Chapitre 16

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L'automne passa, ayant fourni le nombre réglementaire de parties de cueillette de champignons. Désormais inutile, il laissa place à un hiver rigoureux, inhabituellement froid et neigeux, qui fit la joie des étudiants d'Hogwarts - ils pouvaient rester au chaud toute la journée et ne sortir que pour profiter du froid manteau cotonneux - mais pas des divers phytoparasites, qui n'avaient pas cette alternative et mouraient par milliers tous les jours, insuffisamment protégés des intempéries dans leurs quartiers d'hiver. Les rosiers allaient pouvoir passer un printemps tranquille sans trop avoir à redouter d'attaques de pucerons, et les pieds de haricots ne seraient probablement pas trop endommagés par la graisse commune (1).

À vrai dire, Draco était à ce moment loin de penser à la santé des plantes du parc. Emmitouflé dans une épaisse cape de laine de mouton nain des Skellings doublé de fourrure de campagnol décapode boréal, il s'acheminait lentement vers Hogmeade. Cela faisait bien des samedis qu'il ne s'y était pas rendu, de peur de tomber nez à nez avec une fille du Putois Hirsute. Après le fiasco avec Harry, furieux contre ses amies, il avait démissionné et comptait bien les éviter pendant les derniers mois qu'il lui restait à passer à Hogwarts. Quatre mois encore à éviter Brucella, Listeria et Yersinie, mais également, plus que quatre mois à voir Harry, se qui se limitait, il faut le dire, à l'épier de loin les rares jours où celui-ci quittait sa salle commune, dans laquelle il passait à présent des jours entiers à travailler. En effet, peu de temps avant la fin de son séjour à Hogwarts - les examens finaux y étaient-ils à l'origine pour quelque chose ? - Harry s'était mis à travailler sérieusement en prévision d'études supérieures, pour lesquelles il allait devoir intégrer le prestigieux Institut Supérieur de Sorcellerie de Londres. Il pourrait compter sur la compagnie d'Hermione, qui avait également opté pour cet établissement. Et comme elle n'avait pas changé, elle savait déjà exactement quelles options elle allait choisir à chacune des années d'études et avait même commencé à travailler sur sa thèse - avec seulement cinq ans d'avance !

À la surprise de tous, ils seraient également accompagné de Neville, toujours aussi médiocre en général, mais dont les compétences en herbologie avaient époustouflé le directeur de l'institut.

Draco y serait aussi. Lui n'avait aucune idée qu'il y retrouverait les trois Gryffindors.

Pour l'instant, il avançait péniblement, ses bottes alourdies par la neige qui adhérait avec insistance. Alors qu'il levait les yeux pour estimer à quelle distance il se trouvait encore du village, il aperçut une jeune fille qui venait vers lui. Elle portait un ensemble gris rehaussé de rouge aux poignets et au col et était enveloppée dans une cape assortie. Draco ne pouvait encore distinguer ses traits, mais il reconnut la masse de cheveux dorés qui s'échappait de la petite toque en laine grise. Trop tard pour fuir, Brucella l'avait vu.

« DRACOOOO ! » hurla-t-elle en fonçant vers lui avec toute la force qu'une jeune fille en bonne santé peut avoir accumulé pendant deux mois de réclusion pour cause d'intempéries récurrentes.

Draco lui tendit la main sans empressement, accompagnant son geste d'un regard froid, indifférent. Ils se serrèrent la main. Draco était pressé de trouver un prétexte pour écourter la rencontre, mais Brucella ne lui rendit pas sa main. Au contraire, elle s'accrocha à son bras tout en manifestant la plus grande joie de le revoir.

« Draco, tu sais, on pensait que tu allais bouder deux ou trois jours, et voilà que tu nous a complètement abandonnées, sans même donner de nouvelles! Heureusement, il y avait les hiboux de Pansy, mais tout de même, tu es cruel, nous n'y sommes pour rien ; et en plus tu as besoin de nous pour t'aider à conquérir Harry ! »

« J'ai laissé tombé. » coupa sombrement Draco, mais au fond de lui, il n'en était pas si convaincu, c'est pourquoi il ajouta : « De toute façon, Harry vous déteste aussi maintenant. »

Brucella fit un large sourire et ses yeux pétillèrent.

« Nous nous sommes réconciliées avec lui. » annonça-t-elle, au grand étonnement de son interlocuteur.

« Nous l'avons croisé au Chaudron Baveur. Il a voulu nous éviter, mais ses deux amis - Ron et Hermione, tu les connais j'imagine? » Draco poussa un soupir exaspéré qui en disait long ; « Donc, Ron et Hermione l'ont pris chacun par un bras et l'ont traîné vers nous. Traîné est le mot, je suis sûre que le plancher en a gardé des séquelles, tellement il freinait fort pour les empêcher d'avancer. Bref, on s'est expliqué. Harry a bien compris que l'on avait pas eu envie de lui faire un sale coup, mais seulement qu'on ignorait à quel point vous aviez été ennemis. »

« Maintenant. » interrompit Draco, « Il doit me détester encore plus en pensant que je vous ai trompées et poussé à faire des bêtises... »

« Non. On lui a vraiment tout expliqué. Et il ne te déteste plus. »

Draco lui répondit par un regard dubitatif.

« Si, si, je t'assure, il n'est pas stupide ! » ajouta-t-elle d'un air qui pouvait faire accroire qu'elle se doutait que Draco le pensât. « Il a très bien compris. Mais il est gêné. Très, très gêné. Imagine un peu ! »

« Je ne sais pas si c'est un mieux. Il me fuit. Je préférais encore quand on s'insultait. On communiquait, au moins... » conclut-il d'un ton désabusé.

Brucella soupira, tout en sautillant sur place pour faire tomber la neige qui s'était accumulée sur ses bottines.

« Allez, viens au salon, on va te faire du thé. »

Draco hésita. Brucella s'éloigna de quelques pas, se retournant ensuite pour faire signe à Draco, toujours indécis. Finalement, elle lui tendit la main. Il l'attrapa et ils se remirent en route.

Hermione, Ron et Harry se tenaient devant la vitrine du libraire. Hermione voulait rentrer, Harry hésitait, et Ron rappelait que lors de leur dernière visite, il faisait encore plus froid dans la boutique qu'au dehors. Mais Hermione étant persuasive, ils finirent par se retrouver tous trois dans le magasin réfrigérant et y restèrent une longue heure. En sortant, Ron et Harry étaient frigorifiés. Pas Hermione, qui avait passé son temps à escalader l'échelle donnant accès aux livres.

Juste à l'angle de la rue, Listéria, Brucella et Yersinie harcelaient patiemment Draco pour qu'il fasse quelque chose que l'intéressé trouvait 'rrridicule' - avec beaucoup de 'r' - et même 'suicidaire'. Néanmoins, quand il vit les trois Griffyndors les regarder se chamailler avec l'expression perplexe de quelqu'un à qui on vient d'annoncer une nouvelle fort improbable, il prit son parti, et, s'approchant du groupe, il récita d'une voix tout sauf naturelle :

« Les filles du Putois ont fait du thé, vous venez ? »

« Mais vous avez l'air cryogénisés ! » s'exclama-t-il avant que les Gryffindors, étonnés, n'aient pu réagir. Et cette sortie était beaucoup plus naturelle, sincère, parce qu'il venait de se rendre compte de l'état des mains de Harry, dont les doigts étaient tout bleuis. 'Mais pourquoi cet abruti ne porte-t-il pas de gants par un froid pareil ?'. Draco avait tellement envie de prendre ses mains dans les siennes pour les réchauffer. Ce qu'il fit. Harry devint rouge comme une tomate tandis que ses amis se retenaient pour ne pas éclater de rire. Gêné, légèrement horrifié, mais aussi extrêmement flatté, Harry retira doucement ses mains et demanda à voix basse :

« Malfoy ! Mais qu'est ce que tu as ?... »

« Tu le sais très bien. » répondit-il en se renfrognant.

« Oui, mais bon... Là, ça ne te ressemble vraiment pas... » essaya Harry, ne sachant pas bien comment exprimer sa pensée, qui oscillait entre 'On lui a fait un lavage de cerveau' et 'l'individu devant moi est Mme Pomfresh ayant pris du polynectar'.

« Tous les moyens sont bons pour parvenir à mes fins. » répliqua Draco, un sourire en coin, et là, Harry le reconnut.

Quand Draco le tira par la manche pour l'entraîner au Putois, il se laissa faire, se retournant seulement pour s'assurer que ses gloussants amis le suivait bien.

À suivre...




Au Putois Hirsute, salon de coiffureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant