Chapitre 9

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- Ne bouge pas.

Je m'exécute et le laisse m'enlever mes bandages. Très vite, mon bras est nu et les griffures apparaissent bien nettement. Le rouge foncé contraste énormément avec ma peau devenue très pâle. Jackson passe ses doigts dessus, les effleure et je détourne le regard en frissonnant. Je n'ai pas mal mais voir ces traces me dégoûte, alors je n'imagine même pas ce qu'il doit ressentir au fond de lui. Hier matin, je lui ai demandé pourquoi il faisait ça et il m'a dit que c'était pour évaluer la profondeur de mes blessures, que chez lui, le toucher est plus puissant que la vue. Il a lâché ça d'un air arrogant, froid, comme si j'aurais dû le deviner seul. Alors, je n'ai plus rien dit et je le laisse faire sans plus poser de question. Il s'occupe de me soigner et de changer bandages et pansements chaque matin et même si j'ai honte, je le laisse faire. Parce que mes propres marques sont toujours là. J'ai dû y aller vraiment fort... Mais je sais qu'elles disparaîtront sans laisser de traces et vite, bien plus vite que ces griffures qui, elles, resteraient là à jamais, sous la forme d'une cicatrice qui ne pourrait être qu'horrible. Peter m'avait marqué, aussi bien physiquement que mentalement.

Très honnêtement, je pourrais faire ça seul : me soigner, changer mes pansements et bandages. Pour une raison obscure, Jackson n'est pas d'accord avec cette idée alors je le laisse faire. Je n'ai aucune envie de le contrarier. Il fait déjà tant pour moi et doit sans doute, comme je le pense depuis le début, avoir hâte de me voir partir de chez lui. Par conséquent, je rends mon séjour incertain le plus agréable possible.

Grâce à Derek, je recommence à manger à peu près normalement. Trois longs jours après l'épisode des nouilles, je commence à reprendre quelques couleurs. Je suis encore très pâle mais au moins, je ne ressemble plus autant à un mort. Pourtant, à côté des mains tannées de Jackson, j'ai l'impression d'être aussi blanc qu'un cachet d'aspirine. En soi, je n'en suis pas si loin.

Enfin, il pose sur moi le dernier pansement qui signe la fin de ma séance de soin. J'ai envie de lui dire d'arrêter de faire ça, de me soigner alors que je pourrais le faire, mais je n'ose pas. Je n'arrive toujours pas à le cerner et je retiens un soupir de soulagement lorsqu'il finit par se lever et quitter la pièce sans un mot, emportant avec lui le matériel médical à jeter ainsi que les précédents pansements et bandages. Je me permets alors de me détendre légèrement. Je déteste la sensation qui me traverse actuellement, celle qui me donne l'impression que je gêne ou que je suis une gêne. Je la ressens chaque fois que Jackson se trouve dans la même pièce que moi. Alors, pour rendre ma présence plus supportable et moins pesante, je me tais autant que possible, même si ouvrir la bouche me démange sans arrêt. J'ai besoin de parler, peu importe le sujet. Parler, c'est ma marque de fabrique, mon identité. Et j'ai l'impression que depuis l'intrusion de Peter dans ma vie, ma bouche est trafiquée. Si j'ai effectivement très souvent envie de parler de tout et n'importe quoi, je n'y arrive plus. Alors oui, je veux partir sur un sujet, dériver comme avant quitte à énerver mes amis mais... Non, ça ne veut pas. Me museler n'est donc pas difficile.

Je me rallonge dans le lit. Je n'ai la force de rien faire. J'ai beau commencer à remanger plus ou moins correctement et à laisser Derek et Jackson prendre soin de moi, je me sens atrocement faible. J'ai perdu un peu plus de quatre kilos en très peu de temps, je ne fais aucun exercice et je n'ai le goût de rien. C'est tout juste si je retrouve une étincelle de vie lorsque parfois, Derek fait irruption dans la chambre et reste à mes côtés, ce qui n'est pas le cas actuellement. Mais je ne m'inquiète pas : il a sa vie, j'ai la mienne, même si celle-ci est en pause. Pour être honnête, j'ai du mal à avancer. Si j'arrive à ne pas penser à Peter à chaque seconde de mon existence, j'en fais encore des cauchemars. Cette nuit, je me suis réveillé en sursaut et j'ai pleuré. J'ai pleuré parce que je l'ai imaginé, au-dessus de moi, encore. Mais cette fois-ci, il allait plus loin dans la réalité. Si je me suis senti extrêmement mal, j'ai toutefois été soulagé de n'avoir pas réussi à crier. J'aurais réveillé Jackson. Derek n'avait pas passé la nuit ici, et c'était tant mieux. Je suis sûr que, imprévisible comme il l'est, il aurait sans doute été réveillé au moment où j'aurais pleuré et il serait venu. Et moi, je ne veux pas continuer d'attirer son attention alors que je ne la mérite pas.

Sweet DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant