Chimon et moi sommes assis l'un en face de l'autre en silence depuis un moment maintenant. Comme il me l'avait dit la veille au téléphone, il est passé me voir. Comme il me l'avait dit, il avait toqué à la porte et attendu que j'ouvre.
Je ne peux pas dire que cette épreuve a été facile, bien au contraire. Hier, c'est la colère qui m'a fait ouvrir la porte, aujourd'hui je dois trouver le courage de déverrouiller moi-même chaque verrou.
Heureusement, Chimon s'était montré d'une patience exemplaire, alors que je l'ai fait poireauter pas loin de vingt minutes sur le pas de la porte. Je tremblais, j'en refermais certains avant de les rouvrir, mais régulièrement il m'encourageait.
J'avais fini par réussir en ouvrant le battant sur un Chimon fier et heureux de me voir réussir. Il a fait un geste vers moi, comme s'il allait me prendre dans ses bras, mais il s'est retenu. Et je pense que j'aurais pu accepter son étreinte fraternelle.
Je l'ai entraîné vers la cuisine sans attendre, je lui ai proposé de s'asseoir avant de sortir une canette de soda qui est dans le frigo pour les fois où il vient. L'espace d'un instant tout coule de source. Je me retrouve dans le rôle de celui qui accueille son invité et ça me plaît de le retrouver comme ça.
Pourtant j'ai un peu peur de lui parler de Ohm, j'ai peur de ce que je ressens et de ce que Chimon pourrait en dire. Alors pendant presque une heure je lui parle de mon père, je lui montre mon téléphone ou je trouve encore précieusement notre échange.
Ma poitrine se gonfle de bonheur, j'ai l'impression de faire des pas de géant et de me retrouver enfin. Du moins, c'est la sensation que j'ai jusqu'à ce que Chimon redirige la conversation vers ce que je tente moi de retarder.
— Nanon... Tu devais me dire ce qui allait mieux dernièrement.
Il me fait un petit sourire tout en jouant avec son verre de soda vide. Je sursaute légèrement avant de baisser les yeux sur mes doigts que j'entortille nerveusement. Il me faut quelques secondes pour me lancer et oser poser la question qui me tourne dans la tête.
— Est-ce que... Est-ce que tu crois que... faire à nouveau confiance à quelqu'un est une erreur pour moi ?
Il me regarde surpris et il reste un long moment à réfléchir à quoi me répondre. Ma question peut paraître étrange et il doit sûrement bien choisir ses mots pour éviter de me voir me renfermer.
— Je ne pense pas que ce soit une erreur, Nanon. Je sais que le monde te fait peur, mais je t'encouragerais toujours à t'ouvrir aux autres.
Il me fait un petit sourire son index tapotant le comptoir.
— Mais il ne s'agit pas de tout le monde.
Je marmonne rapidement, n'articulant pas vraiment.
— De quoi est-ce que tu parles ?
Chimon me regarde en rigolant. Je ne peux pas m'empêcher de rougir quand il me demande d'être plus clair. Je porte mon doigt à ma bouche et je mordille mon ongle. Je peux lui raconter, lui saura être de bon conseil pour moi. Je sais que Chimon ne me dira pas de faire quelque chose qui me mettrait en danger.
Il me connaît bien maintenant, même si le silence s'éternise alors que je veux autant lui parler de Ohm que je veux le garder pour moi, il ne dit pas un mot de plus.
— J'ai rencontré quelqu'un... et je me sens bien avec lui.
Je murmure avant de me tendre brutalement. Je ne sais pas ce que je ferais s'il me disait soudain que c'est n'importe quoi. Que je dois arrêter de le voir, me barricader dans ma bulle de sécurité.
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When Hope Springs Forth
General FictionUn an après une fête qui a mal tourné, Nanon vit reclus et en sécurité dans l'ombre de son appartement. Il fuit l'inconnu et tout ce qui pourrait lui faire du mal en se plongeant dans des livres. Les seuls qui l'approchent sont Chimon son sauveur et...