" Fou pour espérer changer le monde" Scylla

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Aéna lisait, assise dans son lit,une tasse de thé fumante sur sa table de chevet et un petit gâteau laissant planer des effluves de chocolat dans la pièce. Ezra avait été aux petits soins avec elle depuis son agression. Elle avait eut du mal à poser des mots apaisés sur son angoisse, son impression de précarité permanente, son stress de sentir des mains la saisir...

Elle lisait en espérant que la lecture l'éloigne de ces sensations, ces choses qui la prenaient et qu'elle ne maîtrisait pas.

La Luna en elle était plus éveillée depuis cette soirée. Peut-être qu'elle allait finalement complètement s'exprimer... Elle savait que rien ne pourrait l'aider à faire disparaître cette sensation ignoble. Sale. Rampante sur son corps et son être... Mais elle sentait que la Luna en elle avait envie de l'aider. A se relever. A se construire.

Elle avait entre ses mains une Encyclopédie de la Meute. Elle y lisait les relations politiques, économiques et sociales entre les Lycans de la Meute et les autres Créatures. Elle prenait conscience de l'importance de la diplomatie qui était un enjeux géostratégique des créatures. La Meute Ratayon avait à Bruxelles le monopole des enjeux : le commerce de métaux des Elfes, les poches de sang des Vampires...

-Ma Luna ?

Elle leva le nez de sa lecture. Qui pouvait frapper à sa porte?

-Entrez, répondit-elle en posant son encyclopédie près d'elle.

Une des servantes de la maison entra, disant :

-Une personne demande à vous voir. Nous l'avons faite attendre dans le petit salon. Dois-je la congédier ?

- Qui est-ce ?

- Une certaine Nola. Elle prétend être votre amie.

- Je vais la voir, soupira Aéna en sortant de ses draps. Elle n'avait répondu à aucuns de ses messages et n'avait pas décroché lorsqu'elle l'avait appelée... Elle ne pouvait pas reporter encore le moment de leur discussion.


Installée sur le canapé qui trônait au milieu de la pièce, des hommes portant un trois pièces debouts aux portes, elle attendait, ses doigts pianotant sur l'accoudoir. Ses lunettes de soleil cachaient ses yeux et son teint était blafard, mais elle savait que son amie ne lui en tiendrait pas rigueur. Elle avait l'habitude de ses moments de perdition où elle ne laissait rien paraître...

-Nola ?

Aéna entra, son odeur la tendit mais Nola prit sur elle. Elle avait besoin de lui parler. De savoir...

Le petit salon avait en tout et pour tout une table basse encadrée par deux larges canapés parsemés de douillets oreillers. Un grand vase trônait au centre de la table, garni de jacinthes qui donnaient un jet de couleur à cette pièce aux murs crèmes et au parquet lustré. Aux murs quelques étagères suspendues portaient des livres aux titres divers, comme si la personne ayant décoré l'endroit avait été soucieuse de poser un zeste de vie en habillant les murs.

En entrant dans le petit salon, Aéna fut agressée par la putridité qui se dégageait de là. Il y avait une odeur de frelaté qui semblait couverte, comme cachée par elle ne savait quoi. La Luna lança un regard soucieux aux membres de la meute qui gardaient la porte. Ils étaient aussi tendus, si pas plus, qu'elle.

- Je t'attendais depuis deux semaines, tu sais, lui reprocha Nola sans émotion, sans même se lever.

- Je n'étais pas en état de... commença Aéna, hésitante, en allant s'installer .

- Pas en état ?

Nola se leva, doucement. L'odeur qui se dégageait d'elle, infecte et nauséabonde, un tressaillement parcourut Aéna. Elle ne savait pas ce qui la dérangeait, mais quelque chose n'allait pas...

Tu sais Aéna, moi non plus je n'étais pas en état...

- Je...

- Tim a mis un truc dans mon verre. J'ai vomi jusqu'à en pleurer aux toilettes. Et j'assistais, spectatrice, à ce qu'il faisait à mon corps...

- Nola...

- Et toi ? Tu faisais quoi?

Nola était debout près du canapé qu'occupait Aéna. Son corps était parcouru de spasmes qu'elle tentait de contenir alors que tout son être lui hurlait de frapper...

- Tu faisais quoi quand j'ai failli me faire agresser ?

- Nola, j'ai essayé de... plaida Aéna, prise au dépourvu, sa voix chevrotante d'émotion alors qu'elle replonger dans ce souvenir qu'elle avait enfoui dans une sombre étagère de sa mémoire.

- Tu m'as abandonnée, gronda d'une voix tonitruante Nola en la giflant.


La gifle fut si violente que Aéna se cogna contre le dossier du canapé dans un bruit sourd.

LUNA ! aboyèrent les deux gardes en se précipitant, repoussant d'un même geste l'amie de leur Luna et se posant entre elles.


Elle resta là, prostrée, une main sur sa joue en feu alors que sa bouche était envahie par la fadeur métallique de son propre sang. Elle leva un regard perdu sur son amie alors que celle-ci se métamorphosait. Ses dents refaites par de longues années d'orthodontie s'allongeaient, laissant des canines dignes d'un film de vampires s'avancer...

- Nola... Qu'est-ce qu'ils t'ont fait... souffla, effrayée, Aéna.

La jeune femme fit un pas vers son amie mais fut retenue par l'un des gardes qui dit :

- C'est une jeune vampire, Luna. Ils sont instables et très violents...

- Nola, qui t'a fait ça, demanda Aéna, effrayée, pâle et nauséeuse.

- Mike m'a sauvée, siffla Nola en lançant un regard emprunt de ressentiments sur son amie. Il m'a aidée à me reconstruire alors que toi tu étais absente !

- TU TRAINAIS AVEC DES MALADES ! EN QUOI JE SUIS RESPONSABLE? explosa Aéna, sa voix se modifiant, la Luna en elle prenant le dessus sur l'humaine, toujours derrière le mur de muscles qu'étaient les deux gardes, tendus comme des arcs, ayant déjà contacté toutes les personnes à contacter par le biais de la conscience collective de la meute.

- TU AURAIS DU ÊTRE LA ! rugit Nola en lui sautant à la gorge. Elle fut interceptée par un des gardes, l'autre éloignant la jeune livreuse à vélo du combat. Le garde attrapa la jeune vampire par la crinière, la jetant contre les portes du petit salon qui s'ouvrirent à volées. Nola finit sa course au milieu du corridor, sous les grondements assourdissants de tous les membres de la meute qui étaient venus à la rescousse de leur Luna.

Evan, debout devant la jeune vampire, grogna tandis que ses hommes la saisissaient pour la jeter dehors :

- Que l'on convoque Med. Tout de suite.

Au Nom de ma Liberté...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant