XXIX - Hélène, la servante écarlate

1.3K 249 59
                                    

Mes bras reposent sur une planche de bois suffisamment épaisse pour me faire flotter à la surface. Lors de l'attaque sur le bateau pirate, je me suis retrouvée coincée dans la soute et lorsqu'ils ont tiré aux canons, tout s'est engendré très vite. Je leur apportais la poudre mais le bateau s'est fendu en deux. Le feu a commencé à ravager chaque compartiment et je n'ai eu d'autres choix que de sauter si je souhaitais avoir une chance de survivre.

Je me retrouve à la dérive sur cette planche de bois. Je tente de reprendre mes esprits. J'entends des cris au loin, mais ils ne proviennent plus du navire coulé, ils proviennent d'Irondell, là où la guerre semble faire rage. Je suppose que le père d'Andreï est déjà sur place dans l'espoir d'arrêter Lucius.

Nous arrivons bien tard. Irondell est l'avant dernière Nation, il ne reste plus que Corvil... les cinq autres Nations ont été réduites à néant. Les habitants sont devenus des esclaves ou des statues de pierres figées sur des expressions de terreur marquantes.

— Andreï ?! Hélène ? Jam ?!

Je relève la tête qui, jusqu'alors, était posée sur mes mains. L'eau froide me glace le sang lorsque que je bouge légèrement pour me retourner. J'aperçois Tristan non loin de là.

— Je suis là !

Je lâche ma planche et nage en sa direction, il fait de même et nous nous retrouvons rapidement, immergés sous l'eau avec seulement notre tête qui dépasse.

— Parfait, tu es en vie, souffle-t-il comme un soulagement. Te sens-tu capable de nager jusqu'au rivage ?

Je hoche la tête.

— Allons-y, lance-t-il en commençant à nager.

Je le suis également. Je ne suis pas très bonne nageuse, j'ai bien cru me noyer lorsque j'ai sauté dans l'eau. Je ne sais par quel miracle, j'ai réussi à regagner la surface et m'éloigner du tourbillon que provoquait le bateau en coulant. Nous nageons le plus rapidement possible, pour que ce calvaire prenne fin. Cependant, je sens mes muscles se contracter, comme des crampes douloureuses. Je pousse un grognement mais ne m'arrête pas.

Bientôt, nous arrivons jusqu'au rivage, là où je rampe sur le sable. Je me laisse tomber à plat ventre un instant puis me tourne sur le dos, la moitié du corps encore dans l'eau qui va et vient, formant de la mousse à son arrivée sur la plage.

Je suis essoufflée, épuisée, perdue. Je pense beaucoup à mon fils que j'ai laissé à Corvil. Ce sont les servants de la mère de Chloé qui s'occupent de lui et par chance, Corvil n'a pas encore été attaqué par Lucius et Chloé. Je ne cesse de prier pour que ce combat soit le dernier. Ils ne doivent jamais atteindre cette Nation où je perdrai mon fils pour toujours. Si tel est le cas, alors mon combat aura été vain, je ne peux le concevoir.

Lorsque je rouvre les yeux, après une énième inspiration, je vois Tristan au dessus de moi, qui me tend la main. Je l'attrape et me remets sur pieds. Il m'enlace tendrement et m'adresse un bref sourire.

— Je ne sais pas où sont Jamésy et Andreï mais nous ne pouvons pas les attendre plus longtemps.

Lorsqu'il tente d'avancer après m'avoir dit cela, il pousse un grognement et grimace en se tenant la cuisse. Il est blessé, le sang a taché son pantalon beige et un trou profond transperce sa cuisse.

— Il faut que tu arrêtes l'hémorragies, tu risques de t'épuiser à perdre autant de sang, lui déclaré-je.

Tristan s'assoit sur une caisse à moitié détruite, la jambe tendue. Il pousse un soupir et déchire un morceau de sa chemise trop grande et encore mouillée. Il l'enroule ensuite autour de sa cuisse, inspire profondément et serre d'un coup sec. Il serre les dents, pousse un râle de douleur et penche sa tête en arrière un instant, fixant le ciel.

Invocatrice de l'Ombre T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant