Rumeur

401 25 12
                                        

Les enfants se coursaient dans la cour, sagement surveillés par les enseignants buvant lentement leur tasse de café fumante. Les filles s'amusaient à s'échanger leurs billes, quelques garçons les poussaient à jouer à chat, d'autres encore se disputaient gentiment un ballon. L'hiver ne ralentissait aucun petit. Aucun, à l'exception d'un seul, isolé près du gymnase, cachant ses yeux rouges dans ses genoux. Ses cheveux blonds virevoltaient dans le vent glacial de décembre, ses mains gelaient toujours un peu plus, même une fois abritées dans les grandes poches de sa veste. 

Maintenant les élèves l'évitaient, l'observaient curieusement, un peu dépassés, un peu curieux.  Il avait appris à reconnaître ces regards, ce mépris exprimé par ce qui leur était inconnu, car ils étaient jeunes, si jeunes. Mais il ne soutenait pas cette attention. Il préférait s'enterrer dans ses bras, entre ses coudes, profiter de la bouche toujours scellée de la solitude. 

« C'est vrai, ce que Gally répète à tout le monde ? » 

Newt sursauta. Il n'avait pas entendu son camarade venir. Pourtant il s'était préparé à cette seconde humiliation, à ces interrogatoires intimes, déplacés. Le petit brun reprit : « C'est vrai, que tu es amoureux de moi ? » Le garçon se crispa, perdit ses mouvements, secouant difficilement la tête pour toute réponse. Le petit brun sourit, mais il ne semblait pas convaincu.

« Je peux m'assoir ? »

Newt acquiesça de sa voix faible. Thomas prit alors place près de lui, ses yeux solidement fixés à lui, et le blond rougit presqu'autant que ses doigts. 

« Tu dois avoir froid. Tu ne devrais pas rester par terre aussi longtemps. »

Il retourna les poches de son manteau pour lui tendre des gants en laine. Voyant que Newt ne réagissait pas, il saisit ses mains tremblantes et les vêtit lui-même. Le regard luisant de larmes, Newt releva brusquement son visage vers le sien. Une d'elles perla le long de sa joue froide, se frayant un chemin jusqu'à l'arrête de son nez rose. Thomas l'essuya avec un soupir triste, souriant doucement : « Pourquoi tu pleures ? C'est parce que Gally a dit que tu m'aimes ? C'est de ma faute, alors ? Je ne voulais pas te faire pleurer, moi. » 

Newt renifla, puis secoua une nouvelle fois sa tête. Thomas cala sa tête sur son épaule, et il bredouilla : « N-non, tu n'y es pour rien, Tommy...

— Pourquoi tu pleures, dans ce cas ?

— P-parce que... Gally ne devait pas raconter ce mensonge à tout le monde...

— Ce mensonge ? Tu n'es pas vraiment amoureux de moi ? »

Une lueur inquiète se mit à briller dans ses yeux d'or, avec une moue déçue, frappée d''étonnement. Sa tête s'était détaché de son camarade, et il semblait avoir regretté son geste. 

« P-pourquoi me le demandes-tu ? fit Newt.

— Je veux simplement savoir si c'est vrai.

— Tu veux te moquer de moi, comme tous les autres ?

— Pourquoi je moquerai de toi ? 

— À propos... de cette rumeur...

— Je ne suis pas venu pour me moquer de toi. Je veux plutôt que tu me répondes.

— Pourquoi ?

— Tu pourrais être mon amoureux. 

— T... Ton on amoureux ?!

— Oui, tu sais... comme Minho et Teresa. Tu pourrais être mon amoureux.

— M-mais... pourquoi faire ?

— On a besoin d'une raison, pour avoir un amoureux ?

— Je ne sais pas...

— Je ne crois pas. Il faut simplement être ami avec son amoureux.

— Être a-ami ? Tu es toujours mon ami ?

— Pourquoi je ne le serai plus ?

— Depuis que Gally a dit à tout le monde que... enfin... Je pensais que tu ne voudrais plus l'être...

— Ce ne serait pas logique... si je ne suis plus ton ami, je ne peux pas être ton amoureux.

— Tu veux vraiment le devenir ?

— Oui, ça a l'air d'être bien, d'avoir un amoureux... C'est comme un meilleur ami mais en beaucoup mieux.

— Ah oui...?

— Oui. Quand on est amoureux, on se soutient et on se protège tout le temps.

— Tu le veux ?

— Oui, je t'aime bien... »

Les lèvres de Newt s'entrouvrirent avec surprise, son regard s'ancrant dans celui de Thomas, cherchant la moindre trace de mensonge. Ses rougeurs et sa timidité lui assuraient qu'il ne mentait pas. Ne pouvant aligner trois mots, Newt observa Thomas avec stupéfaction, et le petit brun enlaça leurs mains en disant d'une voix douce : « Alors, tu veux devenir mon amoureux ?

— Mais... tu n'es pas une fille...

— Toi non plus... renchérit-il, quelque peu vexé.

— Les garçons ne sont pas amoureux des garçons...

— Ne m'as-tu pas dit que tu étais amoureux de moi ?

— Mais moi... moi, je suis... différent.

— Mes parents disent que tout le monde peut aimer tout le monde.

— M-même les garçons ?

— C'est ce qu'ils ont dit. Ils m'ont expliqué que c'était répandu et pas grave du tout, au contraire, qu'il fallait aimer ceux qu'on voulait, tant qu'on le faisait bien, et tant que c'était autorisé par la loi.

— Vraiment ? Ils ont dit tout ça ?

— Je te le jure. Alors, tu veux bien ?

— Que dirait Gally ? Et les autres ?

— Ils s'en fichent, au fond. Gally voulait juste t'embêter. Et s'ils sont méchants avec nous, on ira voir la maîtresse.

— Elle nous aidera, tu penses ?

— Oui, elle est gentille. Je suis sûr qu'elle le ferait.

— Et si elle n'aimait pas les garçons amoureux d'autres garçons ?

— Dans ce cas, on ira voir mes parents. Eux, ils acceptent tout ceux qui ne font pas de mal aux autres. Maintenant, est-ce que tu acceptes ?

— Je veux bien être ton amoureux, Tommy...

— Chouette ! 

— À une condition.

— Oh... Laquelle ?

— J'aimerais que tu me promettes de ne pas me laisser tomber... et que tu me jures de ne pas mentir pour te moquer.

— Je te jure que je ne mens pas, Newt. Je t'aime vraiment bien. Je ne te laisserai jamais tomber.

— Promis ?

— Promis. Et toi ?

— Je ne te laisserai pas non plus tomber.

— Promis ?

— Promis, Tommy. »

Ils scellèrent leur pacte par une poignée de main. Les deux enfants s'observèrent un instant avant que Thomas ne se relève et ne sourisse : « Tu veux jouer avec moi ?

— J'adorerais. »

Le petit brun rougit et lui tendit le bras, qu'il attrapa sans hésitation. Puis, s'en allant main dans la main, ils profitèrent ensemble de leur pause.

OS Newtmas Où les histoires vivent. Découvrez maintenant