Les frères Satori - Tome 1

Chapitre 6 : Colocation mode d'emploi

Les cours ont commencé depuis deux semaines, et je n'ai pas vu le temps passé. Mes premiers services au fast-food ont été un peu compliqué, mais j'ai réussi à m'habituer. Simon a l'air content de moi et je suis finalement rarement avec Indie qui fait des horaires différents des miens. Seul nos vendredis et samedis midi sont en commun.

En plus de ça, les cours me plaisent déjà. Je n'ai pas besoin de côtoyer les gens ou de tisser des liens avec eux, ce qui me convient plutôt bien. Chacun fait sa vie et même les profs ne sont pas sur notre dos.

Depuis la rentrée, j'ai même réussi à manger plusieurs midis avec Jacob en plus de le voir quasiment tous les jours. Sans que je m'en rende compte, il est devenu une sorte de constante dans ma vie.

Tout pourrait aller bien, pourtant je dors toujours aussi mal. J'oscille entre des nuits de douze heures, qui suivent des nuits blanches de trois jours. Impossible de m'endormir. J'ai l'impression que mon cerveau veut que je subisse cette année, autant que les précédentes.

Et ça joue sur mon moral.

Je vois tout en noir.

En plus de ça, je mange très peu car je n'ai pas encore l'argent pour aller faire les courses et je n'ose pas demander à ma mère, ni à Jacob et encore moins demander une avance de salaire à Simon. Je n'ai même plus assez pour m'acheter un paquet de clopes et mon manque de nicotine me donne des migraines violentes ces trois derniers jours.

Ce mardi, je rentre à 19h d'un cours qui s'est éternisé et passe devant la cuisine où Adah se trouve au fourneau. Elle pose son regard sur moi rapidement, avant de retourner à son occupation. La bonne odeur de ce qu'elle prépare fait gargouiller mon ventre et je me précipite dans ma chambre en claquant la porte.

J'ai faim.

Mais je sauterai encore ce repas, pour économiser la bouffe qui me reste jusqu'à la fin du mois.

Je ressors de ma chambre après avoir trainer dans mon lit et avancer dans mes cours et me dirige une bonne heure plus tard vers la cuisine pour me servir un verre d'eau.

Sur le comptoir, une assiette remplie y est entreposée avec un post-it à côté :

« Abraham »

Je plisse les yeux et jette un coup d'oeil aux alentours. J'entends des bruits de pas dans la chambre d'Adah, mais elle ne se décide pas à sortir.

Je replonge mes yeux sur l'assiette qu'elle m'a laissé alors qu'une vague de gène me submerge.  Elle a surement remarqué que je n'alimentais plus le frigo, ni les placards. Ou bien elle a remarqué que j'avais beaucoup maigri. Peut-être les deux. Toujours est-il que cela m'empêche de me jeter sur cette assiette, alors que mon ventre grogne et me supplie de manger.

Je ne réfléchis cependant pas plus longtemps et m'assoit pour engloutir le repas en quelques minutes.

En avalant ma dernière bouchée, la culpabilité prend la place de la honte. J'ai ignoré cette fille depuis que je suis arrivé, alors qu'elle ne m'avait rien fait. J'ai réagi stupidement juste parce que j'étais terrorisé de me faire des amis.

Je me relève de la chaise en mettant l'assiette dans l'évier et pars faire la vaisselle qui y est entreposée depuis deux jours.

Même si je fais tout pour ignorer cette fille depuis le début, il y a bien un truc que j'ai remarqué, Adah et la vaisselle, ça fait deux.

***

Depuis qu'elle m'a préparé un repas la semaine dernière, je fais de plus en plus attention à ses agissements. Je l'observe à la dérobé quand elle passe devant moi et analyse un peu plus ses allers et venues.