— Tu as repris des couleurs. Tu manges un peu plus ?
La voix douce de ma mère me fait sursauter quand elle s'élève à travers l'appartement. J'ai oublié sa présence alors qu'elle est en train de jeter la nourriture qu'elle m'a apportée la semaine dernière pour la remplacer par de la nouvelle. Je quitte lentement le canapé en frissonnant quand je quitte la chaleur de ma couverture pour la pièce bien trop froide à cause de la climatisation.
Quand j'arrive dans la cuisine, je la trouve en train de fixer le placard qui déborde de ramen. Mon stock est à peine entamé car je ne mange pas plus que d'habitude. Elle ne m'a pas entendu arriver et son masque de douceur et de bienveillance a laissé place à l'inquiétude et la peur.
Mon estomac se serre quand je la vois comme ça, fragile et vulnérable. C'est de ma faute, car je n'arrive pas à maîtriser ma peur, car je suis incapable de surmonter ce qui m'est arrivé et encore moins d'en parler.
Je l'inquiète en refusant de manger ce qu'elle me prépare. Je la blesse en refusant ses marques d'affection et je ne l'ai pas prise dans mes bras depuis que c'est arrivé. Je suis même incapable de lui dire que je l'aime.
Je prends une inspiration, je ne réfléchis pas, si je le fais alors je vais perdre le courage d'agir. Quand j'arrive à son niveau je passe en tremblant les bras autour de ses épaules et je la serre maladroitement contre moi. Elle se fige un instant, sûrement aussi surprise que moi avant de me tapoter doucement les mains.
— Je... je... dors un peu mieux.
Je bute un peu sur les mots, quand je lui réponds finalement. Ce n'est pas un mensonge, depuis une semaine mes nuits sont plus paisibles et plus longues. Je ne pourrais pas dire à haute voix la raison de ces nuits plus réparatrices. Pourtant j'en connais parfaitement la raison, Ohm. Il est apparu dans ma vie une semaine plus tôt et comme il l'a promis, il revient tous les soirs. Je sais que ça ne durera pas, qu'il se lassera de mon silence. Alors je me contente de prendre ces instants de détente, ces heures où plus rien de mal n'arrive à m'atteindre.
— Je suis contente mon chéri. Tu as déjà l'air plus en forme.
Elle répond d'une voix tremblante, mais assurée. Elle ne bouge pas, elle ne cherche pas à en avoir plus que ce que je lui offre. Je sens ma gorge se serrer sous l'émotion. Je n'ai pas peur, je ne me sens pas mal de la serrer contre moi et je me rends compte que la chaleur maternelle m'avait terriblement manqué.
— Je suis désolé maman... je...
L'émotion déborde et je m'interromps pour prendre une profonde inspiration.
— Je pourrais... te préparer des ramens. Tu crois que tu pourrais les manger ?
Elle me fait sa proposition en hésitant. Elle sait qu'elle marche sur des œufs à cet instant. Je baisse la tête, la posant contre son épaule en respirant son parfum léger qui me ramène à une époque où une simple étreinte de sa part suffisait à effacer les cauchemars. J'hésite un long moment avant de lentement hocher la tête.
— Je peux te regarder faire ?
Je ne peux pas m'empêcher de demander. Je sais que c'est ridicule, je sais que ma mère ne mettra pas de drogue dans ma nourriture, mais la peur est bien présente.
— Bien sûr.
Elle murmure sa réponse et je ne sais pas si ma demande l'a vexée ou pas. On ne bouge pas tout de suite pourtant on profite de l'instant avant que je ne la serre un peu plus fort et que je la relâche. Je recule de quelques pas, les bras le long du corps et je me sens gêné, mais en même temps détendu. C'est une sensation que je n'ai pas vraiment éprouvée depuis bien longtemps.
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When Hope Springs Forth
General FictionUn an après une fête qui a mal tourné, Nanon vit reclus et en sécurité dans l'ombre de son appartement. Il fuit l'inconnu et tout ce qui pourrait lui faire du mal en se plongeant dans des livres. Les seuls qui l'approchent sont Chimon son sauveur et...