Des dizaines d'enfants se coursaient dans la cour de récréation. Enseignants et surveillants les guettaient avec un air attendri, buvant une tasse de café fumante. Une jeune fille éclatait d'un rire cristallin, deux jeunes camarades jouaient au ballon, d'autres sortaient des cartes de jeu... Tous profitaient de leur moment d'amusement, entourés d'amis au sourire resplendissant. Seul un garçon était isolé. Recroquevillé dans un coin, adossé contre un des murs du gymnase de l'école élémentaire, il cachait ses yeux rougis entre ses genoux. Il était secoué par des spasmes réguliers, avait une respiration courte et hachée qui le faisait suffoquer. Ses cheveux de blés ébouriffés virevoltaient dans le vent glacial de décembre, ses mains gelées gagnaient en rougeur à chaque seconde mais il ne pouvait s'en préoccuper. Il était abattu, découragé, extrêmement honteux. Les autre élèves l'évitaient, le jugeaient avec dégoût, le scrutaient au loin dans des murmures injustes et indiscrets. Le petit garçon l'avait bien remarqué. Il connaissait parfaitement ces regards odieux, perpétuels et déstabilisants que l'on posait sur lui sans gêne. Cette lueur de mépris lui était si familière et c'était si triste à admettre. C'était ainsi que, ne soutenant plus cette terrible attention, il avait décidé de rester caché, la tête enfouie entre ses genoux. Il pensait être protégé de toute forme de jugement hâtif. Ce fut dans le silence et la solitude que l'enfant s'apprêtait à passer son heure de pause lorsque des pas décidés se dirigèrent vers lui, s'arrêtant net à quelques centimètres de ses pieds. Brisant le calme qui l'empoisonnait, une voix enfantine le questionna curieusement : « C'est vrai, ce que Gally répète à tout le monde ? » Le petit blond sursauta avec effroi. Ses yeux se relevèrent furtivement vers ceux de l'individu venu pour l'interroger. Son cœur loupa un battement lorsqu'il reconnut les traits fins de son camarade de classe. Des grains de beauté ornaient son visage lisse, ses iris ambrées l'observaient sans transmettre la moindre émotion reflétant le dégoût et ses cheveux bruns lui tombaient sur le front. Le garçon recula, intimidé, redressant brusquement son dos contre le mur givré dissimulé derrière lui. La panique envahit son expression lorsque le jeune brun reprit : « C'est vrai, que tu es amoureux de moi, Newt ? » Le visage dudit Newt se décomposa aussitôt. Il blêmit, se crispa, perdit tout mouvement, et secoua négativement la tête pour toute réponse. Le petit brun eut un sourire peu convaincu.
« Je peux m'assoir ? »
Newt acquiesça de sa faible petite voix. Thomas prit alors place à sa gauche, gardant ses yeux solidement fixés sur lui. Les joues du blond ne tardèrent pas à rougir d'embarras. Fuyant son regard, il s'efforça à contempler le sol, ne pouvant le soutenir. Face à son mutisme, le petit brun parut déçu. Il se rapprocha un peu plus de lui et attrapa ses mains.
« Tu dois avoir froid, tes doigts sont glacés. Tu ne devrais pas rester par terre aussi longtemps en plein hiver, tu sais. »
L'une de ses mains lâcha les siennes et partit fouiller la poche de son manteau chaud. Il en sortit une paire de gants en laine noire, les extirpants de leur cachette dans un sourire rassurant. Ses doigts délicats vinrent habiller ses mains tremblantes, les réchauffèrent agréablement. Les yeux luisants de larmes de Newt se relevèrent brusquement dans les siens. L'une d'entre elles perla le long de sa joue rougie par le froid, se fraya un chemin jusqu'à son nez rose. Thomas essuya la goutte salée dans un soupir attristé, souriant : « Pourquoi tu pleures ? C'est parce que Gally a dit que tu m'aimes ? C'est de ma faute, alors ? Je ne voulais pas te faire pleurer, moi. Au contraire. » Newt renifla bruyamment et secoua une nouvelle fois sa tête. Thomas l'observa avec intérêt, examina chacun de ses gestes timides. Il se colla contre son manteau et cala sa tête sur l'une de ses épaules, souhaitant témoigner son soutien. Le petit blond balbutia toutes sortes de paroles inaudibles. Son corps tremblotant se paralysa en sentant le jeune garçon lui apporter autant de douceur. Ne désirant pas le laisser sans réponse, il tenta de bredouiller : « N-non, tu n'y es pour rien, T-Tommy...
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