" Je me sens épuisé, je me sens à bout" Soprano

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Le plus trash quand tu remontes sur ton vélo après un accident est de ne pas penser à ta vulnérabilité si exposée. Ne pas se dire que le sol, les murs, les piétons, les rails de tramway, les autres cyclistes , sont des dangers potentiels. Des tiers qui, vivants ou non, vont t'exposer à un danger concret malgré ta prudence. Malgré ton casque. Malgré ton respect du code de la route, des priorités, des feux...

Il y a toujours un imprévu qui surgit dans ta trajectoire, au moment où tu t'y attends le moins. Alors le dénouement de cette rencontre dépendra de ta vitesse, de ton espace, du monde. Si tu vas trop vite, tu sais qu'un freinage sec va t'envoyer valser par dessus ton guidon, alors tu ne pourras rien faire sinon subir. Si tu freines graduellement, tu sais que la distance de freinage est trop importante pour que tu puisses éviter le heurt. Si tu dévies, que ce soit à gauche ou à droite, il faut que tu sois certaine que la vitesse et le terrain ne déstabiliseront pas ton vélo. Que tu as assez de place pour ne pas éviter un heurt pour en provoquer un autre. Qu'il n'y a ni feux, ni croisements, ni rien pouvant t'exposer à la violence de la route ... Alors Aéna avait dû apprendre à savourer les moment de repos. Des moments où ni son corps ni sa précarité n'étaient exposés. Des moments où elle pouvait se retrouver dans une bulle et ne pas en sortir. Ces moments-là sont importants.

Le repos est donc de fait quelque chose de précieux. Aéna sait savourer chaque moment paisible que la vie lui offre. Ils sont déjà si peu nombreux... Elle était assise sur un banc, au Bois de la Cambre, savourant la douce chaleur d'automne sur sa peau alors qu'elle lisait un livre. Il s'agissait d'une monographie, une enquête de terrain menée par un anthropologue belge au Cap Vert à propos du concept de famille à distance. L'auteur, Pierre Joseph Laurent, y racontait le récit d'une famille à distance qui se construit entre le Cap Vert et les États Unis, créant un mouvement de va et vient, des histoires d'amour et des projections de migration faites à partir d'une naissance.Il s'agissait d'une des œuvres, avec Beauté Imaginaires et Les Formes du Visible, qui signifiaient sa passion pour l'anthropologie. L'anthropologie ou l'approche du monde, de ce qui est, de ce qui est pratiqué, par l'observation. Tu es là, tu assistes, tu discutes, et tu découvres les plus belles facettes de la vie, la plus douce signification...

Avec soprano dans les oreilles, sa voix mélancolique et son texte poignant, elle était dans sa bulle, dans son monde, les feuilles de l'automne virevoltant autour d'elle, dans un ballet de couleurs pastelles, ses boucles châtain sombre attachées en une queue haute valsant sous la caresse du vent. C'est le genre de vie qu'elle savour : un banc, un livre, un casque audio lui compressant les oreilles, et la nature vivante qui s'exprime... Rien de plus, rien de moins.

-  Excusez-moi ! Excusez-moi !

Elle leva un regard blasé sur la personne qui faisait de l'ombre sur son livre, répétant cette phrase agaçante, se tenant debout là. Un homme d'une quarantaine d'années, tenant une laisse en main, avec aucun chien en vue...

Au Nom de ma Liberté...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant