XV - Une vague de Ténèbres

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J'avance dans les rues de Panterm, les bras ballants. Les personnes qui je croise me dévisagent, me reconnaissent et j'entends les murmures sur mon passage. Je suis, malgré moi, rattachée à Lucius et mon départ semble avoir fait du bruit.

Je passe les grilles du palais, au dessus de celui-ci trône un énorme nuage noir, lequel mélange les éclairs.

Alors que j'avance dans l'allée, un grognement dans mon dos m'immobilise. Je me tourne lentement, l'une des Ombres Obscures de Lucius se trouve face à moi. Son grognement est sinistre, de la bave dégouline de sa gueule brumeuse. Des dents aiguisées m'attendent. Elle me fixe de ses yeux blancs, le grognement provient du fond de ses tripes et comme une bête sauvage, elle attend simplement le bon moment pour se jeter sur moi.

La créature se rue sur moi, je tombe en arrière, les bras en avant. Un éclair fend le ciel et s'abat juste devant moi, empêchant la créature de m'approcher. Elle s'arrête alors et me toise de nouveau. Je baisse lentement mes bras, je constate qu'elle demeure immobile et ne grogne plus.

— Joli tour de magie.

Je me relève, époussette mon pantalon et me retourne vers la personne qui a dit cela. Lucius porte son fidèle manteau aux boutons de cuivre, celui qu'il avait confié à Tristan et s'avance vers moi.

— C'est toi qui a fait cela... soufflé-je.

— Toi ou moi, peu importe, non ?

Je n'ai plus de pouvoirs. Je ne peux donc avoir produit cet éclair. Si l'Ombre Obscure ne m'attaque pas, c'est parce que Lucius est là.

— Où sont passés tes mercenaires ? M'enquis-je.

Lucius inspire puis expire tout en haussant les épaules.

— À quoi bon faire confiance aux êtres humains ? J'ai compris à nouveau, quand tu t'es enfuie, que je ne pouvais faire confiance à personne.

Je plisse les paupières.

— Ils sont tous morts, regarde, quelques uns sont pendus devant l'entrée du palais, reprend-il.

Il montre l'entrée de la demeure d'un geste de la main. Je constate avec effroi que c'est bel et bien le cas. Je reconnais même quelques prétendants. Ils sont tous pendus, les tripes qui sortent de leur ventre ouvert, comme Tadëus à l'entrée de Panterm. Ils sont pendus aux lampadaires, aux poutres, aux fenêtres... ce spectacle macabre me donne la chair de poule.

— Je suis un homme de parole, Laora, reprend Lucius. Si je dis que j'aiderai quelqu'un, je l'aide, si je dis que je le tue car il m'a trahi. Je le tue. J'avais promis à Tadëus que je ne lui ferai rien s'il ne se mettait pas en travers de mon chemin le jour de ma libération, et j'ai tenu ma parole. Cependant, il savait que s'il me trahissait, il perdrait la vie.

Je humecte mes lèvres et déglutis difficilement. Je n'ai pas envie de penser à Tadëus, ni à cette image d'horreur de son corps mutilé.

— Alors dis-moi, très chère sœur, où se trouvent tes amis ? Qu'on en finisse une bonne fois pour toute.

— Je suis venue seule.

Il hausse les sourcils, visiblement étonné. L'Ombre Obscure reste derrière moi, sans un bruit, immobile comme de la brume, je ne sens que son souffle glacial contre ma nuque.

— Je suis venue pour toi, j'ai laissé mes amis, poursuis-je.

— Bien.

— Je veux savoir toute la vérité Lucius, je ne veux plus de mensonges.

— Alors rentrons.

Il me fait entrer dans le palais. Lucius l'avait décoré à son goût cependant à ce jour, plus rien n'est pareil. L'endroit est vide, le ménage n'est pas fait, de la nourriture moisie reste sur les tables, des feuilles mortes traînent sur le sol. Tout a été laissé comme c'était disposé lors du mariage. Et depuis, c'est comme si le temps s'était arrêté. La demeure est morte, figée sur une scène qui se meurt avec le temps.

Invocatrice de l'Ombre T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant