18. Femme d'action

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Je range la dernière assiette avec les autres dans l'armoire. Cet tâche de plongeur commence à devenir lourde et ce n'est que le deuxième jour. D'ordinaire, faire la vaisselle ne me dérange pas particulièrement, c'est même un moment agréable, un dix minutes rien que moi, la vaisselle et les bulles de savon.

Mais ça, c'est quand je faisais la vaisselle pour une ou deux personne. Là je me retrouve à faire la vaisselle pour onze personnes; avec Rajeev qui mange comme six à lui tout seul, Ariès et Darryl qui ont décidé de saigner le livre de recette de mamie Allan pour chaque repas, les restrictions alimentaires qui oblige Darryl à faire trois versions d'un même repas, Ariès qui boit comme un puit sans fond, je ne m'en sors plus.

Et aucun de ses gens qui se disent mes amis ne donne un coup de pouce, chacun mange, rote et va vaquer à d'autres occupations, ravies de ne pas être la boniche.

Aujourd'hui, directement après diner, ils sont allés dans la cour arrière profiter de la neige. De la fenêtre juste au-dessus du lavabo, je les vois s'échanger des boules de neiges dans une bataille qu'ils prennent tous trop au sérieux. Chanel et Ariès qui se sont alliées embuscadent Rajeev pour le mitrailler de boules puis s'enfuient avant qu'il ne les attrape.

— Elles sont mignonnes ensemble n'est-ce pas ? On dirait des sœurs.

Je tressaute et baisse la tête pour voir Sarah. Je n'avais même pas remarqué qu'elle n'était pas dehors avec les autres.

Ça a toujours été comme ça, Sarah passe inaperçue. Elle est très réservée, assez timide, il faut prêter l'oreille pour l'entendre parler dans les conversations agitées. Le total opposé de Chanel qui comme Ariès s'exprime ouvertement.

Mon regard retourne vers les amies d'enfance à présent l'une sur l'autre.

— Oui... des sœurs... tu n'es pas sortie profiter de la neige avec les autres ?

Elle tourne la tête vers la fenêtre.

— Et risquer qu'Ariès me prenne pour cible ?

Je lâche un petit rire.

Ariès a une drôle d'obsession pour Sarah. Dès qu'elle la voit, l'on croirait qu'elle est en présence d'un chaton ou d'un chiot et que son QI chute du quart. Sa voix devient plus aigüe, elle baragouine des inepties, pince les grosses joues de Sarah en l'appelant de toutes sortes de surnoms affectueux. Je la comprends, Sarah est en effet le summum de la mignonnerie. Que ce soit son physique, son attitude, son style vestimentaire, tout chez elle donne envie de la protéger.

Pendant les deux ans de couple avec Ariès, Sarah et moi avons fait connaissance, étant tous deux introvertis. Alors qu'Ariès et Chanel se lâchaient pendant les soirées, je me retrouvais souvent dans un coin avec Sarah, à discuter loin des regards, surveillant nos compagnes pour s'assurer qu'elles ne fassent pas de conneries.

— Et toi ? Pourquoi n'es-tu pas sorti ? La vaisselle aurait pu attendre.

Parce que ta femme ne veut pas que j'approche sa meilleure amie.

Je baisse la tête.

— Tu sais...

— Oh...

Un court silence ponctue son onomatopée avant que je ne prenne la parole.

— Toi... toi qu'est-ce que tu penses de moi ? Ariès est aussi ton amie, non ? Ne devrais-tu pas me maudire et me repousser comme Chanel pour ce que j'ai fait ?

Sarah soupire, à croire que la question la fait chier.

— Je me pose la même question tous les jours. Je devrais te détester autant que Chanel, mais je n'y arrive pas... pour moi, tu restes le type sympa, amoureux d'Ariès que j'ai connu... et je sens au fond que c'est vraiment ce que tu es. Quelqu'un de bien... alors je ne parviens pas à diriger de la haine vers toi.

Satan est une femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant