomposer son prénom et de laisser choisir les gens quelle partie ils préféraient. Je comprenais tout à fait.

— Mon vrai nom complet est en fait Nicolas Charles... de Massy.

— Quel nom incroyablement long... Nicolas c'est bien pourtant.

J'ai grimacé et secoué la tête. Allyfay était aussi bien. Elle a grimacé à son tour et consentis à m'appeler Niall.

— Je suis Monégasque alors là-bas ça va, mais ici, avec une majorité anglophone, mon nom français sonne mal dans la bouche des anglophones. « Nic'lass T'Charl'zz » c'est horrible.

Elle a rigolé en tentant de trouver la bonne prononciation pour mon nom, en espérant sûrement que ça sonne français. Je me suis amusé à l'aider, mais au bout de quelques minutes, elle avait plus envie de bière que de consonance française.

Nous sommes redescendus et j'ai joué des coudes pour lui faire un chemin jusqu'à la cour afin de trouver un tonneau de bière plein. Une fois ma mission accomplie, je lui ai servi son verre et nous avons discuté. Je portais attention à moins de la moitié de ce qu'elle disait. Je riais lorsque je voyais sa bouche s'étirer, je hochais la tête chaque fois qu'elle retournait sa paume au ciel en me regardant et je déblatérais des réponses juste assez courtes pour qu'elle porte un autre sujet. Elle me montrait ses bracelets achetés récemment et lors de précédents voyages, puis ses tatouages. Le plus intrigant était celui sur son poignet gauche. Il faisait office de bracelet permanent et remontait sur le côté de la paume jusqu'à son petit doigt. Il s'agissait d'une sorte d'hippocampe très détaillé et sans couleur.

Elle buvait au moins autant que moi et ne refusait pratiquement aucun shooter qu'on lui offrait. C'était lorsqu'elle m'a regardé droit dans les yeux en prenant mon verre de champagne pour le terminer que j'ai eu envie d'elle. Elle a à peine déposé la coupe que je lui attrapais le poignet pour la guider vers l'escalier que nous avions emprunté plus tôt. En marchant aussi droit que je pouvais, j'ai plus ou moins évité les gens sur notre chemin avant de fouiller les pièces pour en trouver une tranquille.