𝘀𝗺𝗼𝗸𝗲𝘀 || 𝗷𝗶𝗸𝗼𝗼𝗸

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Le multicolore attrapa la main du foncé se l'étant gravement endommagée et observa la paume parsemée de verre. Il eut le réflexe de tout d'abord regarder en dessous du lavabo s'il ne se trouvait pas quelque chose comme du coton ou de la gaze, mais rien, à part les tuyaux et quelques petits bouts de plastique dont vous ne voudriez pas connaître l'origine.

La gêne de Jungkook à cet instant était tout aussi profonde que les morceaux de verre verdâtres et ensanglantés dans sa paume, mais son sang devait rester froid, il ne devait pas rougir, pas paniquer.

Les douces caresses de Jimin contre son épiderme ne l'aidaient pas à cela, toute cette douceur qu'il lui apportait en examinant les dégâts, tout cela remuait son estomac, comme si un filet de vilains papillons voltigeaient dans ses entrailles.

Jimin lui, fixait le mégot écrasé par le pied de Jungkook, et il vint à lui poser la question, cherchant en même temps du regard une pince à épiler, quelque soit l'usage pour laquelle cette dernière aurait été utilisée.

-   Depuis quand tu fumes ?

Il attrapa la fameuse pince, l'ayant enfin trouvée, et le regarda droit dans ses sombres prunelles dans le but de lui demander son approbation, qu'il lui offrit en hochant la tête. Puis, il se souvint qu'on lui avait posé une question, et il se racla la gorge.

-   Depuis la troisième, j'avais quinze ans quand ça a commencé.

-   C'est une addiction ? Enfin, je suppose...?

Jimin extirpa le premier morceau du creux de sa main, et claqua sa langue contre son palais, savant très bien que cela ferait mal. Jungkook serra ses paupières, et hocha la tête. Le multicolore posa une feuille de papier toilette humidifiée à l'eau glacée contre l'entaille.

-   J'en sais rien du tout, honnêtement ça me permet de plus penser...et de dormir.

Hop, second morceau qui valut une grimace à Jungkook.

-   Ne plus penser ou trop penser à ne plus penser ?

-   Arrête. Fais pas ça, ça fait mal et tu le sais...

-   Qu'est-ce qui blesse le plus ? L'ignorance ou la connaissance que quelqu'un t'a menti parce que la vérité blesse dans la dureté de ses paroles ?

Jungkook se tut, et laissa Jimin finir avec sa main. Sauf qu'il avait définitivement besoin de gaze. "Maison de merde" pensa-t-il. Il se mit à chercher partout, laissant tranquille la main de Jungkook couverte de coupures dans la paume et couverte de sang sur le dos. Aucune trace de bandage. Sortir en demander n'était pas une bonne idée: tels des humains enragés face à un vampire au XVIIIe siècle, ils attendaient sûrement Jungkook hors de la salle, prêts à l'enfourcher avec leurs lances et leurs fourches, ou juste prêts à le baffer, le frapper, lui éclater des bouteilles de vodka sur le crâne comme Jungkook avait exercé sa vengeance sur celui de Ji-Yong.

Certes, le multicolore n'avait pas tord. Sur sa question, qui semblait être rhétorique ou presque à la limite d'une affirmation, enfin, il semblait avoir la réponse avant même d'avoir posé la question. Cela ne l'aidait pas de fumer. Toutes ces émotions destructives en lui, causées par cette addiction qu'il nie et nie tous les jours, était-il vraiment bien là où il était, avec sa cigarette et ses écouteurs fourrés dans ses oreilles ?

Toute sa vie n'était qu'un faible mensonge, il était aveuglé par cette douce fumée qui venait lui trouer les poumons et le rapprocher des longues griffes de cette tant accueillante faucheuse, au point où même la mort semble vouloir se donner le style de l'illusion. Et ce mensonge, par quoi se résolvait-il ? Ce garçon aux couleurs pastelles et aux cheveux multicolores, ce garçon qui se cachait pour pleurer, ce silencieux petit bonhomme qui avait le don de faire frissonner chaque membre de Jungkook rien qu'en effleurant son épiderme ? Lui ? Soudain ?

Non. Jungkook n'était pas prêt. Les grillages de son cœur étaient menacés. Vite, vite, l'armée des protecteurs de son cœur meurtri saisit les armes et se plantèrent à l'entrée. Ses lourdes paupières clignaient à chaque picotis qui indiquait que le massif de larmes qu'il retenait allait couler, le barrage allait céder, soudain, par la faute de ce nouveau venu.

-   Je...balbutia-t-il. Je vais rentrer chez moi, grand mère doit s'inquiéter. Pardon d'avoir gâché la fête et merci pour ma main.

-  Attend, Jungkook ! Si...si ton addiction ne te rend pas heureux...pourquoi persistes-tu ?

Un silence s'interposa entre les deux adolescents, et Jungkook prit une grande inspiration avant de tout lâcher.

-   Sinon je ne me sens pas vivant, puisque personne ne m'entend.

Il n'avait pas tord, personne ne pouvait l'entendre comme son petit coeur le faisait. Personne, à part lui, ce garçon coloré peut être.

-   Alors laisse moi t'écouter...?

La panique saisit son cœur et fit trembler ses mains. Tant bien que mal, il dressa un sourire sur ses lèvres, l'agraffa et répondit poliment à celui qui l'avait aidé.

-   Ça va aller, je...merci, merci énormément.

Le voilà parti, prenant la fuite, loin de tout cela. Les hues de la foule ne résonnerent pas longtemps, car bientôt, il eut quitté la salle, et plus rapidement encore, le bâtiment.

La lune brillait dans toute sa splendeur et sa montre indiquait des alentours de minuit, au moins, il était à l'heure, ou presque. Grand-mère dormait et ronflait paisiblement, pas un chat ne courrait dans les rues, il aurait pu se balader toute la nuit mais était tellement vulnérable qu'il n'aurait su se défendre.

Jimin, Jimin. Qu'as-tu fait au cœur de ce pauvre garçon ?

Allongé sur son lit, il fixait le plafond, inhalant toute la fumée mentholée de son tabac, ne pouvant même plus regarder autour de lui tant elle était épaisse. Il ne put fermer l'œil, et ne put se lever le lendemain pour se rendre en cours.

Lorsqu'il s'assoupit pour se plonger dans les filets des cauchemars, il en oublia toute la douleur de sa main quitte à oublier qui avait bandé cette blessure. Comment se l'était-il faite ?

Sa mémoire lui jouait des tours depuis que ce nom venait à occuper ses pensées.

-   Quel égoïste. C'est facile de dire ça. Trouve-toi une addiction on en reparlera.

Une addiction...

-   Je devrais aller en détox ?

La panique l'envahit. Une addiction...

Les pensées se mirent à gueuler dans son cerveau comme une foulée de monstres repoussants et écœurants sous le lit d'un petit garçon qui pleurait entre deux cris étouffés que des monstres voulaient lui croquer les pieds sous son lit, mais à qui pleurait-il?

Tout ce bruit devenait insoutenable, jusqu'à ce que plusieurs coups contre un mur vinrent à le réveiller, jusqu'à ce qu'il constate le ciel clair du jour, et jusqu'à ce qu'il remarque qu'il était passé de minuit à midi.