Chapitre 50

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Cela faisait un moment que Stiles n'avait pas aussi bien dormi. C'est en ouvrant les yeux qu'il se fit cette réflexion des plus étonnantes, en se rendant compte qu'aucun cauchemar n'avait perturbé son sommeil. Combien de temps celui-ci avait-il duré, d'ailleurs ? L'humain n'en avait aucune idée et à vrai dire, il considérait cela comme un détail. Tout ce qu'il y avait à retenir, c'était qu'il avait réussi à dormir un peu sans avoir l'impression de sentir les griffes de Peter se resserrer autour de son esprit en lambeaux. Stiles n'était cependant pas dupe.

Il y avait bien une raison à l'amélioration si soudaine de son sommeil. Et il la connaissait. Pour être honnête, il n'avait aucun souvenir de la façon dont il s'était retrouvé dans cette position... Mais il appréciait. Beaucoup. Un peu trop, sans doute. Pouvait-il s'en empêcher ? En avait-il seulement envie ? Avec toutes les souffrances qu'il endurait depuis des jours, des semaines, un enfer auquel il conférait un certain caractère d'éternité, Stiles commençait sérieusement à avoir besoin de lâcher prise. Se battre en permanence... C'était épuisant. Profiter du peu qu'il pouvait apprécier, profiter de ce qu'on lui donnait était tout simplement un moyen de se reposer et, par extension, de survivre.

Et l'étreinte chaude qui le réchauffait de l'intérieur, il n'irait certainement pas cracher dessus. L'odeur boisée l'entourait, le pénétrait de toutes parts. Sans être un loup-garou, Stiles aimait beaucoup le fait de pouvoir la sentir tant ils étaient proches, tant elle lui semblait forte. Puis le souffle régulier de Derek sur son oreille le faisait frissonner, aussi. Agréablement, bien sûr. Il n'en avait pas peur, n'y collait pas une étiquette malsaine.

Derek dormait.

Stiles ferma les yeux dans le but de profiter plus en profondeur de ce moment qu'il n'espérait plus, ces derniers jours. Il avait encore du mal à réaliser que le retour de Derek était une réalité. Qu'il était vraiment là, qu'il ne repartirait pas. Enfin cette peur-là, elle ne partait pas. Il avait sciemment choisi de la garder mais de la mettre de côté, pour ne pas l'oublier. Il voulait pouvoir se dire qu'il savait, si cela venait à arriver. Mieux valait se préparer à la déception plutôt que de se la prendre de plein fouet.

En attendant, il profitait de ses bras, de sa chaleur, de sa présence. De tout ce qu'il aimait chez lui, de tout ce qui l'aidait à tenir. Ses sentiments à son égard, loin d'avoir disparu, il les gardait sagement au fond de lui. Il avait perdu l'envie de lui en faire part parce que... Pour l'instant, ça allait. Stiles se souvenait qu'il voulait lui avouer son amour quelques jours plus tôt mais que sa mémoire lui avait subitement fait faux bond. Il ne l'interprétait pas comme une tentative de Peter de le faire taire, plutôt comme un signe de sa déchéance psychique. Ainsi, il prit la décision de lui dire ces trois mots le jour où il se sentirait partir. Le moment où cela aurait le moins d'incidence, où Derek les oublierait rapidement.

Il était hors de question qu'une chose aussi futile que les sentiments de Stiles impactent le loup plus que nécessaire.

Puis Stiles était capable d'apprécier ce qu'il lui offrait sans le lui dire, sans chercher non plus à avoir plus. C'était d'autant plus vrai depuis son retour au chalet. Il devait se contenter de ce que Derek lui accordait, et c'était exactement ce qu'il faisait, puisant dans chacune de ses étreintes, chacun de ses contacts... Cette force qui lui manquait. La motivation de se battre seul, aussi. Parce qu'il avait beau résister de toute son âme, il doutait que ce soit encore pour lui. Au début, oui. Mais maintenant ? Maintenant, il n'était plus seul et... Avait accepté l'engagement de deux loups. Une double union qui n'avait pas de sens mais dont il ne pouvait nier l'existence et ce, même s'il sentait que les deux liens étaient différents. Abandonner, c'était cracher sur leur sacrifice commun, sur les sentiments qu'ils avaient à son égard, une amitié forte et fidèle. Ainsi voyait-il les choses.

Dans son sommeil, Derek resserra légèrement son étreinte sur lui et Stiles s'en réjouit d'un faible sourire. Bien sûr, il serait hypocrite de dire qu'il n'appréciait pas l'idée de compter pour Jackson et Derek. Disons qu'on lui avait souvent dit qu'il était important sans jamais le lui laisser véritablement penser. Les deux loups-garous ne cessaient de le lui prouver chaque jour depuis le début de cet enfer. A contrario, Stiles avait véritablement l'impression d'être délaissé par celui qu'il considérait comme son meilleur ami... Qui n'avait pas pointé le bout de son nez. Où était-il ? L'avait-on mis au courant ? L'aidait-il, depuis Beacon Hills ? Cherchait-il Peter ? Disons que Stiles avait besoin de se dire que leur amitié était toujours d'actualité et qu'elle continuait de valoir quelque chose. S'il s'efforçait de ne pas trop penser à lui, à son absence, il désirait ne pas entacher ses souvenirs le concernant. Il lui fallait se dire qu'il pouvait compter sur lui, son meilleur ami, son alpha.

Désolé de te l'apprendre petit renard, mais Scott est de mon côté.

Stiles rouvrit brutalement les yeux et sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine.

xxx

- Ta guérison a commencé. Elle est plus lente que d'ordinaire à cause des traumatismes de tes parties humaines et lupines mais plus les jours passeront, plus elle s'accélèrera.

Isaac n'arrivait pas à savoir si la nouvelle le rassurait ni même s'il y accordait une quelconque importance. Disons qu'il ne ressentait pas grand-chose et... Enfin, il peinait toujours à réaliser, à dissocier les différents sentiments qui le prenaient lorsqu'il pensait à son passage à tabac. Le temps passait avec lenteur et... Il avait l'impression qu'il n'avançait pas, qu'il en était toujours au même point. A revivre l'évènement à cause de ses souvenirs, à ressasser cet appel avec Derek. A tenter de comprendre les motivations de Peter, à aviser l'étendue de ce qu'il avait été prêt à faire pour mettre la main sur Stiles. Disons qu'à côté de cela, Isaac avait du mal à considérer sa guérison en tant que telle.

- Isaac ? L'appela Deaton, perplexe par son silence.

Le loup-garou s'éveilla de la semi-conscience dans laquelle il s'était plongé. Il s'y perdait souvent depuis son agression : une simple réflexion pouvait aisément le mener à ce genre de déconnexion involontaire. Une forme de dissociation, ou quelque chose s'y apparentant. Ce n'était pas un comportement qui lui ressemblait, ni quelque chose qu'il contrôlait vraiment.

- Oui, répondit-il.

Deaton fronça quelque peu les sourcils mais répéta ses remarques et observations quant à son état sans changer de ton. Il parlait lentement sans se montrer trop doux. Il connaissait Isaac et savait que celui-ci n'aimait pas que l'on s'apitoie sur son sort qu'on le traite comme s'il était trop fragile pour supporter ce que l'on avait à lui dire. Or, il avait les épaules – il avait simplement besoin de temps.

Dans son dos, une main prit place. Isaac se détendit sous les yeux du vétérinaire, qui tourna la tête en direction de Liam : il lui adressa un regard reconnaissant. D'une façon ou d'une autre, sa présence aidait son ami à mieux gérer la situation, à... Rester ancré dans le réel. Une aubaine qu'il soit passé chez Isaac, l'autre jour... Au bon moment.

Deaton libéra les deux jeunes hommes après quelques minutes d'examen supplémentaire et un très bref échange avec Isaac quant à la façon dont il pourrait accélérer le processus. Il devait se reposer, prendre soin de lui et surtout, se laisser le temps de réaliser. D'accepter qu'il avait été la victime d'un malade. Le vétérinaire chargea également Liam de veiller au bon déroulement de sa convalescence même si celui-ci comptait déjà s'en charger de bon cœur.

Mais alors qu'ils s'engouffraient tous deux dans la voiture du plus jeune, Isaac déclara d'une voix étrangement assurée :

- Il faut qu'on les rejoigne.

Liam lui adressa un regard confus, le genre qui savait ce qu'il voulait dire mais qui le jugeait trop improbable pour être vrai.

- Il faut qu'on rejoigne Stiles, Derek et Jackson, répéta Isaac.

Comme s'il y avait longuement réfléchi, comme s'il ne s'agissait pas simplement d'une évidence, de la manifestation de son instinct, d'une réponse à la terrible peur qui continuait de le tirailler de part en part et qui ne le faisait se sentir en sécurité nulle part.

Sweet DreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant