22. Femme moderne

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21 décembre (J-5)

Je donne ma place au paradis si c'est à ça que ressemble l'enfer, me réveiller avec Ariès au creux de mes bras, paisiblement endormie et salivant sur moi.

Je me souviens encore de la première fois que je l'avais vue comme ça, lovée dans mes bras, sa peau reflétant la lumière matinale comme du papier et ses cheveux coulant sur l'oreiller comme de la lave.

Je crois que c'est précisément à ce moment-là que je suis tombé amoureux d'elle. J'avais passé l'heure suivante en pleine admiration de la plus belle créature qui n'avait jamais béni mes yeux. Et alors que je croyais ne pas pouvoir être plus ébloui, elle ouvrit ses yeux fatigués qui s'adaptaient à la lumière à peine filtrée par mes rideaux et ses mirettes se révélèrent à moi. Au fond d'elles, une demande, une conjuration « je te fais confiance, ne me lâche pas ». Alors instinctivement je l'avais serrée contre moi, mais en réalisant qu'elle était blottie dans les bras de son patron, elle se mit à me repousser. Ce jour-là, je ne pouvais pas lui promettre de l'aimer et de la protéger parce que j'avais une femme et un fils aussi que j'avais laissés en France.

Aujourd'hui, je ne peux pas l'aimer et la protéger parce que je suis celui-là même dont elle a dû se protéger. Son pire cauchemar, son démon, le fléau de son existence.

Je n'ai pas le droit.

Je me défais du corps d'Ariès avec la sensation de la souiller par notre seul contact. Une fois hors du lit, je rassemble le nécessaire pour aller prendre une douche. Dans le couloir, des conversations, des rires et de la musique festive me parviennent alors que je me dirige vers la salle de bain.

Me doucher est devenue anxiogène pour moi depuis cet appel. J'ai quelque part la phobie que chaque fois que je sortirai de ma douche, Ariès sera dans la chambre, les larmes et la terreur dans le regard et qu'elle me posera la question qui me hante depuis bientôt un an :

« Tu... tu m'as violée ? »

Calme-toi, Hugo, calme-toi.

Je me déshabille et me glisse sous la douche où je laisse l'eau chaude me laver de mes péchés. Je savonne mon corps, me rince avant de sortir me brosser les dents et me raser.

Une fois fini, j'ouvre ma porte de la salle de bain pour sortir et aperçois Ariès, assise par terre avec une serviette et son sac contenant ses produits. Elle lève les yeux vers moi et un sourire illumine aussitôt son visage.

Oh mon ange.

— Bonjour.

— Bonjour.

Ses yeux se promènent quelques secondes sur mon corps. Elle se lève et approche avant de se planter devant moi.

— Bien dormi ?

— Très bien, toi ?

— Je dois reconnaître que le lit est un chouïa plus confortable que le sol. Il y a aussi ce petit démon qui s'est arrangé pour se glisser dans mes bras, tu vois de qui je parle non ?

Elle secoue la tête en souriant.

— Je ne vois pas du tout non.

— Tu as fait de beaux rêves, j'espère.

— Oh tu n'as même pas idée.

J'ai une petite idée, crois-moi.

— Il y avait qui dans ton rêve pour qu'il soit aussi beau ?

— Si je te le dis, tu vas te fâcher. Aller ouste, laisse-moi prendre ma douche, dit-elle en me tassant avant d'entrer dans la salle de bain.

— Attends, comment ça je vais me fâcher ? C'était qui ? Ariès-

Satan est une femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant