XX - Mon père

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Je n'ai jamais été l'enfant prodige. J'ai constamment été référencé au second rang. Naître dans une famille royale n'est pas donné à tout le monde et ne rime pas forcément avec joie, richesse et amour.

Bien au contraire, cela peut briser des rêves, une âme, un coeur. Notamment lorsque l'amour que porte ton propre père à ton égard est presque inexistant, si ce n'est invisible. Je suis né un an après Lucius, mes premières années ne furent pas les plus difficiles et nous jouions ensemble tous les deux, dans la cour du palais à Erador, sous le soleil étincelant chaque été.

Lorsque nous avons découvert que Lucius avait des pouvoirs, le comportement de mon père a brutalement changé. Il ne me chérissait plus comme auparavant, au contraire, Lucius était le successeur légitime et puissant.

Nous étions âgé de douze et treize ans lorsque mon calvaire a commencé. Nous jouions dans les jardins, je courais après Lucius pour récupérer la balle et notre père nous a interrompu :

— Lucius ! Redonne la balle à ton faible de frère et rentre à la maison, nous avons du travail !

Lucius avait arrêté de courir et m'avait tendu la balle. Je l'avais saisi, mollement, déçu.

— Est-ce qu'on pourra rejouer après ? m'enquis-je auprès de mon grand frère.

— Je ne sais pas... Père me prépare à le succéder et souhaite que nous sachions exactement quel pouvoir je détiens.

— S'il te plaît... on a joué qu'une petite heure...

— Ce n'est pas moi qui décide, Andreï. Je suis désolé.

Il m'avait laissé dans les jardins, seul, le restant de la journée. Au soleil couchant, Lucius m'avait rejoint et avait joué avec moi quelques temps. Je n'étais plus aussi emballé que la première fois, je dois l'avouer. J'étais en mal d'amour, jaloux de l'attention que portaient mes parents à son égard. J'avais cette terrible sensation de n'être qu'une erreur, un fardeau ni plus ni moins.

Lorsque ma mère nous bordait un soir ordinaire, j'avais saisi son poignet avant qu'elle ne se relève. Etonnée, elle m'avait jeté un regard inquiet. Ma mère semblait fatiguée, elle détenait un grand pouvoir, elle était Mage. Les Mages étaient des individus puissants, détenant tous les éléments, contrairement aux Enchanteurs qui ne sont qu'une mutation pathétique de leurs gènes.

— Mère... avais-je commencé de ma voix fluette. Pourquoi Père ne m'aime-t-il pas ?

D'un regard compatissant, elle avait posé sa main douce sur la mienne et m'avait adressé un sourire .

— Ton père est un Être de Feu, Andreï. Ils sont... très impulsifs, il craint pour l'avenir de nos Nations et souhaite à tout prix que ton grand frère soit prêt le jour où nous mourrons.

— Mais... les Êtres de Feu ne meurent pas...

— Nous ne pouvons en être certains, nous devons rester sur nos gardes. Peu importe le roi que tu deviens, que tu sois bon, clément ou un tyran... il y aura toujours des hérétiques pour vouloir la mort des Êtres de Pouvoir.

— Et moi... ? Pourrais-je monter sur le trône ?

Elle avait caressé ma main du bout de ses doigts, tendrement. Car oui, ma mère était tendre contrairement à mon père, cependant, jamais elle n'a su me défendre, jamais elle n'a su me rassurer.

— Non, Andreï, avoua-t-elle. Lucius est l'héritier légitime du trône, tu resteras prince.

J'ai grandi avec ce fardeau, celui d'être le petit frère, celui de ne pas avoir de pouvoirs pour rendre fier mon père. J'ai, durant des années, observé Lucius et mon père utiliser leurs pouvoirs. Je les ai vu rigoler, s'enlacer, passer des instants inoubliables tandis que moi, je restais en retrait, seul.

Invocatrice de l'Ombre T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant