Chapitre 19 : Ezekiel...

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3 mois plus tard.

3 mois s'étaient écoulés depuis que Sarah n'était plus là et que Zeke dormait.

Je n'avais pas pu quitter l'hôpital au vu de mon état, je m'étais retrouvée avec un bras fracturé, la jambe légèrement ouverte, une brûlure extrêmement douloureuse au ventre et une paralysie des cordes vocales. Evidemment en un mois mon état s'était nettement amélioré, grâce à la rééducation j'arrivais de nouveau à parler bien que doucement et pas longtemps, je commençais à m'habituer à mon bras plâtré et mes points de sutures sur les jambes et quand je n'avais pas mal je ne prêtais plus attention aux bandages sur mon abdomen.

Les parents de Sarah n'avaient pas hésité une seconde à écourter leur voyage d'affaires pour se précipiter au chevet de leur fille qui...malheureusement n'était plus.

Après ça, je n'ai pas accepté qu'ils me rendent visite dans ma chambre, je n'étais pas encore prête à les confronter. Je ne savais pas quoi leur dire, je n'aurai pas supporté de les voir m'aimer alors qu'elle n'allait plus jamais en recevoir.

Pendant ce laps de temps, ils n'étaient pas les seuls que je n'ai pu voir... J'avais depuis quelques semaines le droit de sortir de ma chambre en fauteuil et accompagnée mais chaque fois que je demandais à voir Zeke, ma requête était refusée pour une nouvelle raison chaque jour.

Je n'arrivais pas à croire que là, dans ce fond de couloir, je me trouvais si près et en même temps si loin de lui.

Heureusement pour moi, l'infirmière à lunette dont j'ai fini par apprendre que le prénom était Maïté me tenait informée de l'évolution de son état et même si elle aimait me dire que les nouvelles ne semblaient pas très bonnes, je gardais au fond de moi un semblant d'espoir...

Ce jour-là, c'était un samedi. Eden était venu seul cette fois car il y avait beaucoup de travail au Granny et même s'il tenait à me préciser qu'il n'était pas là par plaisir, je sais qu'il appréciait passer du temps avec moi.

-Je t'ai ramené un flan...ils m'ont dit que tu ne pouvais pas encore manger des trucs complètement solides alors j'ai pensé que ça ferait l'affaire.

Je lui souris reconnaissante pendant qu'il posait le paquet sur le chevet de mon lit.

Après un moment à fixer le vide dans le silence, il finit par parler.

-Qu'est ce qu'il y a ?

Je me saisis de mon petit carnet que le Dr Hudson m'avait donné et j'écris à la hâte.

"ça fait trois mois...tu crois qu'il va bien ?"

Eden leva les yeux et bien que son regard était toujours désintéressé, aujourd'hui, il semblait vide, presque...triste. Il se mit à trembler et je vis des larmes perler aux coins de ses yeux bruns avant qu'il ne les abaisse de honte.

C'était la première fois que je voyais une émotion l'envahir autant, il se débroullait toujours à les garder pour lui.

L'inquiétude me gagna.

-Eden? Chuchotai-je malgré la douleur.

Il releva de nouveau les yeux vers moi et maintenant, de grosses gouttes coulaient sur ses joues parsemées de tâches de rousseur tandis qu'il se mordait la lèvre inférieure.

C'était la première fois que je le voyais pleurer...

-Phil est rentré en ville...May, ils pensent le débrancher.

C'est à ce moment précis que je me rendis compte que si je n'avais pas pleuré autant que je l'aurai souhaité pour le décès de Sarah c'était parce que je compensais cette tristesse par l'espoir que Zeke irait mieux mais maintenant ils voulaient me retirer même ça.

-non...

Ce fut à mon tour de sentir mon corps pris de convulsion et sans que je ne m'en rende compte, Eden se trouvait aux pieds de mon lit.

Il hésita un instant, les yeux rougoyants et finit par me prendre dans ses bras. C'était aussi la première fois qu'il me touchait de son plein gré.

Son étreinte semblait désespérée et suppliante.

-Je ne veux pas qu'il parte May...

Là, le vide, je ne comprenais plus ce qui se passait. Etais-je en train de pleurer ? De rire ? Avais-je réagi ?

Tout cela me semblait flou et mon esprit trop lourd. Je voulais simplement m'endormir et qu'on me dise que tout cela n'était qu'un rêve. En parlant de rêve, comment mon rêve éveillé avait-il fait pour se transformer si soudainement ?

Encore deux semaines s'étaient écoulées depuis l'annonce que m'avait faite Eden, j'avais dû voir mes parents deux ou trois fois entre le jour de mon hospitalisation et maintenant...peut-être quatre. je ne m'en souviens plus vraiment mais je me rappelle d'une chose. Le monde autour de moi semblait s'être comme ralenti, le temps,la nourriture, les gens, rien de tout ça n'avait plus d'importance pour moi.

Tout autour de moi était devenu si sombre, ennuyeux et lent. Ou peut-être était-ce moi qui allait trop vite ? Le monde avait perdu sa lumière.

Je me souviens avoir été ramené à la maison, mais par qui ? Je l'ignore. Des gens m'avaient proposé de rester chez eux un moment, j'ai du mal à m'en souvenir mais ça devait être Granny. J'avais refusé automatiquement sans y penser. Et sa manière d'insister m'avait plus irritée qu'autre chose. Je devais être seule pour traverser ça, c'était comme ça que fonctionnait.

-Et qui en a décidé ainsi ?

-Pardon ?

-Qui a décidé que lorsque vous traversez une épreuve compliquée vous avez besoin de vous isoler ?

King réfléchit un instant mais après un moment repris son récit sans se soucier de Jeffers. La vérité c'est qu'elle n'avait aucune réponse à cette question, elle s'était retrouvée seule une fois et avait simplement conclu que c'était le meilleur choix pour elle, pour ne pas blesser les autres qui ne pouvaient pas l'aider et ne pas se blesser en les décevant car elle n'allait pas mieux.

Je me sentais comme si mon esprit avait quitté mon corps et que celui-ci était maintenant un carapace vide obligée d'exister.

Mon père avait dû repartir pour une raison que j'ignorais et qui ne m'intéressait pas plus que ça et comme un fidèle toutou, sa chère épouse l'avait suivie.

Evidemment, je ne m'attendais à aucun soutien de leur part, un petit mot de n'aurait pas été de refus.

J'étais dans ma chambre, couchée sur le dos au vu de ma plaie prenant du temps à cicatriser.

Je ne sais plus quel jour on était ni quel mois mais je sais qu'il pleuvait. Je me souviens que l'odeur d'humide m'avait fait penser à notre baiser sur la plage. C'était la première fois en trois mois dans le brouillard que je me sentais vivre.

Chaque sensation, chaque souffle du vent qui ébouriffait ses cheveux presque dorés, ses mains sur ma peau, ses lèvres sur les miennes, son sourire.

Je me souvenais de tout et je ne sais pas si cela avait un rapport mais la douleur s'empara de moi à la vue de tous ces souvenirs soudains.

Je me saisi le ventre presque en hurlant quand j'entendis des pas dans les escaliers.

-A l'aid...essayai-je de ma voix pas complètement revenue. A l'ai...

C'était comme si à l'intérieur de moi, la plaie s'était rouverte et que le feu me brûlait de nouveau l'abdomen.

-Pitié...

Des larmes se mirent à couler sur mes joues rosies jusqu'à ce que le monde ralentisse à nouveau.

-May ? May qu'est ce qu'il se passe ?

A travers le flou de mes larmes, je pus clairement voir Zeke se tenir dans l'embrasure de la porte puis foncer vers moi à une vitesse presque irréelle.

-Ezekiel...chuchotai-je.

31th December (premier jet) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant