14. Femmellette

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17 décembre (J-1)

— Tu viens bientôt ?

— Oui Sasha.

— Dans combien de dodos ?

— Dans onze dodos. Et j'aurai une surprise pour toi.

— Mon cadeau de Noël ?

— Oui.

— C'est quoi ?

— Si je te le dis, ce n'est plus une surprise.

J'entends Jeanne rire au loin. Sasha sourit et ça me réchauffe le cœur.

Quand je pense à ce que j'étais prêt à faire il y a quelques semaines. Au fait que j'allais le laisser... Je n'arrive pas à me pardonner d'avoir ne serait-ce que songé à lui faire ça.

Il ne mérite pas de vivre la perte d'un père. Même si les choses ne s'arrangent pas avec Ariès, il faut que je reste, pour Sasha.

— Et Ariès ?

— Sasha, le réprimande sa mère qui lui a probablement dit avant de m'appeler de ne pas mentionner Ariès.

— Elle viendra aussi Ariès ? renchérit-il en fixant derrière la caméra, défiant déjà sa mère du haut de ses cinq ans.

Je garde le silence quelques instants, réfléchissant à comment lui répondre sans le décevoir une nouvelle fois. Cela fait des mois qu'on s'appelle ainsi tous les matins et presque chaque fois, il demande quand il verra de nouveau Ariès.

Soit il ne comprend pas le concept de séparation, soit il fait exprès. En même temps, ce doit être flou pour lui, je suis séparé avec sa mère, mais je reste en contact étroit avec elle, parce que nous sommes amis depuis toujours et nous avons un fils ensemble. Il est en quelque sorte logique pour lui que même si je suis séparé avec Ariès, je dois garder un contact avec elle.

Ils étaient si complices tous les deux, et ce malgré la barrière linguistique des débuts. Ça me brise le cœur de la lui avoir retirée.

Jeanne arrive à ma rescousse non seulement pour que je ne dise pas une nouvelle fois à Sasha qu'avec Ariès c'est fini, mais également pour que je n'aie pas à me le répéter en le verbalisant.

— Termine de manger chéri, on va être en retard. Tu as pensé à ce que je t'ai dit la dernière fois ? Tu penses pouvoir le faire ? s'adresse-t-elle à moi quand Sasha se met à manger.

Jeanne voudrait un peu se détacher de son rôle de mère qu'elle tient depuis cinq ans de manière presque exclusive. Elle qui avait tout laissé de côté pour consacrer son temps à l'éducation de notre fils voudrait reprendre ses activités professionnelles. La médecine, notamment. Elle m'a dit qu'elle voulait aller en mission humanitaire au Laos pendant deux ans et aimerait que je prenne la garde de Sasha pendant cette période.

Ça m'effraie un peu.

J'avoue que je n'avais pas vraiment voulu de Sasha. Quand Jeanne m'avait annoncé sa grossesse tout excitée, moi j'avais seulement été assommé, même légèrement déçu.

Je n'étais pas prêt. Je n'étais pas prêt à être père et je ne savais même pas si j'allais l'être un jour... si je voulais l'être un jour. Parce que bien que si ma mère n'avait pas été présente dans ma vie, j'avais au moins eu une figure maternelle en la personne de Martha, j'avais expérimenté l'amour d'une mère. Mais un père...

Comme Auguste m'a confié il y a peu, j'avais peur de devenir comme Jules, mon propre père. Je ne voulais pas de cette angoisse, je ne voulais pas de cet enfant.

Satan est une femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant