5 - Le tunnel noir

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En m'extirpant de la cage d'escalier, je n'eus qu'une envie : fuir. Je voulais partir très loin et ne jamais revenir. La vérité était là, agressive et moqueuse : je l'avais encore obligé à pleurer et il me détestait. Moi qui pensais qu'une discussion pourrait aplanir les choses entre nous, il s'avérait en fait que ça ne l'avait rendu que plus malheureux. Je me haïssais de lui faire subir ça.

J'allais directement m'enfermer dans mon bureau, où s'entassaient des dizaines de dossiers non traités. J'avais pris du retard. Je dormais extrêmement mal en ce moment. Les cauchemars récurrents striaient mes nuits et ma fatigue s'accumulait, me rendant moins rapide et moins alerte. Je commettais des erreurs dans mon travail et ce matin, sans même m'en rendre compte, j'avais grillé un feu rouge. J'avais failli causer un accident et blesser, voire tuer plusieurs personnes.

Il fallait que je me reprenne. Dans un geste empressé, j'attrapai mon téléphone et envoyai un SMS à Lina.

« RDV »

Il ne fallut qu'une minute pour qu'elle me réponde. Je pris quelques dossiers et quittai le bâtiment en disant à Annie de me contacter sur mon téléphone si elle avait besoin de quoi que ce soit. En arrivant enfin chez moi, j'allais directement m'affaler sur mon canapé. Mon moral était dans un sale état et si je voulais que ça s'arrange, il n'y avait pas des centaines de solutions.

Presque deux heures plus tard, Lina sonna et entra sans attendre mon aval. Elle se stoppa, examinant mon appartement, puis elle soupira.

— T'as encore bazardé des meubles ?

Je haussai les épaules ; de toute façon je n'avais pas assez d'affaires, alors, à quoi bon garder du mobilier vide ? Voyant que je ne comptais pas répondre, elle referma la porte et s'approcha de moi.

— Tu veux qu'on s'y mette maintenant ? Mon prochain rendez-vous n'est que dans trois heures, donc on a le temps. En fonction de ta fatigue et de ce que tu ressentiras.

Je hochai la tête, impatient qu'on ait terminé. Elle s'assit en tailleur, attrapa son calepin et me regarda.

— Les cauchemars sont revenus ? Tu souhaites me raconter ?

Je grimaçai. Ça se voyait tant que ça ?

— C'est systématiquement les mêmes. Je suis dans la pièce de béton, je suis bloqué, je peux pas sortir. Ça sent l'humidité, je suis terrifié...

— Elle est là ?

— Pas toujours. Parfois oui, parfois non.

— Elle est dans quel état ?

— ... le mauvais.

En expliquant, mon buste se contracta. J'eus soudain un peu plus de mal à respirer et mon cœur tambourina plus fort. Comme d'habitude, elle prit une petite enceinte qu'elle brancha à son portable. Quelques secondes plus tard, j'entendis les bruits d'une forêt vide de toute vie humaine. Le vent s'engouffrait dans les feuilles les froissant à son passage, des animaux conversaient au loin, chacun dans leur langue naturelle.

— Allonge-toi et détends-toi.

C'était l'exercice le plus difficile de la séance. Me décontracter, me laisser aller, c'était de plus en plus facile, mais de plus en plus dur. Durant de longues minutes, elle me parla avec douceur, d'une voix monotone, celle que nous avions l'habitude qu'elle utilise. Je la laissais prendre le pas sur moi, sur ma psyché afin qu'elle me guide là où je n'étais pas capable de me rendre seul. Mon corps devient lourd peu à peu, j'eus l'impression de m'enfoncer lentement sur mon canapé qui tanguait, balancé par des vagues d'une mer imaginaire.

Je finis par tomber dans un état de semi-conscience, pas totalement alerte, mais pas endormi non plus. Mes muscles s'étaient détendus et je respirais plus profondément. Lorsqu'elle me dit de croiser les doigts, ils réagirent naturellement et le travail commença réellement.

NIGHTMARE 3 - Chimérique [MxM] [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant